L'eau et la vie
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Les scientifiques, malgré leurs divergences quant aux mécanismes de l'apparition de la vie, s'entendent sur le fait que celle-ci a commencé dans l'eau. Il faut comprendre que les conditions qui prévalaient dans l'environnement terrestre, à cette époque, n'étaient pas très confortables pour la vie en dehors de l'eau.
Selon les estimations, la Terre serait âgée de quatre milliards et demi d'années. On ne retrouve pourtant pas trace de vie sur la planète avant trois milliards et demi d'années. Les scientifiques supposent que, pendant le premier milliard d'années, les molécules qui allaient constituer le vivant s'organisaient dans les mares d'eau peu profondes, en bordure des océans. Il ne faut pas oublier qu'il peut se passer bien des choses durant un milliard d'années. C'est en effet l'équivalent de quarante millions de générations humaines, ou cinq cent mille fois le temps qui nous sépare de Jules César, ou encore quatorze fois le temps écoulé depuis la disparition des derniers dinosaures.
À l'origine de la vie, la Terre était très différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Les théories scientifiques, basées sur des évidences géologiques, démontrent que les conditions qui régnaient à l'époque auraient été très inconfortables pour la plupart des formes de vie que nous connaissons aujourd'hui.
L'atmosphère d'il y a quatre milliards d'années, par exemple, était irrespirable, puisqu'on n'y retrouvait pas d'oxygène libre. De plus, comme la couche d'ozone n'existait pas encore, la surface terrestre était constamment soumise à un bombardement intense de rayons ultraviolets, qui auraient détruit toute forme de vie osant s'aventurer hors de l'eau. En revanche, dans l'eau, en particulier dans les zones peu profondes et sur les argiles, on retrouvait des conditions favorables à la formation spontanée des molécules qui composent la base de l'architecture de toute vie.
Comment sont apparues les premières cellules vivantes? Cela relève encore d'hypothèses. Cependant, il est clair que la vie a été limitée à la surface des océans pendant la plus grande partie de l'histoire de la planète. Ce n'est qu'il y a un milliard et demi d'années que l'écran protecteur que constitue la couche d'ozone a été formé et a permis aux organismes vivants de s'approcher de la surface de l'eau, puis d'envahir les continents. Les organismes vivants ont commencé à coloniser les continents il y a sept cent millions d'années seulement. À ce moment, on estime que la concentration en oxygène de l'atmosphère n'était que le dixième de ce qu'elle est aujourd'hui.
Comme la vie a évolué dans l'eau pour la plus grande partie de son histoire, nos constituants fondamentaux, les cellules, sont étroitement dépendants de l'eau pour leur fonctionnement et donc pour leur survie. En réalité, chacune de nos cellules évolue toujours dans un milieu aqueux, dont les conditions sont contrôlées par des mécanismes physiologiques souvent complexes qui reflètent notre évolution et notre adaptation à l'environnement. Les animaux et les plantes possèdent des organes et des mécanismes physiologiques spécialement adaptés pour se procurer l'eau et la conserver de manière à éviter d'en être privés par les fluctuations des conditions de l'environnement.
Ainsi, les cellules de l'humain ont autant besoin d'eau que celles du poisson ou de la grenouille, de la sauterelle ou de la baleine. C'est la façon dont nous nous procurons cette eau et la manière dont nous la conservons qui nous différencient. Pour les cellules du poisson et de la grenouille, la disponibilité de l'eau dans l'environnement ne semble pas être un problème, pour celles de l'homme, de l'insecte et de la baleine, le problème est différent. En effet, les animaux terrestres doivent conserver leur eau dans un milieu sec, tandis que les animaux marins doivent évacuer du sel, présent en trop grande quantité dans l'eau de mer.
Les cellules ont besoin d'eau pour plusieurs raisons. La première est que l'eau entre dans plusieurs réactions du métabolisme. Par exemple, la digestion des protéines exige de l'eau comme réactif, alors que la synthèse des protéines en produit. La dégradation des sucres en présence d'oxygène rend aussi de l'eau comme sous-produit. Ainsi, le rat du désert peut passer toute sa vie sans boire, puisqu'il s'alimente de graines riches en sucres complexes dont la dégradation produit de l'eau. Il est, de plus, adapté à la conservation de cette eau, en particulier grâce à son rein spécial et à ses habitudes nocturnes.
L'eau est aussi utilisée pour véhiculer l'excédent de chaleur produit par les réactions cellulaires. Elle peut en effet se charger d'une grande quantité de chaleur, grâce à sa température spécifique élevée. Ce rôle de caloporteur de l'eau permet aux organismes de maintenir constante leur température corporelle en faisant circuler le sang vers la périphérie du corps lorsqu'on doit évacuer de la chaleur et en le conservant en profondeur lorsqu'il faut se protéger du froid.
De même, c'est le rôle de caloporteur de l'eau qui fait que la transpiration rafraîchit l'organisme. En s'évaporant, l'eau permet d'éliminer une grande quantité de chaleur et aide le corps à maintenir sa température constante. Lorsque l'eau change d'état, passant de la forme liquide à la forme gazeuse, elle doit absorber une très grande quantité d'énergie, soit 540 calories par gramme. Cette énergie est absorbée dans le milieu ambiant, ce qui explique l'effet rafraîchissant de la transpiration ou la sensation de fraîcheur qu'on ressent lorsqu'on sort de la douche ou de la piscine.
Enfin, l'eau est utilisée pour transporter les substances en solu-tion, de l'environnement cellulaire vers les cellules, et des cellules vers l'environnement cellulaire. Ainsi, la plupart des nutriments obtenus par la digestion sont amenés aux cellules en solution dans l'eau, principal constituant du sang, et les déchets du métabolisme sont évacués eux aussi en solution dans l'eau et sont par la suite rejetés dans l'environnement de l'organisme.
Le maintien de l'équilibre osmotique, un problème du vivant
L'eau est un solvant qui se lie à de très nombreuses substances. Les sels, et en particulier le chlorure de sodium, peuvent former des solutions en diverses proportions dans l'eau. Lorsque des sels sont dissous dans l'eau, ils tendent à se répartir également dans l'ensemble du volume d'eau. Lorsqu'une membrane perméable à l'eau mais pas au sel est placée entre deux compartiments contenant des solutions de différentes concentrations, l'eau tend à passer du plus dilué vers le plus concentré, de façon à rétablir l'équilibre entre les concentrations. On appelle pression osmotique la force exercée par l'eau passant d'un côté à l'autre de la membrane. La différence de concentration des sels (comme le chlorure de sodium, le chlorure de potassium mais aussi les sucres et les protéines solubles) d'un côté à l'autre d'une membrane constitue donc le potentiel osmotique.
Les organismes vivants unicellulaires sont obligés de s'adapter à la concentration en sels du milieu environnant par divers mécanismes d'ajustement. Pour ce qui est des organismes pluricellulaires, ce sont des organes spécialisés, comme le rein, qui assurent le maintien de la quantité de sel dans l'organisme. En effet, la teneur en sels dissous du liquide qui baigne les cellules est d'environ sept parties pour mille, ce qui est très élevé par rapport au milieu d'eau douce et très faible par rapport au milieu d'eau salée. Ainsi, les organismes qui vivent dans l'eau douce doivent se protéger contre l'entrée d'eau, tandis que les organismes d'eau salée, comme les organismes terrestres, doivent se protéger contre la sortie d'eau.