La poste, facteur d'égalité
En marge du projet de Postes Canada de mettre fin à la distribution porte à porte du dans les villes canadiennes et du moratoire que ces mêmes villes réclament.
Postes Canada justifie sa décision uniquement par des arguments économiques. Supprimer les postes de facteur devrait lui permettre d’éviter les déficits qui vont croissant suite à la concurrence d’Internet et des services postaux privés tel UPS.
La solution, déjà appliquée dans les campagnes consiste à installer des boîtes communautaires, au risque de priver les personnes les plus fragiles d’un service essentiel pour elles ou de les contraindre à sortir par -30 sur un trottoir glacé.
L’égalité est en effet en cause ici, ce que Tocville nous a rappelé de façon saisissante :
«Lorsqu'on parcourt les pages de notre histoire, on ne rencontre pour ainsi dire pas de grands événements qui depuis sept cents ans n'aient tourné au profit de l'égalité.Les croisades et les guerres des Anglais déciment les nobles et divisent leurs terres; l'institution des communes introduit la liberté démocratique au sein de la monarchie féodale; la découverte des armes à feu égalise le vilain et le noble sur le champ de bataille; l'imprimerie offre d'égales ressources à leur intelligence; la poste vient déposer la lumière sur le seuil de la cabane du pauvre comme à la porte des palais; le protestantisme soutient que tous les hommes sont également en état de trouver le chemin du ciel. L'Amérique, qui se découvre, présente à la fortune mille routes nouvelles, et livre à l'obscur aventurier les richesses et le pouvoir.»
La radio, la télévision déposeront aussi la lumière dans la cabane du pauvre, mais elles le feront de façon froide, anonyme, sans présence humaine à la porte de la maison ni sur les trottoirs. Or on ne le rappellera jamais trop la déshumation que l’on a tant de raisons de craindre c’est la somme de tous les rapports humains disparus. Pour la personne rivée à sa fenêtre, le passage du facteur est un événement heureux; s’il la connaît, s’il lui sourit, s’il lui fait un signe de la main ce sera pour elle la joie discrète de la vie qui reconnaît la vie, d’un humain qui rencontre un autre humain.
Dans les villages, les boites à lettre peuvent être encore rassemblées dans un bureau de poste : autre occasion de rapports humains. Quand on fréquente un bureau de poste régulièrement, on connaît bientôt l’histoire personnelle des employés comme eux connaissent celle de leurs clients. Ils ne sont d’ailleurs pas des clients, mais des proches. Le départ d’un employé à la retraite est toujours remarqué : la communauté se sent appauvri. C’est cette communauté, soit dit en passant que l’on veut remplacer par des boîtes à lettre communautaire. Car si les facteurs sont chassés de villes, les bureaux de poste sont fermés ou menacés de fermeture dans les villages.
L’Internet rapproche le gens les uns des autres. Je peux voir une image de mon interlocuteur sur Skype, mais ce n’est jamais qu’une froide image. La chaleur de la présence réelle est absente.Tout nous pousse vers l’automatisation des échanges. Le livreur de pizza est le dernier humain qu’on peut appeler pour échapper à la solitude. Il pourrait bientôt être remplacé par un drone ou par une voiture sans chauffeur, laquelle fera concurrence aux taxis.
Les commerces de proximité compensent-ils cette perte d’humanité. Le livreurs de légumes frais venus de la ferme en vélo remplacera-t-il le facteur? Dans la plupart de nos villes ce mal est aggravé par des règlements de zonage qui séparent à ce point les lieux de magasinage, les lieux de travail