Journal de l’été 2021. 2) Rapport du GIEC et Jeux olympiques
Le dernier rapport du GIEC sur les changements climatiques, plus alarmiste encore que les précédents, a été déposé le 9 août 2021, le lendemain de la clôture des Jeux olympiques de Tokyo. Les premiers Jeux de l’espace avaient commencé le 11 juillet précédent avec des concurrents déjà médaillés d’or des Jeux de la finance : Charles Branson, Jeff Bezos et Elon Musk. Coïncidence ou non, ce rapprochement entre le rapport du GIEC et ces trois Jeux contient un enseignement auquel il faut s’arrêter.
Au même moment, les événements extrêmes, feux de forêt et inondations se multipliaient. On était en droit de s’attendre à ce que dans les médias grand public on fasse le lien entre le culte de la performance et du record, la démesure donc d’un côté, et de l’autre, l’état lamentable de la planète. On a plutôt eu droit à des reportages neutres sur les deux sujets. Dans le cas des Jeux de l’espace tout au moins, le lien était pourtant évident : une poignée de milliardaires ouvrent une nouvelle ère de gaspillage de l’énergie fossile accélérant ainsi l’agonie de la Terre pour pouvoir l’observer de haut pendant quelques minutes.
Dans le cas des Jeux olympiques, le lien de causalité est moins manifeste, mais il n’en est que plus déterminant. À l’origine de ces Jeux, dans l’antiquité, il n’y avait pas de records. On ne célébrait pas des hommes-dieux prêts à toutes les ascèses pour dépasser la limite, on célébrait des êtres à qui les dieux avaient généreusement donné force et beauté ; ces fêtes, ayant pour cadre des lieux sacrés, comme Olympie, au cœur de la mythique Arcadie, étaient de grandes symbioses entre les hommes, la nature et le divin. Elles étaient commentées par de grands poètes dont Pindare. Milon de Crotone, le célèbre lutteur, était un disciple de Pythagore. Les gagnants recevaient des couronnes de feuilles de laurier plutôt que des médailles métalliques
L’attrait encore irrésistible des Jeux tient sans doute pour une bonne part à ce qui y subsiste de l’esprit des origines, mais loin de favoriser l’harmonie entre l’âme et le corps et, par suite entre l’homme et la nature, le nouvel esprit illustre la volonté de l’homme moderne de devenir maître et souverain de son corps et de la nature. Le corps des athlètes devient une fusée, supervisée par des experts et propulsée par la même énergie psychique que celle qui rend possible le tourisme spatial et tous les autres excès délétères. Au moment où j’écris ces lignes dans ma campagne profonde, je vois et j’entends des adolescents du voisinage se livrer à des acrobaties extrêmes sur leur moto dans le mépris et l’ignorance des fleurs sauvages de leur piste…et de leur propre paysage intérieur.
Telle est la vision du monde qu’enseignent et renforcent les Jeux actuels : recul du vivant devant le mécanique, de la qualité devant la quantité, du désir devant la volonté…Si dans nos gouvernements et nos médias on prenait au sérieux les mises en garde du GIEC, ce sont les sports durables qu’on célébrerait, les randonnées pédestres par exemple. Elles sont ponctuées de pauses contemplatives, de moments d’attention où l’on découvre, identifie et admire, animaux, plantes et minéraux. À l’autre extrême, le décathlon où l’on viole les éléments, où la nature n’est qu’un tremplin pour la performance. Promouvoir un tel sport serait un moyen enfin original, efficace, inspirant et peu coûteux de lutter contre les atteintes à cette nature qu’il faudra connaître et aimer pour désirer la protéger.