Machine à vapeur : poème

Fèvre-Desprez
Une poésie qui montre bien le culte rendu à la machine en ce XIXe siècle.
Au milieu de l'usine où flambe une rougeur,
S'arrondit le flanc noir du cylindre de fonte
Où suinte, humide et chaud, un brouillard de vapeur;
Un barreau de métal roide et dentelé, monte
Lentement au plafond avec un grincement,
Puis s'arrête, très brusque, accrochant quelque chose,
Et redescend dans l'ombre automatiquement;
Le grand piston que, goutte à goutte, l'huile arrose,
Comme un bras gigantesque, actif et pétrissant
Du fer, dans un effort se ramasse et se lance
Avec un mouvement régulier et puissant,
Et glisse, énorme et doux, se mouvant en silence;
La chaudière à grand bruit respire en haletant;
Un long tuyau de cuivre, épais et tordu, semble
Un muscle vigoureux qui se gonfle et se tend,
Et le plancher, sous un roulis, vacille et tremble.
Les engrenages font un entrecroisement
De crochets monstrueux, une informe lignée
D'insectes de métal grouillant confusément
On croit voir remuer une énorme araignée.
Embrouillant les contours de ses orbes obscurs,
Un volant qui décrit des courbes méthodiques,
Et projette son ombre, oscillant sur les murs
Qu'empourprent largement des lueurs fantastiques,
Découpe en silhouette un spectre lumineux
Une roue aux rayons de lumière, qui bouge
Comme un serpent de feu qui déroule ses nœuds,
Sur le fond ténébreux, immense et toute rouge.

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