Révolution tranquille

«Ce qu’on appelle la "révolution tranquille" est un moment de l’histoire du Québec qui a été interprété déjà de plusieurs manières. Ses acteurs, ses témoins et ses premiers analystes ont vu en elle un véritable avènement. Aussi tard qu’en 1990, l’historien Fernand Ouellet, bien représentatif de ce courant, croyait encore pouvoir écrire que "La Révolution tranquille marqua incontestablement pour les Québécois francophones le moment capital de leur entrée dans la modernité". À cette interprétation radicalement mythificatrice a succédé une interprétation parfois aussi radicalement démythificatrice, si bien qu’après avoir examiné la répartition des dépenses publiques sous Lesage, un politicologue comme Daniel Latouche par exemple, est allé jusqu’à dire que ce gouvernement avait la même conception du rôle de l’État que ceux qui l’avaient précédé, ce qui pouvait laisser entendre en quelque sorte que la révolution tranquille n’avait pas eu lieu. Certains ont confondu la révolution tranquille avec le gouvernement de Jean Lesage justement, et parfois même avec sa période la plus dynamique, celle des années 1960-1964 au cours de laquelle les réformes se sont succédé à un rythme effréné. D’autres, comme les historiens Linteau, Durocher, Robert et Ricard, ont voulu tenir compte de l’entier déploiement dans la société des réformes et du nationalisme caractéristiques de la révolution tranquille et ont donné son nom à toute la période des années 1960 à 1980. C’est dire qu’il n’est pas simple de mesurer l’importance du phénomène, ni d’en déterminer les dates une fois pour toutes. (...)

Tout en partageant la vision large de Linteau, Robert et leurs collègues, c’est ce qui nous permet à notre tour de retenir ici une définition stricte de la révolution tranquille comme le bref moment pendant lequel, fort d’un large consensus social l’État québécois, son personnage principal, a été à la fois intensément réformiste et intensément nationaliste. Entre 1959 et 1968 en effet, c’est-à-dire du gouvernement de Paul Sauvé à celui de Daniel Johnson avec un sommet sous Lesage, l’État québécois a poursuivi en même temps un objectif de modernisation accélérée sur le modèle de l’État-providence et un objectif très net de promotion nationale des Québécois francophones. L’État duplessiste avait pu sembler porter le nationalisme canadien-français traditionnel, mais il était farouchement opposé à toute réforme de style keynésien; l’État québécois, après Daniel Johnson, a continué à endosser des responsabilités économiques et sociales de plus en plus étendues, mais les gouvernements de Jean-Jacques Bertrand et de Robert Bourassa ont presque renoncé à faire de lui l’outil de la promotion nationale des francophones. C’est la conjonction d’un réformisme et d’un nationalisme effervescents au coeur même de l’État québécois qui fait la spécificité de la révolution tranquille.»

Source et suite: Lucia Ferretti, La Révolution tranquille, L'Action nationale, vol. LXXXIX, no 10, décembre 1999

Enjeux

«Je crois que nous sommes devant le désarroi. Personne ne le dit trop officiellement, personne n'ose l'avouer parce que, évidemment, comme discours, ça n'a pas beaucoup d'avenir et surtout ça ne peut pas être beaucoup détaillé. Mais je crois que nous sommes devant le désarroi, et ce désarroi gagne l'ensemble de notre société. De toute évidence, les élites des années soixante, celles qui ont fait la Révolution tranquille, qui ont essayé d'orienter notre société dans une certaine direction - dans une direction je dirais avant tout technocratique, qui a eu ses bons côtés évidemment -, cette élite est fatiguée. Elle n'a d'autre discours que de défendre, en quelque sorte, l'entreprise dans laquelle elle s'est engagée; elle ne représente plus, je crois, les inquiétudes, les désarrois de notre société, qui est confrontée au vide et à la menace - qu'on n'ose pas envisager en face - de sa disparition. »

Source : Fernand Dumont, lors d'une entrevue accordée en 1995 à Georges Leroux (cité par Serge Cantin, «L'impasse révélé par la crise est toujours présente», Le Devoir, 16 octobre 2000)

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