Les noces alchimiques
Commandant Jacques-Yves Cousteau
«Rien ici bas n'est plus souple, moins résistant que l'eau, pourtant, il n'est rien qui vienne mieux à bout du dur et du fort.»
Lao Tseu
«On commence à mesurer aujourd'hui les conséquences catastrophiques de la pollution des eaux. L'eau est le véhicule par excellence de la vie; sa pollution menace donc tous les aspects de la vie animale.»
Edgar Bonnefous, L'homme ou la nature?, Éditions J'ai lu
L'eau est un élément féminin, créateur et conservateur de vie. Elle est la source informelle de la vie : la source de fécondation de la terre et de ses habitants. Elle est aussi le véhicule de toute vie. L'eau est la mère : mater, materia.
Élément de la naissance et de la renaissance, physique et spirituelle, elle purifie, guérit, rajeunit : l'eau du baptême, des ablutions, des sources miraculeuses... Elle est force vitale, sacrée et sacralisante.
Symbole des énergies inconscientes, elle est associée aux ténèbres : elle représente les puissances informes de l'âme, les motivations obscures.
On commence à peine à découvrir ce qu'il en coûte de vouloir trop corriger la nature à force de chimie synthétique.
Dans une région fruitière de la Pennsylvanie, un échantillon d'eau dite potable contenait assez d'insecticides pour faire crever dans les quatre heures tous les poissons qu'on y mettait.
En 1956, au Nouveau-Brunswick, des aspersions aériennes de D.D.T. destinées à détruire un parasite dans les plantations fruitières, ont causé la mort de 800 000 saumons et truites - c'est-à-dire à peu près les deux tiers des effectifs respectifs.
Pour ne donner ici que deux exemples de l'effet des pesticides sur l'eau.
L'alternative aux pesticides paraît être, entre autres, la lutte biologique.
Les besoins en eau ne cessent d'augmenter.
On a calculé qu'il fallait 447 gallons d'eau pour irriguer la superficie d'un champ de coton nécessaire à la fabrication d'une seule chemise, depuis le moment où on sème la graine jusqu'à celui de la récolte.
La production d'une pinte de lait nécessite 232 gallons d'eau, si on tient compte de l'irrigation des champs de céréales destinées au bétail producteur de lait, de l'eau consommée par les vaches elles-mêmes et de celle nécessaire au nettoyage de l'étable.
À partir de ce genre de données, on arrive à déterminer qu'il faut 136 gallons d'eau pour produire un pain; 125 gallons pour une livre de tomates; 47 gallons pour une livre d'oranges; 23 gallons pour une livre de pommes de terre...
Ce qui souligne, une fois de plus, l'irresponsabilité d'une civilisation aussi polluante que la nôtre.
La Conférence des Nations Unies sur l'Eau, tenue en Argentine en 1977, avait recommandé que la décennie 1980-1990 soit proclamée officiellement «Décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement», afin de relever le défi auquel l'humanité devrait éventuellement faire face puisque, si nous poursuivions dans le sens où nous étions engagés, très bientôt, les ressources d'eau des régions habitées du globe seraient presque épuisées.
Où en sommes-nous?
Il est impossible de considérer l'homme détaché de sa planète. Nous vivons en symbiose avec la Terre. Qui est la planète de l'eau. L'homme est lui-même en grande partie constitué d'eau. Ce que l'eau véhicule sur la planète, l'homme finit par en être lui-même le véhicule. L'état de l'eau devient l'état de l'homme.
Novalis écrit :
- [...] toutes nos sensations agréables ne sont à la fin, que diverses manières d'écoulement en nous des mouvements de cette eau originelle qui est en nous. Le sommeil lui-même n'est rien autre que le flux de cette invisible mer universelle et le réveil le commencement de son reflux.
Et le poète de conclure :
- les poètes seuls devraient s'occuper des liquides.