Rousseau et la joie de peindre
La raison en est dans la réalité et la vérité de la naïveté de Rousseau. Il a eu des dons de joliesse. Il a serti des feuilles d’arbres, avec une patience touchante. Il a audacieusement harmonisé des tons francs qui ne se souciaient pas de vivre ensemble; et ces bariolages de couleurs ne sont point désagréables. Il a fignolé des portraits bourgeois avec une implacable sincérité qui était de l’amour de l’art, et son exposition est mieux que désarmante.
On sent que ce bonhomme connut au plus haut degré la joie de peindre. Son manque de sens critique l’empêcha de jamais voir ses défauts, et ses défauts c’est à peu près tous les défauts que pouvait avoir un peintre; mais il eut avec excès cette qualité de n’être point académique, ce qui fait que les personnes n’ont point tort qui, devant ces maigres effigies, ces feuillages qu’on taxe de décoratifs pour ne point parler de leur minutieuse inexactitude, ces paysages de guinguois, ces anecdotes saugrenues, ces enfants à tête de vieillard disent qu’au moins cela ne sent pas le pensum fait pour le Salon, et que cela vaut mieux que maints tableaux d’histoire exécutés pour la seule joie de la commande et pour donner à des municipalités le prétexte d’arborer de la mauvaise couleur sur dessin déjà vu dans des mairies mal construites.