Le retour du genre humain à l'animalité

Philippe Muray
Pourquoi faudrait-il parier sur la génétique, le clonage, un eugénisme pour en finir avec la misère sexuelle de l'espèce humaine traditionnelle, et en terminer avec les égoïsmes de l'individu, la compétition sexuelle en système libéral ? Le problème, à mon avis, est en cours accéléré de résolution : plutôt que l'élimination du sexe masculin, ou une espèce d'androgynie - d'angélogénie - techniquement assistée, on observe déjà le retour du genre humain à l'animalité, et pas uniquement sur le plan sexuel, sur celui du langage d'abord. Pourquoi faire l'ange quand on peut re-faire la bête ? L'espèce animale est une espèce réconciliée - elle ne s'est, à vrai dire, jamais fâchée avec personne puisqu'elle n'avait pas de langage pour le faire. Chez l'animal, le désir n'est que périodique - lié à la reproduction, etc. Ce qui est arrivé avec les humains, à cause de la rivalité mimétique comme dirait René Girard, c'est que le désir est devenu permanent ; d'où d'autres rivalités, elles-mêmes permanentes, dont l'intensité constitue, en fait, le fond de l'Histoire ; d'où le processus de l'hominisation, le passage de la Nature à la Culture.

(...) on peut très bien envisager l'émergence d'une humanité techniquement réformée, réanimalisée, déshominisée, où le désir ne sera plus, comme chez les bêtes, que périodique et utilitaire, et où n'entrera plus que minimalement, dans les luttes sexuelles, la question du prestige - liée aux temps historiques. Ainsi sera résolue toute cette affaire. Fin du corps sexué. Fin de l'Histoire. Fin des contradictions. Fin des conflits. Fin de la distinction entre animal et humain. Retour de la Culture au bercail de la Nature. Fin du roman. Fin, en douceur, des hasards de la séduction.

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