Exotisme et voyage
Paradoxe du voyageur: il veut s'assimiler à l'autre qu'il découvre mais cette assimilation n'est-elle pas fantasmatique plus que réelle?
Jean-Claude Guillebaud s'insurge contre les formes faciles d'exotisme: « En accablant d'éloges les peuples lointains aux coutumes pittoresques, on entend les boucler, mine de rien, dans leur inoffensive sauvagerie. "Ah, mais non, ils ne sont pas comme nous!"Premier sous-entendu (de droite): ils ne le seront jamais quoi qu'ils fassent. Deuxième sous-entendu (de gauche) : pourvu qu'ils ne le deviennent pas pour leur malheur. (...) L'Occidental châtelain promène ainsi sa compassion de masure en masure et s'alarme de voir les métayers du tiers monde s'équiper à l'électricité au lieu de danser comme avant, autour de leurs feux de bouse en costume de rafia. » (...)
Si, comme nous l'avons vu, l'un des fantasmes les plus fréquents, conscient ou non, du voyageur contemporain peut se lire dans sa volonté d'être autochtone chez l'autre et touriste chez lui, bref d'inverser l'ordre du monde pour redonner un sens à son existence, s'en aller c'est quelquefois aussi fuir avant de chercher, quitter avant de retrouver...Partir c'est aussi chercher au loin ce qu'on n'ose plus trouver plus près de nous, c'est s'ouvrir à l'ailleurs pour se fermer à l'ici. Jean Viard note à se proposos: « La Terre, cette inconnue, devient objet de connaissance et de passion. Mais plus nous nous intéressons à elle, et à ceux qu'elle porte, plus l'immensité de notre non-savoir s'éclaire, forgeant cette occupation en archipel qui délimite de manière mobile le connu et l'inconnu, sans tenir compte des anciennes proximités » (Viard, 1994: 101-102). Mais si le lien social traditionnel se défait parfois au nom du tourisme er de l'éloignement des individus, il se consolide également grâce à la reprise de parole qui précède et succède à la reprise de la route. Le temps du voyage permet aussi de remettre les pendules de sa vie en marche, sinon à l'heure (p.149-150).