L'Agorales synthèses

L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde


Liberté

L'échelle de la liberté

En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes.

«Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.»(K.Lorenz) À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté. L’homme enfant, comme l’enfant de l’homme encore aujourd’hui, doit tout apprendre, par des choix périlleux et rares pour cette raison. Que de morts affrontées pour goûter le fruit inconnu, pour percer un nouveau sentier, etc. D’où l’importance de l’autorité, des traditions, des interdits, de la discipline, des rituels dans les premiers âges de l’humanité

L’enrichissement et le libre marché combinés avec le progrès technique multiplieront les occasions de choisir et réduiront les risques de l’opération; on aura bientôt l’embarras du choix. Avec le numérique ce sera la pléthore de choix. Acte d’abord courageux, le choix est devenu la chose plus facile et la plus sécuritaire tout en conservant le prestige de ses origines. Libérateur à l’origine, Il deviendra un piège.  Philosophie de colibri qui sautille de fleur en fleur sans être sûr qu’il y trouvera son sucre. «Hélas on se prend toujours au désir qu’on a d’être heureux malgré la saison.» (Verlaine).

Le choix pour le choix! On ne risque rien en passant d’un site Internet à un autre. L’habitude prise dans le monde virtuel de tout manipuler sans rien détruire on la transposera dans le monde naturel en sous-estimant les risques encourus :  semences génétiquement modifiées, paysages réaménagés à la hâte, comme les visages sous les chirurgies esthétique, changements de sexe et/ou de genre, variantes illimitées dans la reproduction animale et humaine! Traitement semblable réservé aux idées et aux opinions. Cela dans un contexte où ce type de choix déjà le premier but de la vie revêt le caractère sacré d’un droit. « C’est son droit, c’est son choix!» Nouvelle parole sacramentelle, le consentement excusant tout.

En plus de nous éloigner de la contemplation, sommet de la liberté, dont il est un ersatz, ce choix ,dont nous sommes dépendants, est une menace pour la biosphère. L’Intelligence Artificielle gérera ce désordre au péril de la liberté la plus élémentaire.

La passion du choix

Le renversement est complet: d'un univers moral où l'idéal était de vouloir le bien, on est passé à un univers où c'est le vouloir qui crée le bien. On ne choisit plus une chose parce qu'elle est bonne, la chose devient bonne parce qu'on la choisit. Puisque c'est le choix qui crée le bien, c'est aussi sur lui que s'est reporté le désir. La chose désirée est le choix lui-même, et non la joie ou le plaisir concret qu'il est susceptible d'apporter. Pour la plupart des gens, ce choix est devenu le seul objet de passion. On s'attache à lui à cause de la multitude de plaisirs auxquels il donne accès, et on finit par se limiter à lui parce qu'on ne veut pas assumer la peine, qui est l'envers du plaisir et la condition de son approfondissement.

Appel à Platon et Descartes

Étrange liberté où tout est dans le choix plutôt que dans la connaissance qui dispense de cet exercice périlleux. Philosophie de cafétéria, où quelle que soit la substance nutritive, on est satisfait si l'on a eu droit au menu.

Choix pur : quand on opte pour un objet ou une opinion de consommation parmi plusieurs sans aucune raison de préférer ceci ou cela. L’exercice s’apparente déjà à une adhésion spontanée plutôt qu’à un choix quand on peut faire des comparaisons éclairées. En géométrie, on a d’abord le choix entre plusieurs hypothèses, mais devant la démonstration, l’adhésion est sans réserve. Si la liberté consiste dans le choix entre plusieurs choses, il faut donc reconnaître qu’elle régresse quand la connaissance progresse.

Ce qui nous amène à une autre liberté, plus profonde : elle ne consiste pas à choisir entre plusieurs choses mais entre deux orientations de l’âme : l’accès à la connaissance ou le repliement sur son ignorance. L’Ignorance enferme-t-elle donc une gratification qui la rendrait plus désirable que la joie de connaître ? Cette gratification est-elle enfermée dans le choix que l’ignorance rend possible ? En quoi consiste-t-elle donc? Narcissisme ? Infantilisme ? Il existe en effet des gens qui ne veulent rien savoir et Ils sont nombreux surtout dans les pays riches où les sources de connaissance de même que le temps et les moyens pour s’y rendre existent pourtant en surabondance. Dans le plus puissant de ces pays, les États-Unis d’Amérique, on aura, en 2020, entendu un président en exercice exhorter ses concitoyens à voter pour lui au moyen de cet argument : voter pour mon adversaire, c’est voter pour la science. Il y eut l’âne de Buridan, qui mourut d’hésitation parce qu’il n’avait pas de raison de préférer le foin à l’eau. Voici, à l‘autre extrême, l’ânerie de Trump qui invite ses électeurs à l’ignorance pour leur permettre de choisir, sans savoir pourquoi, entre des milliers d’objets et d’opinions.

Et voici les lumières de Platon, de Descartes et de quelques autres penseurs sur cette difficile question. Tout commence chez Platon par le Mythe d'Er et le Mythe de la caverne, deux étonnantes préfigurations de ce monde virtuel d'aujourd'hui où tout est une invitation au choix pour le choix

La liberté est un devoir

Rien de plus facile que de déboulonner une statue déjà montrée du doigt. On est toujours en retard d’un mensonge à dénoncer et on se flatte alors d’échapper à un conformisme que l’on renforce au contraire. Quand on démasque le mensonge le plus virulent de l’heure …et le mieux caché, on s’expose à la réprobation, voire à une mort sociale

La liberté, le plus dur des devoirs

Une opinion libre sur la liberté, chose rare. Dès que cesse la libération, on s’installe dans la liberté, ce qui est la façon la plus insidieuse d’y renoncer. Déboulonner les statues déjà par terre, c’est avouer son conformisme. La liberté n’est pas là où nous croyons la posséder, mais là où nous n’osons pas l’assumer : contre les faux consensus du temps et du moment.

Ainsi, pour Charbonneau et Ellul, on n’est pas libre parce que l’on vivrait dans un contexte politique, économique, technique ou culturel qui nous garantit la possibilité de faire des choix.  Nous croyons que plus les possibilités de choix sont nombreuses et plus nous sommes libres, sans prendre conscience que ces choix qui nous sont proposés peuvent être complètement aliénés ou insignifiants.  La liberté est bien autre chose qu’un choix offert ; elle est action, effort de libération. La liberté est présente lorsque nous faisons le difficile effort d’incarner par des actes nos valeurs spirituelles à rebours des déterminismes naturels, psychologiques et sociaux.

Ainsi, pour Charbonneau et Ellul, on n’est pas libre parce que l’on vivrait dans un contexte politique, économique, technique ou culturel qui nous garantit la possibilité de faire des choix.  Nous croyons que plus les possibilités de choix sont nombreuses et plus nous sommes libres, sans prendre conscience que ces choix qui nous sont proposés peuvent être complètement aliénés ou insignifiants.  La liberté est bien autre chose qu’un choix offert ; elle est action, effort de libération. La liberté est présente lorsque nous faisons le difficile effort d’incarner par des actes nos valeurs spirituelles à rebours des déterminismes naturels, psychologiques et sociaux.

Sortir du productivisme, remettre à leur place la technique et l’Etat« Les progrès de la science qui étend jusque dans l’homme le domaine du déterminisme, la pression des masses et de l’organisation technique qui restreint sans arrêt l’initiative des individus rendent chaque jour plus évidemment fallacieuse l’illusion d’une liberté qui serait naturellement donnée.». Dans leurs Directives pour un manifeste personnaliste], texte rédigé en 1935, Bernard Charbonneau (1910-1996) et Jacques Ellul (1912-1994) se révoltent contre la dépersonnalisation de l’action qui résulte du fonctionnement normal des structures économiques, institutionnelles administratives et techniques qui organisent la vie sociale de leur temps et déterminent son évolution. Il en résulte un monde caractérisé par l’anonymat, l’absence d’initiative et de responsabilité personnelles. Comme l’écrit Charbonneau dans un texte de 1939 : « La société actuelle, par ses principes et son fonctionnement ne peut avoir qu’un résultat : la dépersonnalisation de ses membres.». En 1937 dans Le sentiment de la nature, force révolutionnaire, Charbonneau montrait comment le développement industriel prive les hommes de la possibilité d’établir un rapport équilibré et épanouissant avec la nature. Cette montée en puissance et cette autonomisation des structures s’impose comme un phénomène social total, et détermine aussi nos manières de penser et de sentir. Convaincus qu’une pensée qui n’est pas mise en pratique est dérisoire, Charbonneau et Ellul se sont associés pour contribuer à une nécessaire réorientation de la vie sociale, remettre à leur place l’économie, la technique et l’Etat et pour promouvoir « une cité ascétique afin que l’homme vive. Ils ont voulu susciter un mouvement de critique du développement industriel, du culte de la technique et de l’Etat, et jeter les bases d’une maîtrise collective du changement scientifique et technique. A ce titre on peut considérer ces deux jeunes Bordelais comme des précurseurs de l’écologie politique et du mouvement décroissant.

 

La liberté ou le courage de dire je quand tout monde dit on

«La liberté, nous rappelle Bernard Charbonneau, n'est pas un mot, mais un cri des profondeurs. Elle n'est pas une idée, elle existe, et par conséquent, naît, vit et meurt. Avant de la définir, il faut donc la peindre» (Je fus, p. 15). «Il n'y a de liberté qu'éprouvée. La vraie, celle qui se vit dans l'esprit et l'acte de quelqu'un n'est pas le droit naturel que l'individu revendique, mais le plus terrible des devoirs: celui qui fait violence à la nature parce qu'il est pure exigence de l'esprit» (Je fus, p. 112).

[…]

Vie de l'esprit, esprit de la vie
Dans cette symbiose entre la vie déclinante et l'esprit immuable, l'esprit apporte à la vie cette capacité de prendre ses distances par rapport au monde, de mourir donc; mais la vie apporte à l'esprit la capacité de renaître. Elle ne l'apporte toutefois qu'à l'esprit qui la désire. Le plus souvent il ne la désire pas. «L'homme mûr ne croît plus; et c'est cette défaite qu'il prend généralement pour la maturité. S'il parle d'expérience ou de sagesse, il ne s'agit plus de celles qui pourraient armer sa liberté, mais de celles qui justifient son renoncement. À trente ans ou à vingt, la plupart des hommes cessent de grandir parce que cette croissance arrachée à une nécessité plus pesante devient chaque jour plus terrible; ceci au moment où, n'étant plus physique, leur développement pourrait devenir spirituel».< (Je fus, p. 80). «La conscience, poursuit Charbonneau, est originellement mystifiée, au lieu de dire je elle devrait dire on. C'est pourquoi le premier acte de l'esprit est de se saisir lui-même, d'être le premier objet de sa mise en question. Alors, toute voix se tait quand son silence s'élève, comme sa voix quand tout se tait en nous. [...] Cet esprit ne se manifeste que dans un homme. Sa présence invisible n'est jamais révélée qu'au regard qui plonge en un regard, sa voix n'a jamais retenti qu'au coeur du silence que chacun porte en soi. L'unique issue qui puisse s'ouvrir dans le mur de la condition humaine, nous la chercherions en vain autour de nous, elle est en nous. Mais qui la franchit découvre une immensité, marche vers quelque Saint des Saints de lumière. Quiconque tournant le dos au monde pousse la porte la plus étroite qui soit, l'ouvre sur le large de la liberté.» (Je fus, p. 40)

Ssurdéterminés et pourtant ivres de liberté

Certains économistes croient pouvoir expliquer tous les comportements humains à partir de l'économie; certains psychologues et certains sociologues croient pouvoir faire de même à partir de leur science. «Or, les prétentions totalitaires de chacun d'eux se heurtent à celles des autres, et ils ne se rendent pas compte que, s'ils avaient raison, les actes des hommes seraient non seulement déterminés, mais surdéterminés.»

 

La liberté, un acte de foi ?

Œdipe ou l’homme libre qui s’accuse quand il aurait des excuses. Dans une humanité surdéterminée par les hormomes, les gènes, l’inconscient, la misère, une telle liberté ressemble à un acte de foi.

Liberté d'expession

Dans l’Iliade, un simple soldat, Thersite, s’adresse en ces termes au général en chef, Agamemnon : « Allons! fils d'Atrée, de quoi te plains-tu ? Tes baraques sont pleines de bronze, tes baraques regorgent de femmes, butin de choix, que nous les Achéens, nous t'accordons à toi, avant tout autre, chaque fois qu'une ville est prise. [...] Ah! poltrons! lâches infâmes! Retournons donc chez nous avec nos nefs et laissons-le là en Troade, à cuver ses privilèges. » Thersite avait un défaut, grand pour un grec, celui d’être laid; il a été rudement châtié et ridiculisé par Ulysse, mais cela rend sa protestation encore plus significative. Un malvenu ouvrait la voie à suivre pour Aristophane, Périclès, Démosthène, Cicéron…

La liberté d'expression: à la fois totale et limitée

«La liberté d'expression totale, illimitée, pour toute opinion quelle qu'elle soit, sans aucune restriction ni réserve, est un besoin absolu pour l’intelligence. Par suite c'est un besoin de l'âme, car quand l’intelligence est mal à l'aise, l'âme entière est malade. La nature et les limites de la satisfaction correspondant à ce besoin sont inscrites dans la structure même des différentes facultés de l'âme. Car une même chose peut être limitée et illimitée, comme on peut prolonger indéfiniment la longueur d'un rectangle sans qu'il cesse d'être limité dans sa largeur.»

Simone Weil ne tarde toutefois pas à introduire des nuances et des conditions qui vont la conduire à des limites. Il y a, dit-elle, diverses façons d'exercer son intelligence et divers lieux pour le faire. La liberté dans cet exercice ne peut être absolue que dans le cas d'une recherche pure, excluant toute volonté d'influrencer le public.
«Chez un être humain, l'intelligence peut s’exercer de trois manières. Elle peut travailler sur des problèmes techniques, c'est-à-dire chercher des moyens pour un but déjà posé. Elle peut fournir de la lumière lorsque s'accomplit la délibération de la volonté dans le choix d'une orientation. Elle peut enfin jouer seule, séparée des autres facultés, dans une spéculation purement théorique d'où a été provisoirement écarté tout souci d'action.»

Ne tenons jamais la liberté d'expression pour acquise. C'est le silence avilissant qu'il faut plutôt tenir pour acquis. Comme nous le rappelle Fernand Dumont, «les censeurs existent toujours, même s'ils ont changé de costume et si leur autorité se réclame d'autres justifications. Toutes les sociétés, quels que soient leur forme et leur visage, mettent en scène des vérités et des idéaux et rejettent dans les coulisses ce qu'il est gênant d'éclairer. Toutes les sociétés pratiquent la censure; ce n'est pas parce que le temps de M. Duplessis (un chef d'état autoritaire) est révolu que nous en voilà délivrés. Les clichés se sont renouvelés, mais il ne fait pas bon, pas plus aujourd'hui qu'autrefois, de s'attaquer à certains lieux communs. Il est des questions dont il n'est pas convenable de parler; il est des opinions qu'il est dangereux de contester. Là où il y a des privilèges, là aussi travaille la censure. Le blocage des institutions, le silence pudique sur les nouvelles formes de pauvreté et d'injustice s'expliquent sans doute par l'insuffisance des moyens mis en oeuvre, mais aussi par la dissimulation des intérêts. On n'atteint pas la lucidité sans effraction» (Fernand Dumont, Raisons communes, Montréal, Éditions du Boréal, 1995, p. 25-25).

 

La censure invisible est la plus efficace

« Et l’oiseau le plus libre a pour cage un climat. » (Hugo) Chaque pays, chaque institution, chaque entreprise a son climat. Et désormais il faut aussi tenir compte du climat mondial. Nous appelons ici climat le non-dit et le non-écrit qui dictent ou interdisent certaines opinions. Dans bien des pays, il est en pratique interdit d’être contre le mariage entre personnes de même sexe, dans d’autres, on est montré du doigt si on l’approuve. Dans les universités, le silence sur un sujet chaud est proportionnel aux dons reçus des entreprises du secteur en cause. On ne déplore pas l’abus de la prescription de médicaments aux vieillards dans un journal qui mise sur la publicité des compagnies pharmaceutiques. Dans mille situations de ce genre, rien n’est formellement interdit ou obligatoire, mais la pression dans un sens ou dans l’autre est dans l’air qu’on respire, elle suinte des murs. Quand vous enfreignez une de ces règles flottantes, vous lisez la désapprobation, la consternation même sur les visages autour de vous. Vous n’êtes pas ostracisé, mais vous cessez d’être persona grata.

 

Synthèses

L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]


Appartenance

Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité. 

Univers

À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?

Vie

«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien

Mort

«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)

Dieu

«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.

Homme

L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.

Plantes et animaux

La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.

Amour

Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant  les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.

Vérité

Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause. 



Liberté

En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.

Bien

Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.

Beauté

« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche

Société

«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque

Désengagement

Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique. 

Politique

D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.

Justice - droit et droits

C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.

Technique

Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?

Nourriture et culture

Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.

Éducation

La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.



Caractère et personne

La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.

Ordinateur

Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]

Sport

Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.

Art

«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec

Science

Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de  l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?

Philosophie

L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle. 

Technique

Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?

Ordinateur

Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]

Christianisme

Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus  admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.

Notre catholicisme

Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]

Québec

Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.