L'ordinateur et l'électromagnétisme
La mémoire
De la boussole au disque dur
Où vont donc se loger les 0 et les 1 qui entrent à flots dans l'ordinateur chaque fois que nous l'utilisons. Rappelons encore une fois que les 0 et les 1 symbolisent deux éléments distincts, deux états différents facilement reconnaissable qu'il s'agisse d'un courant faible par rapport à un courant fort, de deux champs magnétiques de sens contraire, d'un fer magnétisé par rapport à un autre qui ne l'est pas, etc.
En d'autres termes, de quoi la mémoire des ordinateurs est-elle constituée? Dans les premières machines commerciales, les O et les 1 correspondaient à un état d'un minuscule anneau de ferrite appelé tore. Cet anneau pouvait être magnétisé ou demurer dans son état normal. Des fils circulant à travers les anneaux et étant reliés à chacun d'eux pouvaient d'une part les faire changer d'état et d'autre part lire leur état actuel. Formant entre eux des circuits extrêmement complexes ces fils permettaient de faire pénéter de l'information dans la mémoire de l'ordinateur et de la copier ensuite pour pouvoir la traiter.
Les disques durs des ordinateurs actuels fonctionnent toujours selon les lois de l'électromagnétisme.
Vu sous cet angle, l'ordinateur est une boussole* complexe et son histoire se confond avec elle de la conquête du magnétisme. Quand Aristote remarqua que l'aimant naturel, appelé aujourd'hui magnétite pouvait attirer le fer doux, il jeta les bases d'un édifice au sommet duquel l'ordinateur allait pouvoir surgir.
Les plus anciennes allusions à la boussole appartiennent à la littérature chinoise et remontent au IVe siècle av. J.-C. Dans le livre du Maître de la Vallée du Diable, le philosophe Su Qin écrit: «Lorsque les gens de Zheng partent ramasser du jade, ils prennent avec eux un indicateur austral pour ne pas se perdre en chemin”. La boussole sera introduite en Europe, via le monde arabe, vers le XIIe siècle. »
Les grandes découvertes font partie de l'histoire du magnétisme. Elles n'ont été possibles qu'à partir du moment où les marins européens eurent des boussoles perfectionnés leur disposion. Un demi-millénaire plus tard c'est l'ordinateur qui, en tant que technique de guidage des fusées a rendu la conquête de la lune possible.
Faut-il s'étonner que le maniement de boussole soit l'expérience concrète qui nous aide le mieux comprendre le fonctionnement de l'ordinateur. L'aiguille de la boussole indique le nord; il en est ainsi parce que le champ magnétique terrestre est orienté dans le sens sud-nord. On sait cependant que le sens du champ magnétique terrestre s'inverse sur de très longues périodes.
A partir d'ici, il ne nous reste plus, pour évoquer l'ordinateur qu'à laisser aller notre imagination. Rien ne nous interdit de nous représenter une série de planètes voisines et d'autre part un promeneur planétaire capable depasser de l'une à l'autre en suivant l'ordre. Dans ces conditions, pourquoi ne pas supposer que les planètes ont été magnétisées tantôt dans un sens(sud-nord ou 1) tantôt dans l'autre(nord-sud ou 0) selon un code tel que 0 signifie a, 1, b, 00, 11 d etc...Supposons maintenant que notre promeneur planétaire connaisse ce code et qu'il soit muni d'une boussole. Il pourra lire tous les messages que la nature lui envoie à travers la façon dont les champs magnétiques sont disposés et codés. S'il décidait de se délpacer au dessus des planètes dans une fusée ateigant une vtesse voisine de celle de la lumière, il pourrait en une fraction de secondes enregistrer un nombre impressionnant de 0 et de 1. Telle est la viotesse de l'ordinateur.
La boussole n'est pas seulement un ancêtre lointain de l'ordinateur. Elle a aussi, quoique bien malgré elle, joué un rôle décisif dans l'évolution des connaissances ayant conduit à la maîtrise du magnétisme et de l'électricité.
Voici l'un des moments décisifs de l'histoire de la science. La scène a quelque chose d'émouvant. Nous sommes en 1820, à Copenhague. Le physicien danois Christian Oersted est en train de démontrer en classe l'action colorifique d'un courant électrique sur un fil métallique. Il explique en d'autres termes le principe du grille-pain. Une boussole se trouvant par hasard sur sa table de démonstration, l'idée lui vient de la rapprocher du fil. Il constate alors 1) que l'aiguille de la boussole bouge quand le courant passe 2) qu'elle bouge dans un sens quand la boussole est placée en-dessous du fil et dans le sens opposé quand elle est placée au dessus. Il y a donc un champ magnétique au voisinage d'un courant. Oersted constata ensuite qu'on peut aussi modifier le sens de l'aiguille en changeant celui du courant. La prouesse que nous attendions tout à l'heure d'un créateur imaginaire: déterminer le sens d'un champ magnétique et écrire ainsi en binaire, un simple mortel peut donc l'accomplir en changeant le sens d'un courant.
La terre toutefois, contrairement au fil de métal, qui perd son champ magnétique aussitôt que le courant le quitte, est magnétisée de façon permanente, ce qui en fait un élément de mémoire. Comment arriver artificiellement au même résultat? Dès 1820, le physicien français François Arago trouva la réponse à cette question. Il découvrit qu'en plaçant des bâtonnets d'acier à l'intérieur d'une bobine, on pouvait les magnétiser de façon permanente, dans un sens ou dans l'autre évidemment, suivant le sens du courant. En passant une série de barres d'acier à l'intérieur d'une bobine et en faisant varier à volonté le sens du courant dans cette dernière, on peut donc écrire et mettre en mémoire des messages en binaire. Arago certes poursuivait d'autres buts au moment où il fit sa découverte. Il n'empêche qu'il venait de découvrir la mémoire magnétique.