Histoire de l'ordinateur et d'Internet
Histoire d'Internet précédée d'une vue à vol d'oiseau de l'histoire des ordinateurs... depuis la boussole. En 2000 l'Unesco a distribué à 300 000 exemplaires un CD contenant la première édition de cette histoire.
L'épopée de la boussole
Si, à l'évidence, l'ordinateur est une machine dont l'histoire se confond avec celle des idées et des mentalités de l'Occident, il faut préciser en revanche que son ancêtre lointain, la boussole, est d'origine chinoise. La boussole indique le Nord. Elle pointerait dans la direction opposée si les lignes de force du champ magnétique terrestre étaient inversées, ce qui semble s'être déjà produit dans le lointain passé de la planète. Nord, Sud: deux états différents, 1 et 0...
Imaginons une longue rangée de petites planètes dont le champ magnétique serait orienté tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. Représentons-nous ensuite un cosmonaute qui irait d'une planète à l'autre muni d'une boussole et doué d'une bonne mémoire. À la fin de sa balade, il se souviendrait d'une série d'indications de ce genre: N, N, N, S, S, N, S, S; ou: 1, 1, 1, 0, 0, 1, 0, 0. À la place des petites planètes on pourrait imaginer aussi des cellules vivantes, car ces dernières ont aussi deux pôles.
Supposons maintenant que le créateur des planètes ait voulu que celles-ci recèlent un message susceptible d'être capté par des observateurs intelligents possédant un alphabet, comme celui des Occidentaux par exemple. Tel arrangement de 0 et de 1 pourrait alors signifier a, tel autre, b et ainsi de suite jusqu'à z, à raison de huit signes par lettre (un octet). En multipliant les planètes, le créateur aurait pu écrire des mots, des phrases.
Il ne s'agit pas là d'une vague métaphore sans lien direct avec l'ordinateur actuel. Chaque élément de mémoire de l'ordinateur est une minuscule planète que nous avons le pouvoir d'aimanter dans un sens ou dans l'autre ou, de façon plus générale, de marquer durablement de deux manières différentes. Comme nous nous sommes dotés d'un langage intermédiaire approprié, c'est-à-dire d'un tableau de correspondances entre les séquences de 0 et de 1 et les lettres de l'alphabet ou les chiffres, nous pouvons utiliser l'ordinateur pour communiquer entre nous.
Instrument de navigation, la boussole favorisa l'exploration du monde réel comme les logiciels de navigation contribuent aujourd'hui à l'exploration du monde virtuel. D'ailleurs, cet "index du Nord" fit comprendre à l'homme que, pour s'orienter, il avait désormais intérêt à se fier à un instrument qui lui est extérieur (comme par définition) plutôt qu'à son expérience sensible. Mais combien de marins sont morts, boussole à la main, payant ainsi de leur vie la hardiesse que leur donnait cet instrument. Ces morts jalonnent la route conduisant aux routes virtuelles d'Internet.
Boussole et électromagnétisme
L'un des grands moments de l'histoire, ou si l'on préfère de la préhistoire des ordinateurs, fut celui où le professeur danois Hans Christian Oersted (1777-1851) a découvert que l'aiguille d'une boussole est sensible au courant qui circule dans un fil. Oersted faisait une expérience sur l'action calorifique du courant sur un fil. Or une boussole se trouvait tout bonnement sur sa table de travail. Et selon qu'il faisait transiter le courant dans un sens ou dans l'autre, l'aiguille de la boussole s'orientait elle aussi dans le sens correspondant. Oersted venait de découvrir le champ électromagnétique. François Arago (1786-1853), un peu plus tard, découvrira que l'on peut aimanter une tige de fer de façon permanente, dans un sens ou dans l'autre également. Mettez plusieurs de ces tiges en série, et vous avez une mémoire. Faites passer cette série devant un galvanomètre, et vous pouvez lire un message.
Le plusé lémentaire témoignage de respect que l'on puisse rendre au génie humain à l'origine d'une machine qui est avant tout une mémoire, c'est de se souvenir de ses origines.
Je me souviens d'un philosophe appelé Leibniz (1646-1716) qui, en plus d'avoir perfectionné la machine à calculer de Pascal (1623-1662), a découvert le système binaire, jeté les bases d'une logique en forme d'algèbre et qui enfin, comme s'il avait pressenti que la machine à calculer et à classer deviendrait aussi une machine à communiquer, s'est lancé dans l'ambitieux projet d'un langage universel.
Je me souviens!
Cette devise des Québécois devrait sans doute être adoptée par tous les internautes du monde. Afin que, conscients de la longue succession de découvertes géniales qui balisent la route conduisant à l'ordinateur, ils conservent l'assurance de la supériorité de leur intelligence et de leur mémoire sur celles d'une machine dont ils sont parfois tentés de se faire les instruments sinon les sujets. Afin que, comprenant le contexte culturel dans lequel s'est développé le projet d'une machine à calculer, à classer et à communiquer, ils soient en mesure de prévenir les effets négatifs qu'elle pourrait avoir sur eux-mêmes, sur leur pays et sur l'humanité. Afin que..., ayant noté ce qui est propre à la culture occidentale dans les conditions qui ont favorisé l'avènement de l'ordinateur et des inforoutes, ayant compris également les caractères distinctifs des autres cultures, ils soient en mesure de faire en sorte que le rapprochement des cultures ne se réduise ni à leur uniformisation, ni à l'asservissement des pays les plus pauvres aux pays les plus riches.
Circa - 4000
Les plus anciennes allusions à laboussoleappartiennent à la littérature chinoise et remontent au IVe siècle av. J.-C. Dans le livre du Maître de la Vallée du Diable, le philosophe Su Qin écrit: "Lorsque les gens de Zheng partent ramasser du jade, ils prennent avec eux un indicateur austral pour ne pas se perdre en chemin". La boussole sera introduite en Europe, via le monde arabe, vers le XIIe siècle
Chronologie A
XIIIe siècle
Première confirmation de l'utilisation de la boussole par un marin chinois
1645
1645-1719
1815-1719
1820
Le physicien françaisFrançois Aragoparvient à aimanter une tige de fer de façon permanente, dans un sens ou dans l'autre. Le principe de la mémoire des ordinateurs est ainsi établi.
1833
1873
1876
Leibniz, le sytème binaire, le I KingEntre la Chine et les ordinateurs, il y a un lien plus étonnant et plus mystérieux encore que l'épopée de la boussole. Le tableau des hexagrammes aurait pu être commandé par la compagnie IBM à un peintre contemporain. Or il se trouve qu'il date de l'Antiquité chinoise. Selon son propre témoignage, Leibniz fut émerveillé lorsque, grâce aux conseils du père Joachim Bouvet, missionnaire en Chine, il crut être parvenu à l'interpréter correctement. « Il croyait avoir trouvé par sa numérotation binaire l'interprétation des caractères de Fo-Hi, symboles chinois mystérieux et d'une haute antiquité, dont les missionnaires européens et les Chinois eux-mêmes ne connaissaient pas le sens. C'étaient 64 combinaisons de traits pleins et rompus (correspondant respectivement à O et à 1) rangées précisément dans l'ordre naturel des nombres supposés écrits dans le système binaire. Il proposait d'employer cette interprétation à la propagation de la foi en Chine, attendu qu'elle était propre à donner aux Chinois une haute idée de la science européenne, et à montrer l'accord de celle-ci avec les traditions vénérables et sacrées de la sagesse chinoise». (Couturat, La Logique de Leibniz)Tableau des hexagrammes chinois En réalité, les anciens savants chinois versés dans le I Ching n'auraient fait rien d'autre que découvrir une façon naturelle d'arranger les hexagrammes. Parce qu'on retrouve les puissances de 2 partout dans les structures mathématiques et physiques, il n'est pas étonnant que les savants chinois aient été en mesure d'appliquer les 64 hexagrammes à presque tout, de la structure des cristaux au système solaire et au Cosmos. Leibniz fut lui aussi vivement impressionné par les puissances de 2. C'est pourquoi il proposa au Duc de Brunswick, son protecteur, de faire frapper un médaillon, pour rehausser son prestige en soulignant cette découverte : sur le revers de la médaille il y a, au-dessus des huit premiers nombres en binaire, cette inscription : imago creationis. Dans cette puissance de 2, les uns peuvent voir une structure mentale de l'esprit humain, les autres un élément constitutif de la réalité. Leibniz croyait en une harmonie préétablie entre la réalité et l'esprit humain. Cet homme étonnant a aussi découvert le calcul intégral et différentiel, pour jeter enfin les bases d'une manière de raisonner qui allait devenir un jour la syntaxe des ordinateurs. Ces bases, on les trouve dans un ouvrage qui devait demeurer inachevé, et qu'il publia à l'âge de 20 ans sous le titre de De arte combinatoria. Si les internautes et les informaticiens se souciaient vraiment des origines de leurs machines et de leur art de communiquer, ils disposeraient une icône de Leibniz dans toutes les fenêtres qui s'ouvrent sur leur écran. Leibniz, comme beaucoup de savants de son époque, était à la recherche d'une manière infaillible de raisonner. Qu'est-ce qui fausse notre raisonnement, qu'est-ce qui nous éloigne de la vérité? À l'époque de Leibniz, on répondait spontanément à cette question en accusant les sens. « Ce sont les sens qui nous trompent », avait écrit Descartes. Voilà pourquoi Leibniz, en cherchant une manière infaillible de raisonner, a été amené à s'élever dans l'abstraction jusqu'à une altitude telle que la perturbation venue des sens ne soit plus perceptible. Ce haut niveau d'abstraction est celui de la logique dite formelle. À la vérité, c'est au philosophe espagnol Raymond Lulle (1235-1315) qu'il faut remonter pour discerner l'origine d'une telle logique formelle en Occident. Dans l'Art Bref, il a vraiment tenté de transformer les catégories d'Aristote en une machine de la vérité où, par un jeu complexe de schémas et de symboles, on peut représenter une multitude d'agencements possibles des éléments du savoir. « Le sujet de cet Art, écrit Raymond Lulle, est de répondre à toutes les questions, en supposant que soit connu ce qu'indique le nom ». Le but de l'ordinateur sera de répondre à toutes les questions, à la condition qu'elles puissent être traitées selon des règles logiques elles-mêmes compatibles avec les circuits de l'ordinateur. |
Chronologie B
1877
Charles Cros met au point le phonographe
1895
Le cinématographe des frères Lumière.
1906
Reginald Aubrey Fessenden, un inventeur d'origine québécoise, produit et réalise la première émission de radio à partir du Massachusetts, aux États-Unis
1907
Transmission d'une photographie par bélinographie (Berlin).
1920
Les premiers téléimprimeurs sont mis en service aux états-Unis.
1935-45
Alan Turing
Vers l'ordinateur. Travaux déterminants de l'Anglais Alan Turing (ci-dessus), de l'Allemand Konrad Zuse, des Américains Presper Eckert, John Mauchly et John von Neuman.
1937
Un poste de télévision est présenté à l'exposition universelle de Paris.
1938
Thèse de Claude Shannon portant sur les affinités entre les logiques binaires et les contacts électriques; présentée au Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.)
1947
Claude Shannon: Théorie de l'information.
1948
Le premier ordinateur est construit à l'Université de Manchester, en Angleterre.
Publication de Cybernetics or Controls in the Animal and Machine, de N. Wiener
1954
La première radio à transistor sort aux états-Unis.
Les laboratoires Bell mettent au point le premier laser, un faisceau lumineux qui transmet de grandes quantités d'informations.
La logique booléenneLe projet de Leibiniz resta inachevé. C'est le mathématicien anglais George Boole (1815-1864) qui, 150 ans plus tard, réalisera le rêve de Leibniz dans un ouvrage intitulé The Laws of Thought. Voici le but qu'il poursuivait et qu'il précise dans le premier paragraphe du livre: "étudier les lois fondamentales de l'esprit selon lesquelles le raisonnement s'accomplit; exposer ces lois dans le langage symbolique du calcul et, sur cette base, établir la science de la logique et construire sa méthode. Boole émet l'hypothèse que les opérations de l'esprit engagé dans le raisonnement sont gouvernées par certaines lois algébriques, analogues aux lois des opérations arithmétiques familières relatives à l'addition, la soustraction, la multiplication, etc. À partir de ces lois fondamentales, qu'il expose à l'aide de symboles mathématiques, il construit une méthode pour résoudre des problèmes de logique. |
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Chronologie C
1957
Les Soviétiques lancent le premier satellite artificiel Spoutnik. Fondation de la NASA (National Aeronautics and Space Administration).
1968
Vint Cerf
Vint Cerf effectue une démonstration de liaison d'ordinateurs par réseau devant l'ARPA (Advanced Research Project Agency).
1969
La Département de la défense américain crée ARPANET. Le réseau, voué avant tout à la recherche militaire, est constitué de quatre ordinateurs, également appelés noeuds, interreliés.
1972
Bob Kahn organise une démonstration en reliant par le biais d'ARPANET quarante (40) machines lors d'une conférence internationale sur les communications par ordinateur.
Vint Cerf préside l'InterNet Working Group (INWG) qui a pour mandat de définir un protocole universel permettant à tous les ordinateurs et réseaux existants de se relier entre eux.
Ray Tomlinson de la firme de consultants BBN développe un programme de courrier électronique (e-mail, forme abrégée de electronic mail) qui permet de diffuser et recevoir des messages sur le réseau.
1974
Les laboratoires Bell de ATT mettent au point le programme UUCP (Unix to Unix Copy Program), basé sur le système d'opération UNIX. Ce logiciel d'échanger des données par modem via le réseau téléphonique. Grâce à cette innovation, les utilisateurs UNIX tissent le premier véritable réseau planétaire, UUNET.
1977
THEORYNET, développé à l'Université du Wisconsin, permet à une centaine de chercheurs en informatique de communiquer entre eux par courrier électronique grâce au programme UUCP fondé sur le système d'opération UNIX.
1979
USENET, l'ancêtre des babillards électroniques et des groupes de discussion, relie deux universités américaines.
L'ARPA instaure le Internet Configuration Control Board (ICCB).
Grâce à des subventions de la National Scientic Foundation, le CSNET (Computer Science NETwork) voit le jour. Ce nouveau réseau offre aux universitaires qui n'ont pas accès à arpanet la possibilité de communiquer entre eux par courrier électronique.