Nouvelle Vague

La «Nouvelle Vague» désigne un important mouvement de contestation, dont l'élan est donné dès la fin des années '50 par une jeune génération de cinéastes français qui dénoncent l'immobilisme de l'industrie cinématographique, incapable de s'adapter et de refléter l'effervescence intellectuelle et artistique, ainsi que les changements sociaux radicaux qui se sont opérés depuis la fin de la seconde guerre.

Regroupés autour des Cahiers du cinéma, dirigé par André Bazin, les François Truffaut, Claude Chabrol, Eric Rohmer, Jean-Luc Godard se lancent à l'attaque du cinéma français, en dénonçant les grandes productions marquées par la «tradition de la qualité», comprendre les imposantes productions rigoureusement formatées des grands studios français.

Ils prônent des méthodes de production plus libres: scènes extérieures, décors naturels, équipe de tournage réduite, caméra à l'épaule, improvisation dans le jeu des acteurs, souvent peu connus ou carrément inconnus. Libéré des contraintes traditionnelles liées à la production de films à grands budgets, le cinéma de la «Nouvelle Vague» laisse une large part à l'expérimentation et à l'émergence de nouveaux talents.


Historique
L'expression est tout d’abord utilisée pour désigner un mouvement qui anime la jeunesse de l’après-guerre en France dont L’Express, dans son édition du 3 octobre 1957, annonçait la venue prochaine sous le titre «La Nouvelle Vague arrive». Un an plus tard le terme est repris par un autre journaliste, mais cette fois, ne s’applique qu’aux jeunes cinéastes de la relève.

Ce mouvement trouve sa première expression dans la salle de rédaction de la revue Les Cahiers du cinéma fondée en 1951. S’y retrouvent, autour d’André Bazin, de jeunes critiques qui ont pour nom François Truffaut, Claude Chabrol, Eric Rohmer et Jean-Luc Godard. Ils attaquent le «cinéma de qualité», défendent la politique des auteurs et font l’apologie des réalisateurs américains Alfred Hitchcock et Howard Hawks.

C’est dans cette même revue, qu’en 1954, François Truffaut publie «Une certaine tendance du cinéma français», une violente mise en accusation des pratique cinématographiques de l’époque, texte par lequel il signe l'acte de naissance du mouvement de la Nouvelle Vague.

À partir de 1958, «les jeunes turcs» échangent le crayon pour la caméra et mettent à l'épreuve les théories qu’ils ont élaborées et défendues. Aux films Le Beau Serge (1958) et Les Cousins (1959) de Claude Chabrol, Les Quatre Cents Coups (1959) de François Truffaut et À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard s’ajoutent également Hiroshima mon amour (1959) d’Alain Renais. Une fois le mouvement lancé, suivront les contributions d’autres cinéastes tels Claude Sautet, Louis Malle et Georges Franju. Le tout forme un ensemble plus ou moins hétéroclite, mais qu’on rattache tout de même à cette tendance.

La Nouvelle Vague, en tant que mouvement, connaît une existence éphémère. Dès 1962, le mouvement s’essouffle et les cinéastes évoluent pour la plupart vers d’autres approches cinématographiques ou, bifurquent vers d’autres carrières. À tort ou à raison, plusieurs reprochent à certains de ces réalisateurs, notamment Truffaut, de s’être, par la suite, adonnés au cinéma qu’ils avaient un jour tant décrié.

Malgré sa brièveté, le mouvement de la Nouvelle Vague eut une influence marquante sur le cinéma français et international et se fait encore sentir aujourd’hui dans bien des cinématographies nationales.

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Truffaut François

François Truffaut naît le 6 février 1932 à Paris. Son père, Roland Truffaut, est architecte et Janine de Monferrand, sa mère, est secrétaire au magazine L’Illustration.

Enjeux

Certains ont tenté de faire un rapprochement entre la Nouvelle Vague française du début des année soixante-dix et le mouvement qui semble se dessiner ces dernières années au Québec. Rapprochement simpliste ou opportuniste? Excès d’exotisme de la part nos compatriotes et voisins anglophones («French-Canadian New Wave», «New Wave from the North», «Quebec’s New Wave»), enthousiasmés par ce je-ne-sais-quoi «d’européen»? Mais à certains égards, ce rapprochement n’est peut-être pas totalement fortuit.


Retour historique
La cinématographie québécoise a tout d’abord connu des années de gloire relative dans les années '60 et au début des années '70. C’était la grande époque de l’ONF (Office national du film) et du cinéma direct, lequel, dans la mouvance de la Nouvelle Vague française et l'effervescence culturelle de la Révolution tranquille, nous a laissé des films qui ont fait époque: Les Raquetteurs (1958) de Michel Brault et Gilles Groulx, Pour la suite du monde (1963) de Pierre Perrault et Michel Brault, À tout prendre (1963) et Mon oncle Antoine (1970) de Claude Jutra, Le Chat dans le sac (1964) de Groulx, La mort d’un bûcheron (1973) de Gilles Carle, Les Ordres (1974) de Brault… Une période bouillonnante de créativité qui s’articule, comme ce fut le cas en France, autour d’un petit groupe de cinéaste partageant une certaine vision de ce que devrait être le cinéma. Le mot fut lancé et on parla à l'époque d'une «Nouvelle Vague québécoise».

Dans les années quatre-vingt et ce jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, l'originalité de la cinématographie locale s'estompe, en dépit des productions de certains réalisateurs qui imposent leur présence avec des œuvres remarquables. On pense entre autres à Denys Arcand, Jean-Claude Lauzon, Gilles Carle et Claude Jutra.


«La Nouvelle Vague arrive !»
Vers le milieu des années quatre-vingt-dix, on voit émerger une nouvelle génération de jeunes cinéastes, anxieuse de se démarquer et redonner au cinéma québécois un souffle nouveau.

Le premier film qui marque cette «Nouvelle Vague du Québec» est une œuvre collective, Cosmos (1996), pour lequel le producteur Roger Frappier a réuni six jeunes cinéastes de la relève, Denis Villeneuve, Manon Briand et André Turpin, notamment.

Avec les films Zigrail (Turpin, 1995), Un 32 août sur terre (Villeneuve, 1998), 2 secondes (Briand, 1998), Maelström (Villeneuve, 2000), Un crabe dans la tête (Turpin, 2001) et La turbulence des fluides (Briand, 2002), ces jeunes réalisateurs, qui ne sont pas sans s’inspirer des cinéastes français du début des années ‘60, contribue à un rayonnement nouveau du cinéma québécois, tant auprès du grand public que celui des grands festivals.

Ils délaissent les thèmes souvent exploités par leurs prédécesseurs — celui de l'identité nationale en particulier — pour traiter des thèmes plus personnels, intimistes, gravitant souvent autour de la recherche individuelle de l'identité. Ils n’hésitent pas à recourir au fantastique pour illustrer les difficultés — bien réelles — de cette génération qu'on a qualifié de génération «X», dont ils se sentent solidaires. Ayant grandi dans l’univers de la télé, de la pub et des clips – la majorité des réalisateurs y ont fait leurs débuts – ils portent une attention particulière à la recherche visuelle et développent un style au réalisme parfois agressif.


Nouvelle Vague… québécoise?
On ne peut nier que le cinéma québécois connaisse ces dernières années une période fructueuse. Aux Villeneuve, Turpin et Briand s’ajoutent, parmis les plus notoires, Philippe Falardeau (La moitié gauche du frigo, 2000), Denis Chouinard (Clandestins 1997, L’ange de goudron, 2001), Louis Bélanger (Post Mortem, 1999, Gaz Bar Blues, 2003), Émile Gaudreault (Nuit de noces, 2001, Mambo italiano, 2003), Jean-François Pouliot (La Grande Séduction, 2003) et plusieurs autres qui évoluent dans des styles variés. En 2004, année record, les productions québécoises sont parvenues à arracher 20% du marché aux majors américains. Les reconnaissances et prix récoltés sur la scène internationale confirme le nouveau souffle et le dynamisme du cinéma québécois, phénomène auquel l’arrivée massive d’un nouveaux cinéastes n'est pas étranger.

D’aucuns noteront que, contrairement à la Nouvelle Vague française, ce renouveau ne coïncide pas avec une contestation ou une volonté de redéfinir les principes de la création cinématographique. Outre l’unité des premières œuvres de la période, issues notamment de la proche collaboration entre Villeneuve, Turpin et Briand, on ne peut en effet que difficilement distinguer une orientation idéologique ou un style communs. Mais la Nouvelle Vague française n’était-elle pas tout aussi éclectique? Au-delà de la dominante contestataire, le mouvement n’était-il pas surtout le fait de l’accession d’une nouvelle génération à la production cinématographique?

Indéniablement, le cinéma québécois connaît un renouveau que plusieurs facteurs expliquent. Les nouvelles technologies, évidemment, jouent un rôle important en donnant accès, à un plus grand nombre, aux moyens de production. Le travail de producteurs comme Roger Frappier n’est également pas étranger au phénomène. Mais en dernière analyse, l'élément déterminant est sans conteste l'afflux important de jeunes cinéastes qui sont venus enrichir le cinéma québécois de la diversité de leurs visions propres du monde, de leur originalité, et de leur maîtrise technique du médium cinématographique.

Bien sûr, toute comparaison entre la «Nouvelle Vague française» qui a marqué de son audace passionnée l'histoire du cinéma, et cette «Nouvelle vague québécoise», au-delà de l'effervescence commune qui les rattache et qui accompagne la montée à l'avant-plan d'une génération de nouveaux talents, serait excessive et présomptueuse. Mais il importe de souligner l'apport de ces nouveaux cinéastes à la renaissance du cinéma québécois après le repli de la période post-nationaliste.

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Sur ce sujet, voire aussi un article du Monde Diplomatique sur le cinéma québécois.

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