Résurrection de la convivialité
Ivan Illich annonçait dès les années 1970 une révolution, littéralement un recyclage, auquel bien des jeunes voudront croire : la convivialité, une opération dont on sort gagnant sur plusieurs fronts : les rapports avec les humains, les outils, le monde, et Dieu.
Encore un article ? À peine ébauchées, mes idées se multiplient et s’embrouillent… La nuit de Pâques, en un rêve enchanté, l’article sort tout armé de mon cortex, contraste saisissant après des nuits infernales de cauchemars.
Voici apparaître dans la bibliothèque d’Ivan Illich, en son heure de gloire, la décennie 1970, le plus beau néologisme en français et autres langues. Il annonce une révolution, littéralement un recyclage, auquel bien des jeunes voudront croire : la convivialité, une opération dont on sort gagnant sur plusieurs fronts : les rapports avec les humains, les outils, le monde, et Dieu.
Les humains
En Afrique, en Amérique latine, il faudra pour produire à grande échelle, remplacer les outils traditionnels, libres, conviviaux, par de gigantesques machines ce qui aura pour effet de substituer à des êtres libres et enracinés des engrenages de la méga machine prenant forme dans ce qu’on appellerait le développement. Ivan Illich deviendra le prophète du contre développement.
La guerre des Ukrainiens et ses bombes fabriquées à la maison sera, à son début, dans ce sillage. Sa fin prévisible suit le cours de l’histoire comme celle du Hamas.
À petite échelle, partout dans le monde, même esprit, quand une machine à coudre par exemple rapproche les gens en servant leurs intérêts. La préposée à la lessive de ma RPA aura une vie plus douce quand les pensionnaires feront appel à ses anciens talents de couturière pour lui commander des tabliers à 10 $.
1981. Illich donne une conférence à l’UQAM. La salle de 1000 personnes se remplit vite, mais les gens continuent d’affluer de partout au Québec. Pour des raisons syndicales, Illich donnera la deuxième conférence depuis un podium étroit du grand hall. Statue prête à tomber ? « Mourir pour ses idées, d’accord, mais de mort lente » , chantait Brassens. But de l’exercice, collecter des fonds au Québec pour le mouvement Le monde à bicyclette.
Les outils
La bicyclette est l’outil convivial par excellence, mais elle pourrait n’être bientôt plus qu’une prose dans laquelle, les vers du luxe se seront mis . Vers la même époque, l’ordinateur a fait rêver bien des jeunes pour des raisons semblables ; résultat, le GAFA et chaque Kényan a son téléphone portable.
Le monde et Dieu
Il sera de plus en plus difficile de contempler le monde au fur et à mesure où il sera exploité. L’ordre du monde, qui pénétrait l’âme humaine, cédera la place à la démesure du désir.
Le monde, ayant, dit-on en ce moment, commencé par une explosion appelée Big Bang, et non par une éclosion, comme un être vivant est perçu comme une méga machine destinée à se remplir de petits satellites, objets jetables s’il en est. Modèles pour les autres, dont nous les humains ?
Rappelons qu’Illich était un prêtre catholique, interdit de certaines pratiques, il est vrai, mais parfaitement fidèle à l’esprit du Bon samaritain. C’est la charité à l’endroit de ses semblables, du monde et de Dieu qui fut son grand souci, lié à un vif désir de la perfection dans une destinée éternelle.
De quoi redresser dans leur lit les vieillards qui attendent la montée d’une âme dans leur corps qui tombe. («La vie est la chute d’un corps», disait Valéry)
« Ce qui n’est pas de l’éternité retrouvée est du temps perdu », ajoutait Gustave Thibon