Les école de gladiateurs

Theodor Mommsen
5. LES ÉCOLES DE GLADIATEURS

Les jeux publics de la capitale, les jeux de gladiateurs comme les jeux du cirque et les jeux scéniques, ne regardent le prince qu'en tant qu'il les organise par un acte volontaire de libéralité personnelle (p. 238). En droit, ils incombaient aux anciens magistrats de la République, aux consuls, s'ils étaient prescrits à titre extraordinaire par le sénat (III, 157), et, s'ils étaient permanents, aux préteurs, quand c'étaient des jeux scéniques ou des jeux du cirque (III, 271), aux questeurs, quand c'étaient des jeux de gladiateurs (IV, 233). A la vérité, une partie des questeurs recevaient du fisc, à l'époque récente, l'argent nécessaire pour leurs jeux (IV, 233); mais, même dans ce cas, le gouvernement paraît avoir laissé l’organisation des jeux aux magistrats et en particulier n'avoir pas mis de gladiateurs impériaux à leur disposition. Le théâtre privé impérial 83, dont les représentations données dans le palais, n'étaient pas accessibles au public, formait naturellement une section de l'administration de la maison de l'empereur 84.

Mais si les jeux de gladiateurs n'étaient pas plus que les autres organisés ordinairement par l'empereur, il y avait cependant des écoles impériales de gladiateurs, tant à Rome — principalement le ludus magnus dans la troisième région auprès de l'amphithéâtre 85 et, en outre, dans la seconde, le ludus matutinus 86, — que hors de Rome, dans l'Italie et les provinces, où elles étaient, jusqu'à un certain point, distribuées par circonscriptions 87. Ces écoles n'avaient pas sans doute seulement pour destination de fournir des gladiateurs pour les jeux impériaux; elles servaient aussi à concentrer, en une certaine mesure, l'institution des gladiateurs dans les mains de l'empereur, de façon que les autres organisateurs de jeux dussent principalement s'adresser aux établissements impériaux pour en avoir. A la vérité, l'éducation des gladiateurs n'a aucunement été monopolisée légalement par le gouvernement sous l'Empire; elle a, au contraire, été fréquemment entreprise par des particuliers 88; mais, dans la capitale, il a probablement été interdit, sous les Flaviens, aux particuliers d'entretenir des bandes de gladiateurs 89 et, même en Italie et en province, les gladiateurs ont aussi été sous le contrôle rigoureux du gouvernement. Le rôle qui avait été joué par les gladiateurs, soit au service de leurs maîtres, soit pour leur propre compte, dans les batailles des rues et les guerres civiles du VIIe siècle, et qui fut continué à Rome par les gladiateurs des écoles impériales 90, suffit à garantir que la politique prévoyante des Césars n'a pas laissé cet instrument dangereux déchaîné et le silence à peu près complet des sources sur des tumultes de gladiateurs 91 montre qu'ils arrivèrent jusqu'à un certain point à s'en rendre maîtres. — L'administration des diverses sections de gladiateurs impériaux appartenait à des procurateurs impériaux, en partie même à des procurateurs impériaux de rang équestre (p. 374, note 1; p. 375, notes 2 et 3).



Notes

83. Cf. le circus privatus (2 janvier) et les ludi Palatini (17-22 janvier) des calendriers et ce qui est remarqué à ce sujet C. I. L. I., p. 382. 384 = ed. 2. p. 305. 308.
84. C'est à cela que se rapporte l'affranchi impérial a comment(ariis) rat(ionis) vestium scænic(arum) et gladiat(oriarum) (C. L L. VI, 10089; vestis gladiatoria, C. I. L. VI, 3756). La destination précise d'autres institutions n'est pas claire; en particulier, celle du summum choragium, que les régionnaires citent dans la troisième région et dont figurent sur les inscriptions des procuratores (C. I. L. III, 348. VI, 297), adjutores procuratoris (C. I. L. VI, 10083),- tabularii (C. I. L. VI, 776. 10086), contrascriptores rationis (C. I. L. VI, 8950), medici (C. I. L. VI, 10085), tous affranchis ou esclaves impériaux. Le choragium, ce sont les décors et les machines du théâtre (Hirschfeld, Untersuch. p. 182); mais je ne sais dans quel sens il est appelé summum, ce mot ne pouvant être traduit par «impérial», comme le propose Hirschfeld. Le logista thymelæ, Henzen, 5530, n'est rien moins que Temesitheus, le beau-père futur de l'empereur Gordien,
85. Ce ludus était le principal, montrent son emplacement attesté par les régionnaires, le nombre de ses inscriptions et l'avancement d'un procurator ludi matutini au poste de procurator ludi magni (C. I. L. XIV, 2922). On y trouve cités le procurator (C. I. L. VI, 1645. 1647. VIII, 8328. XIV, 2922. Henzen, 6947) et le subprocurator (C. I. L. II, 1085), tous deux de rang équestre; le præpositus armamentario (C. I. L, VI, 10164), un affranchi impérial; le dispensator (C. I. L. VI, 10166), un esclave impérial; le cursor (C. I. L. VI, 10165), également de condition servile, et une série de gladiateurs appartenant à la familia gladiatoria Cæsaris (C. I. L. VI, 7659. 10167-10170). Hirschfeld, Untersuck. p. 179.
86 Sont cités le procurator (C. I.. L. VIII, 7039. XIV, 160. 2922, de rang équestre; le commentariensis (C. I. L. VI, 352) et le medicus (C. I. L. VI, 10171. 10172), tous deux affranchis impériaux. Hirschfeld, p. 180. Le ludus magnus ne pouvant avoir été fondé qu’avec l'amphithéâtre Flavien et après lui, le ludus matutinus était sans doute, avant Vespasien, l'unique école impériale de gladiateurs à Rome et le procurator ludi de Tacite, Ann. 11, 35, peut s'y rapporter. -Les régionnaires connaissent quatre ludi et contiennent des indications confuses sur un ludus Dacicus et un ludus Gallicus (Jordan, Topogr. 2, 24); on ne peut établir, au moyen d'inscriptions authentiques, leur existence dans la capitale (cf. note 2) et ils ne peuvent pas avoir eu une grande importance. — Pour les decennalia de l'empereur Gallienus, 1,200 gladiateurs défilent dans la pompa (Vita Gallieni, 8).
87. Proc(urator) Aug(usti) ad famil(iam) glad(iatoriam) trans Pa(dum): C. I. L. V, 8659. – (P)roc. famil. (glad, per) Ital.: C. L L. VI, 1648. — Proc. fam. glad. per Gallias Bret. Hispanias German(ias) et Raetiam: C. I. L. III, 249, au-dessus du procurateur symétrique d'Asie Mineure. Tabularius ludi Gallic(i) et Hispan(ici), affranchi impérial: inscription de Barcelone, C. I. L. II, 4519. — Proc. fam. glad. per Asiam Bithyn. Galat. Cappadoc. Lyciam Pam. phyl. Cilic. Cyprum Pontum Paflag.: C. I. L. III,. 249. — Procur. ludi famil. glad. Cæs. Alexandreæe ad Ægyptum: C. I. L. X, 1685. L'inscription de Barcelone montre de la manière la plus claire que ces ludi se trouvaient en réalité dans la province corrélative. Cf. Hirschfeld, p. 181.
88. Gaius, 3, 146. Il n'y a évidemment pas eu d'écoles de gladiateurs municipales; en dehors des écoles impériales, on ne rencontre que des écoles appartenant à de riches particuliers, caractérisées surtout par les sépulcres collectifs (souvent mal compris) de Venusia C. I. L. IX, 465. 466 et surtout d'Asie, C. I. Gr. 2194 b. 2511. 2519 b. 3313. 3677. 3942, et probablement autorisées par des concessions spéciales. Ce n'est sans doute pas par un pur hasard, que ces sépulcres collectifs se rencontrent principalement dans la riche et obéissante Asie Mineure; c'est aussi là qu’a écrit Gaius. Cf. Hermes, 21, 274.
89. Sous Auguste (Suétone, Aug. 42; Dion, 55, 26) et même encore sous Caligula (Dion, 59, 14; ces restrictions n'existaient pas; elles doivent avoir été liées avec la construction de l'amphithéâtre Flavien et le développement de la grande école de gladiateurs impériale qui en dépendait.
90. Josèphe, Ant. 19, 4, 3. Tacite, Hist. 2, 11. 35. 3, 57. 76. Vita Marci, 21 (rapproché de 23); Juliani, 8.
91. Zozime, 1, 71, en rapporte un léger sous Probus.

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