Pause ton écran
À propos du site Pause ton écran, consacré à des mises en garde contre la dépendance aux écrans et de Catherine L’Ecuyer, auteure de Cultiver l’émerveillement. Danger d’attendre des preuves scientifiques pour imposer aux enfants une modération que le bon ses justifie amplement.
Le site Pause ton écran, (1) qui s’adresse discrètement à l’intelligence des lecteurs est soutenu par l’Institut de cardiologie de Montréal et le gouvernement du Québec. J’y vois, de la part des autorités publiques, une prise en compte tardive mais significative et prometteuse de recommandations que nous répétons, comme bien d’autres sans doute, depuis des décennies.
Me permettra-t-on de sombrer dans la manie du vieux qui avait raison. Il y a plus de quarante ans, je déplorais la transition trop rapide de l’homme autonome à l’homme branché, le premier étant symbolisé par le coureur des bois, le second par le cosmonaute branché sur une tour de contrôle et gouverné par elle. Entre 1995 et 1998, au début d’internet, nous avons mené une recherche sur le thème Les inforoutes et l’avenir du Québec. Parmi nos recommandations : Une heure d’écran, une heure de nature ! jeûne médiatique, accent mis à l’école sur les sciences de l’observation, comme la botanique, l’ornithologie, la géologie, priorité aux sports de plein air, etc
Depuis, nous reprenons les mêmes mises en garde de diverses manières, dont cette devise de notre encyclopédie en ligne fondée en 1998 : Vers le réel par le virtuel. Nous rappelions par là que les médias sont, le mot le dit, des intermédiaires entre nous et le réel, que leur fin est de s’effacer devant le réel après l’avoir indiqué et non de se substituer à lui en tenant captive l’attention des internautes. Le meilleur site sur les oiseaux, disions-nous, est celui qui donne le goût de quitter les écrans pour aller à leur rencontre dans leur milieu de vie. Dans le même esprit, nous nous inquiétions du rythme auquel régressaient les rapports entre humains suite à l’usage des écouteurs et des ordinateurs. En témoigne cet article sur la famille branchée.
Avoir eu raison n’est pas la chose importante ici. Ce qu’Il faut déplorer c’est le fait que le bon sens et la sagesse élémentaires ne pèsent plus rien sur la balance dont l’autre plateau est occupé par la science. Nos mises en garde concernant la dépendace n’ont pas été prises au sérieux pour diverses raisons. On s’attendait d’abord à ce que nous mettions l’accent exclusivement sur l’urgence de préparer les enfants à relever les nouveaux défis dans les communications. Ces enfants ne seraient-ils pas des cobayes dans la gigantesque expérience qui était lancée ? Personne ne se posait sérieusement cette question en haut lieu. On attendrait les premières études scientifiques pour freiner les pires excès. Ces études se sont multipliées ces dernières années, mais les mises en garde officielles demeurent timorées. C’est le cas de celles du site Pause ton écran.
Au même moment, heureusement, des parents avisés sonnent l’alarme à la fois plus énergiquement et plus subtilement. Catherine L’Ecuyer est de ce nombre. Cette québécoise, mère de quatre enfants, titulaire d’un doctorat en sciences de l’éducation et psychologie, rayonne sur le monde depuis Barcelone où elle a élu domicile. Elle donne des conférences en français, en espagnol et en anglais, joignant à la science le bon sens et la sagesse Son principal ouvrage, Cultiver l’émerveillement, a été traduit en six langues. Son site mérite un arrête prolongé. On y retrouve Aristote, Tolstoï, M.Montessori, S.Weil, R.Carson.Voici un exemple de ce qu’on y apprend .
Q Qu’est-ce que l’émerveillement?
R Aristote disait que «tous les humains ont, par nature, le désir de savoir». Des milliers d’années plus tard, nous nous inquiétons parce que nos enfants ne sont pas «motivés». Nous cherchons souvent les réponses à l’absence de motivation dans des solutions à la remorque de causes externes (châtiments, récompenses, stimuli technologiques, etc.) alors que la motivation vraie et durable est interne.
Q Si vous ne deviez en choisir qu’un, quel serait selon vous le pire ennemi de la soif d’apprendre innée des enfants?
R Le moyen le plus direct et le plus efficace d’étouffer l’émerveillement chez un enfant, c’est de lui donner tout ce qu’il veut avant même qu’il ait eu le temps de le désirer. La surconsommation fait en sorte que les enfants, non seulement tiennent tout pour acquis et pensent que tout leur est dû, mais ils pensent que les gens doivent se comporter à leur guise. Or, l’enfant, cynique et blasé, qui trouve que tout est «plate» est peu enclin à s’intéresser à ce qui l’entoure.
Q Quelles activités quotidiennes permettent le mieux de cultiver l’émerveillement à la maison?
R Au lieu d’être à l’affût d’activités, il faudrait plutôt les laisser s’ennuyer. On doit perdre la peur de voir nos enfants s’ennuyer. Tolstoï disait que l’ennui est le désir de désirer. Or, l’émerveillement est le désir de savoir. L’ennui est donc le préambule par excellence de l’émerveillement. On doit cesser de penser aux parents en termes de fournisseurs d’expériences nouvelles et sensationnelles. Les parents ne sont pas des «G.O.» qui doivent passer leur temps à divertir la progéniture pour lui «fournir» une enfance merveilleuse et magique. L’enfance est déjà, par elle-même, merveilleuse et magique.
Notes
1-https://pausetonecran.com/