Cégep: l'inspiration retrouvée

Jacques Dufresne
Texte d'une conférence présentée dans le cadre du Colloque de l'Association des cadres des collèges du Québec, le 12 novembre 2004.
    En 1963, un visionnaire anglais, à la fois homme de science et homme de lettres, physicien et romancier, C.P. Snow lançait, sans faire de vagues, l’idée de troisième culture, une synthèse des cultures littéraires et scientifiques traditionnelles.

    Au même moment, dans l’une des régions d’Occident dont on pouvait attendre tout sauf une vision originale de l’avenir, on entreprenait une grande réforme de l’éducation basée sur une intuition semblable à celle de C.P. Snow, celle d’un humanisme qui non seulement unirait les sciences et les lettres mais encore le monde du travail et celui de la culture. Par la même réforme, le Québec conservait l’essentiel de la tradition classique, dont il avait raison d’être fier, tout en se préparant, mieux qu’il ne l’avait fait dans le passé, à relever le défi de l’industrialisation. Il osait en outre continuer de se présenter comme distinct du reste de l’Amérique du Nord alors même qu’il adoptait des mesures audacieuses pour rattraper ses voisins sur le plan économique.

    Les campus américains étaient alors le lieu de violentes contestations. Le mouvement gagna l’Europe. En France, il y eut mai 1968. Ce raz de marée n’épargna pas le Québec. Encore mal établies, les nouvelles institutions furent prises d’assaut. Pouvait-on reprocher à la jeunesse québécoise de se tromper de cible, d’ébranler ce qu’on venait de créer pour elle alors qu’ailleurs les cibles étaient des institutions bien établies ?

    Dans les anciens instituts de technologie, les contestations de ce genre étaient impensables. Les employeurs allaient-ils désormais recevoir des techniciens corrompus par la fréquentation des littéraires dans les classes de philosophie? Ces craintes, en partie justifiées par les abus de la liberté totale dont les professeurs de lettres, de sciences humaines et de philosophie jouissaient tout à coup, aboutirent à ce que dès le début de la décennie 1970, il fut question de supprimer l’enseignement de la philosophie, en partie ou en totalité. L’enseignement de la littérature fut aussi pris à parti. Plus ou moins consciemment inspiré par l’idée que la langue n’est qu’un outil de communication, on devait un jour obtenir que l’un des quatre cours de littérature soit remplacé par un cours de langue.

    Des réajustements s’imposaient. On ne pouvait pas, on ne devait pas tolérer indéfiniment que des professeurs de philosophie utilisent pour répandre leurs idées personnelles, des heures où il leur était possible d’initier leurs étudiants à Platon et Descartes. Mais c’est par respect pour l’idéal des fondateurs de l’institution collégiale que les autorités devaient se montrer plus exigeantes et non par complaisance pour le marché du travail.

    Hélas! le second mobile a été beaucoup plus fort que le premier de telle sorte que les réajustements furent perçus par les professeurs et les administrateurs comme une suite de concessions à un marché du travail soucieux de rendement immédiat et à des universités ne croyant qu’à une formation générale : celle qu’elles pouvaient donner elles-mêmes.

    L’histoire de l’enseignement collégial est à bien des égards celle d’un acte manqué, dont on a commencé à avoir honte quelques années à peine après l’avoir posé. La légitimité de la réforme n’était pourtant pas en cause. Elle avait été pensée par l’un de nos principaux partis politiques de l’époque et appliquée par l’autre. Quant au nouveau parti politique qui devait occuper le premier rang en 1976, il était formé de membres des deux autres partis.

    Il est vrai que les syndicats ont au début abusé de leur pouvoir face aux jeunes institutions et que cela pouvait donner l’impression que chez les Québécois la tendance à l’autodestruction était si forte qu’elle les empêcherait de conduire à maturité des maisons d’enseignement adaptées à leur situation unique en Amérique du Nord. Le choc fut violent certes, il ne fut pas mortel et si les divers ministres de l’éducation l’avaient vraiment voulu, s’ils avaient eu assez de vision et d’inspiration pour le faire, ils auraient pu, en dépit des restrictions budgétaires qui furent la règle après 1980, rendre de plus en plus enthousiasmant l’idéal des fondateurs.

    On s’est plutôt éloigné encore davantage de cet idéal si bien que lorsque l’actuel gouvernement a froidement formulé l’hypothèse d’une abolition pure et simple de ce niveau d’enseignement, la nouvelle a été perçue comme la dernière d’une série de concessions dictées par le défaitisme d’un peuple qui a beaucoup de peine à demeurer à la hauteur de ses plus hauts engagements.

    Le ministre de l’éducation s’est fait rassurant depuis le jour où il a formulé sa funeste hypothèse. Mais un milieu qui n’est que rassuré demeure un milieu en sursis. Ce n’est pas d’un nouveau sursis que le milieu collégial a besoin, mais de la réaffirmation solennelle de l’attachement du Québec entier à l’idéal formulé par la Commission Parent. Il est regrettable aussi que le salut des régions soit l’argument le plus souvent utilisé en faveur du maintien des cégeps. Nous ne croyons plus en l’importance des cégeps, mais nous voulons bien les conserver comme prix de consolation pour les régions. C’est une autre version du même défaitisme.

    Regardons un peu au-dessus de nos complexes. On a lancé l’hypothèse de l’abolition des cégeps au moment précis où il aurait fallu dire notre admiration plus solennellement que jamais à tous les visionnaires qui ont pensé ces institutions et qui les ont implantées. Tout a commencé, on oublie trop souvent de le rappeler, avec la Commission Tremblay au cours du dernier mandat de Maurice Duplessis, s’est poursuivi avec le rapport Parent et enfin, sur la ligne de feu, il y eut des personnes énergiques, courageuses, Jean-Paul Desbiens en tête, qui mirent fin aux tergiversations entre les lobbies universitaires et dotèrent les cégeps d’un programme compatible avec l’idéal proposé dans le rapport Parent.

    Mais à l’époque, il n’était pas encore question du développement durable et de l’interdisciplinarité qui en est la condition, encore moins de la transdisciplinarité dont le physicien Barasab Nicolescu peaufine les fondements en compagnie d’amis sociologues et philosophes. La pensée complexe n’était pas encore un paradigme. Un ingénieur ou un technicien pouvaient rêver de faire toute leur carrière sans avoir besoin de connaissances en écologie, en anthropologie et en éthique et par suite en philosophie. Un philosophe pouvait conserver l’estime de lui-même tout en ignorant tout de la biologie moléculaire, du fonctionnement d’un ordinateur, du système binaire et du calcul intégral.

    J’entends encore – c’était il y a vingt ans déjà – le physicien Fritjof Capra réclamant pour toutes les universités américaines une réforme à ce point radicale que dans toutes les facultés la première année auraient consisté à traiter du vivant sous toutes ses formes et au moyen de toutes les disciplines qui s’intéressent à lui, depuis la poésie jusqu’à la physique. Ce qui importait à ses yeux, c’était l’acquisition d’un fonds commun de connaissances et de sens critique qui rendrait possibles les nécessaires dialogues de l’avenir.

    Cette réforme dont tous les grands esprits que je connais regrettent qu’elle tarde encore à se concrétiser, notre modeste Commission Parent l’a proposée en 1962 et elle était appliquée quelques années plus tard. Ce n’est pas un an qui allait être consacré à la réalisation du rêve de Capra, mais deux ans et même trois pour une grande partie des étudiants.

    Cet idéal était-il trop beau? Certes, on ne pouvait pas faire jaillir en quelques années des professeurs suffisamment imprégnés de la nouvelle culture générale pour la faire paraître désirable à tous leurs étudiants, mais on avait toutes les raisons d’espérer qu’avec le temps, à condition que les universités fassent bien leur travail de leur côté, de tels professeurs seraient nombreux. L’invitation à acquérir la dite culture était au moins lancée. Ce fut pour moi et pour bien d’autres l’occasion d’un changement de cap dont je ne cesse de me féliciter depuis ce jour. J’avais été formé dans la plus pure tradition des lettres et de la philosophie pouvant se permettre d’ignorer superbement les sciences et les techniques. En grande partie pour sortir de cet isolement, j’ai fondé en 1970 une revue interdisciplinaire et internationale qui dès les premiers numéros fit appel aux plus grands chercheurs et penseurs d’ici et du monde occidental. C’est avec l’appui du mes collègues enseignant les techniques chimiques et biologiques que j’ai organisé en 1972, le premier d’une série de grands colloques. Devinez le thème de ce colloque : l’environnement. Nos travaux ont donné lieu à la publication d’un ouvrage de plus de trois cent pages où les études les plus spécialisées sur la dépollution de l’air et de l’eau étaient accompagnées de réflexions philosophiques sur la démesure.

    Mon but ici n’est pas de raconter ma vie, mais de mettre en relief le fait que l’institution à laquelle j’appartenais m’a ouvert l’esprit à un point tel que ma carrière, pour ma plus grande joie, a pris une orientation imprévue. Il ne s’est pas passé une année où je n’ai trouvé le temps de m’initier à une nouvelle discipline scientifique ou technique, ce qui m’a préparé à m’engager il y a une quinzaine d’années, dans une grande aventure encyclopédique, dont j’ai de bonnes raisons de penser que les étudiants et les professeurs des cégeps ont déjà commencé à tirer profit. Soit dit en passant, les deux plus grands sites Internet québécois dans le domaine de la culture générale, L’Encyclopédie de L’Agora et les Classiques des sciences sociales, émanent tous deux du milieu collégial. Le premier grand site philosophique fut celui du Cégep du Vieux-Montréal, connu sous le nom d'Encephi. Certains professeurs préfèrent travailler seuls. C'est le cas de Pierre Cohen-Bacrie du Cégep Montmorency. Son site Philosophie, éducation, culture est un microcosme d'une cohérence et d'une richesse exemplaires.

    Chemin faisant, j’ai eu l’occasion de mener, à la demande du gouvernement québécois, une recherche modestement intitulée : Les inforoutes et l’avenir du Québec. Cette recherche combinée avec mon expérience en tant que diffuseur du savoir sur Internet m’a amené à faire diverses recommandations au gouvernement du Québec, au Ministère de l’éducation en particulier, de même qu’à publier un rapport sous la forme d’un ouvrage de réflexion intitulé : Après l’homme le cyborg ?

    Vous m’offrez l’occasion de vous dire en quoi consiste à mes yeux le bon usage d’Internet dans les cégeps. L’été dernier, une jeune collaboratrice, étudiante en architecture travaillait au dossier Art roman de notre encyclopédie. Après une analyse minutieuse de nombreux sites traitant de ce sujet, elle m’a appris que le premier site qu’elle recommanderait serait celui de madame Louise Forget, professeur d’histoire de l’art au Cégep d’Ahuntsic.

    Je ne puis imaginer qu’un autre professeur d’histoire de l’art, puisse traiter de l’art roman au Québec ou ailleurs dans la francophonie sans inviter ses étudiants à consulter le site de madame Forget. Si le choses suivent leur cours normal, cette historienne sera invitée à présenter l’art roman à divers groupes d’étudiants ailleurs au Québec et dans le reste du monde. Toujours au Cégep d’Ahuntsic, un professeur de chimie à la retraite, monsieur Fernando Dufour, a droit aux plus grands honneurs pour ses travaux sur le tableau périodique en trois dimensions. Le Scientific American lui a consacré deux articles où son nom figure à la suite de celui de Mendeleev. Il y a maintenant un dossier à son nom dans notre encyclopédie. Je donne à l’avance une mauvaise note à tout professeur de chimie qui présentera le tableau périodique à ses étudiants sans évoquer la version en trois dimensions de Fernando Dufour et sans inviter Fernando à venir communiquer son enthousiasme à ses étudiants. Les étudiants seront encore plus sévères que moi, car une recherche sur Internet les mettra sur la piste de notre ami.

    Par ces anecdotes, vous l’aurez deviné, je veux attirer votre attention sur un fait : l’éducation dans l’avenir ne se distinguera plus des autres activités culturelles. Les gens vont au concert pour entendre les meilleurs interprètes et les meilleurs orchestres, en voyage pour visiter les plus beaux monuments. En toutes choses ils recherchent la plus haute qualité et la plupart du temps ils ne se trompent guère. Tous les cours du MIT sont disponibles en anglais et en espagnol sur Internet. La très haute vitesse permettra bientôt de les suivre en direct. Bon nombre de professeurs auront intérêt à suivre ces cours humblement avec leurs étudiants, en leur servant de guide. S’ils ne le font pas et s’ils ne parviennent pas à s’élever au niveau des meilleurs professeurs du monde en s’en inspirant, leurs étudiants tôt ou tard leur en feront reproche.

    Reviendrons-nous ainsi au Moyen Âge où quelques grands maîtres, comme saint Thomas, étaient entourés d’une multitude de commentateurs ? Il est plus probable que stimulés par la reconnaissance qui leur sera accordée via Internet, de plus en plus en plus de professeurs auront leur domaine d’excellence, si étroit soit-il. Le savoir est infini et les moyens de le communiquer pratiquement illimités. Un de mes confrères de collège profite de sa retraite pour étudier la simultanéité de l’arrivée de certains oiseaux et de la floraison de certaines plantes au printemps. Des niches de ce genre, qui n’exigent que la passion de la connaissance et un bon sens de l’observation, il en existe à profusion.

    Le climat ainsi créé devrait modifier bien des choses dans les maisons d’enseignement supérieur, cégeps et université. Le monopole des institutions et des professeurs sur les diplômes sera vraisemblablement mis à rude épreuve.

    Pour tous ceux qui ne croient pas à la grande mission des cégeps, et ils sont hélas nombreux, la tentation sera forte de profiter du nouveau contexte pour faire des économies aux dépens du moral des professeurs. Ces professeurs, il faut au contraire leur donner l’occasion de se faire reconnaître en les incitant à apporter leur contribution à L’Encyclopédie mondiale qui s’ébauche sur Internet. Pour diverses raisons, dont le fait que son travail pédagogique ne peut être évalué que d’une manière très indirecte, le professeur a besoin de démontrer publiquement sa compétence en tant que chercheur, penseur, écrivain ou artiste. La réussite sur ce plan l’aidera à mieux jouer son nouveau rôle, celui de compagnon de recherche de ses étudiants.

    Je vais faire un usage du mot capital que je n’approuve qu’à moitié, mais il le faut. En agriculture et dans l’économie en général, on redécouvre en ce moment l’importance du capital naturel. On a enfin compris qu’en détruisant l’humus du sol pour accroître le rendement immédiat, on perd une source de revenus pour l’avenir. Comprendrons-nous enfin que le capital humain en éducation est encore plus précieux que le capital naturel ?

    Je suis persuadé qu’une fois rassurés sur la confiance qu’ils méritent et sur leur avenir dans une carrière qui conservera toujours son importance, les professeurs opéreront d’eux-mêmes avec enthousiasme les changements qui permettront aux étudiants et à l’ensemble de la communauté de tirer le plus grand profit du nouveau contexte.

    Dès le début, Internet m’est apparu sur ce plan comme un outil d’une puissance telle que le rapport au savoir, à l’autorité et aux monopoles en serait radicalement bouleversé. Sur le MIT Opencourseware, on peut lire une multitude de lettres prouvant que lorsqu’on peut suivre le meilleur cours du monde, fût-ce sur un écran, on n’hésite pas à le faire. Mais l’étudiant de Rimouski ou de Concepcion au Chili devra-t-il suivre les cours du spécialiste local du même sujet pour avoir droit à son diplôme ? Lui faudra-t-il s’inscrire à grands frais au MIT.

    Il y a et il y aura de plus en plus d’étudiant internautes. Il y aura aussi, pour les mêmes raisons et dans le même mouvement, de plus en plus d’étudiants itinérants. Les voyages ont toujours formé la jeunesse et les jeunes ont toujours aimé les voyages. Or, ils ont aujourd'hui plus que jamais par rapport au passé les moyens de satisfaire ce désir. Plusieurs font coïncider voyage et étude. F.D. a quitté l'université à vingt ans, après deux tentatives infructueuses pour s'adapter à un climat qui ne correspondait ni à ses attentes, ni à ses besoins. Il devient alors serveur de restaurant, ce qui lui permet d'économiser en un peu plus d'un an l'argent (15 000$) dont il aura besoin pour réaliser un rêve, qui fut celui de Goethe et d'un grand nombre d'artistes et d'écrivains de premier plan : un voyage en Italie. Pendant les loisirs que lui laissait son emploi de serveur, il lisait les écrits sur l'Italie de Goethe, Stendhal, Lord Byron et André Suarès. Il rêvait de devenir un grand peintre. Pour quelle raison a-t-il élu domicile à Naples plutôt qu'à Florence, Venise ou Rome? Peut-être parce qu'au Musée de Naples il s'est lié d'amitié avec un gardien qui lui en a facilité l'accès tous les jours gratuitement.

    À son retour, F.D. parlait correctement l'italien, il avait fait des centaines d'esquisses, lu, de Vasari à Panofsky, des dizaines de bons ouvrages sur l'histoire de l'art. Quand il correspond avec des amis italiens sur Internet, il leur demande toujours de lui écrire en italien de façon à ce qu'il puisse conserver sa maîtrise de cette langue.

    Chacun connaît un exemple de ce genre où l'on voit comment les voyages complétés par Internet peuvent former la jeunesse. Bon nombre de ces jeunes apprennent en un an l'équivalent de ce que les meilleurs étudiants sédentaires apprennent en deux ou trois ans à l'université.

    Ne devrait-on pas encourager ce type d'apprentissage?. Il faudrait d'abord mettre en place, aux niveaux collégial et universitaire, un système d'examens ne comportant aucune discrimination à l'endroit des étudiants internautes et itinérants. Celui qui obtiendrait la note de passage recevrait en récompense la moitié de ce qu'une année à l'université coûte à l'état. Libre à lui ensuite d'utiliser cette somme pour entreprendre un nouveau voyage d'étude.

    En collaborant à L’Encyclopédie mondiale, à la manière de Louise Forget, de Jean-Marie Tremblay et de tous les professeurs du MIT, en offrant leurs cours gratuitement au monde entier, les professeurs ont déjà créé une situation nouvelle qui rappelle le temps des sophistes. L’Agora virtuelle mondiale ressemblera bientôt à l’Agora d’Athènes. Chacun pourra y choisir son maître et ce système aura un avantage sur celui des sophistes : l’enseignement des nouveaux sophistes sera gratuit. (Je précise qu’aux yeux d’Aristophane, Socrate était un sophiste. Le sens que je donne à ce mot n’a rien de déshonorant).

    Puis-je me permettre de faire une suggestion aux responsables des sites Internet des cégeps ? Il y en a sans doute dans cette salle. Mettez-donc les travaux originaux de vos professeurs en évidence sur votre page d’accueil, comme le fait le MIT. N’est-ce pas tout compte fait la meilleure façon de faire la publicité de votre institution ? On s’attend à apprendre quelque chose ou à avoir l’occasion de le faire au moment même où l’on entre dans un lieu de haut savoir. Sur la page d’accueil de l’Université Harvard, on n’aperçoit au premier coup d’œil que des choses à apprendre. On accède directement à un témoignage d’Elena Bonner, la veuve de Sahkarov, sur la situation actuelle des droits de l’homme en Russie. Il faut dérouler la page pour trouver ce que l’on est sûr de trouver sur toutes les pages d’accueil des Universités : des liens vers les départements. J’ai ensuite consulté la page d’accueil du Cégep Bois de Boulogne. Tout y est et rien n’y est. Après cinq bonnes minutes d’analyse de ce fourre-tout, j’ai découvert un lien vers les sites des professeurs, mais pour n’y trouver que des plans de cours, qui ne m’ont rien appris.

    La page du Cégep d’Ahuntsic, plus belle, m’a aussi paru plus prometteuse. On y annonçait un événement culturel sur l’histoire du Québec. Je m’empresse de cliquer sur ce lien. Déception : on ne m’apprend rien d’autre que la date et le lieu de l’événement. En désespoir de cause, je finis par trouver un fenestron de recherche où j’écris : Louise Forget. Et ô merveille, qu’est-ce que je trouve; un magnifique document sur l’art du scribe. Et je m’empresse de créer un dossier scribe dans notre encyclopédie afin de pouvoir y insérer ce précieux lien. Encore fallait-il que je connaisse la réputation de Mme Forget.

    Imaginez que l’on décide enfin de transformer en réussite complète cet acte manqué que sont encore à bien des égards les cégeps, que l’on cesse enfin d’avoir honte d’une identité nationale qui se traduit par un modèle éducatif original, que l’on adopte résolument la grande vision humaniste qui fut proposée à l’origine, et que dans ce mouvement, on soutienne résolument les professeurs dans leurs efforts créateurs. Allez dans cet esprit consulter le site de Jean-Marie Tremblay, les classiques des sciences sociales et notre dossier sur Fernando Dufour et vous n’aurez aucune peine à penser avec moi que les cégeps sortent à peine de leur adolescence et qu’une merveilleuse maturité les attend, si le défaitisme atavique est enfin éradiqué au lieu d’être dopé.

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