Terrorisme

"Le terrorisme a été défini comme le recours à la violence ou à la menace de la violence afin de semer la panique dans la société, d'affaiblir ou de renverser les autorités en place et de susciter des changements politiques. Il s'apparente, dans certains cas, à la guérilla, encore que, contrairement aux guérilleros, les terroristes soient incapables de s'emparer de territoires ou peu disposés à le faire. Parfois même, il se substitue à la guerre entre États. De tous temps, le terrorisme s'est manifesté sous des formes très diverses et la société actuelle est en fait confrontée à un terrorisme multiforme."

Walter Laqueur, Le terrorisme de demain

Sur les difficultés à définir le terrorisme, voir: Boaz Ganor, Defining Terrorism. Is One Man’s Terrorist Another Man’s Freedom Fighter? (International Policy Institute for Counter-Terrorism - ICT (Israël), 23 septembre 1998)

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Enjeux

"À la fin du XIXe siècle, il semblait que nul ne fût à l'abri des attaques de terroristes. En 1894, un anarchiste italien assassine le président de la République française Sadi Carnot. En 1897, des anarchistes poignardent l'impératrice Elisabeth d'Autriche et tuent le Premier ministre d'Espagne Antonio Canovas. En 1900, le roi d'Italie, Humbert 1er, est lui aussi victime d'une attaque anarchiste. En 1901, un anarchiste américain assassine le président des États-Unis, William McKinley. Le terrorisme devient alors la principale préoccupation des politiciens, des chefs de police, des journalistes et des écrivains, depuis Dostoïevsky jusqu'à Henry James. (...)

Depuis 1900, les motivations des terroristes, leur stratégie et leurs armes ont quelque peu évolué. Les anarchistes et les armées de gauche qui, il y a une vingtaine d'années, sévissaient en Allemagne, en Italie et au Japon ont disparu ; aujourd'hui, l'initiative terroriste serait plutôt l'apanage de l'extrême-droite. De nos jours toutefois, la majorité des actes de terrorisme international et intérieur n'est ni de droite ni de gauche, mais d'inspiration ethnique et séparatiste. Les terroristes que motivent des raisons ethniques résistent mieux que ceux que motivent une idéologie, car ils s'appuient sur une base de sympathisants plus large."

Walter Laqueur, Le terrorisme de demain


"À l’origine, les terroristes s’inspiraient d’une idéologie généralement de gauche, mais aujourd’hui ils sont de plus en plus susceptibles d’être motivés par les campagnes liées au nationalisme ethnique ou à l’extrémisme religieux. Il arrive souvent que ces deux éléments soient réunis, comme dans le cas des militants sikhs qui aspirent à créer un État indépendant, le Khalistan, ou du Jihad islamique égyptien (JIE), qui cherche à instaurer un État islamique en Égypte.

Extrémisme religieux. Les extrémistes islamiques sont véritablement ceux qui représentent le plus grand danger sur le plan du terrorisme religieux. C’est en partie dû à leur nombre et à la mondialisation de l’islam, mais aussi au fait que, contrairement aux regroupements solidaires du passé, beaucoup d’islamistes militants n’ont juré allégeance à aucune organisation précise, ce qui complique énormément leur identification et la vérification de leurs antécédents. Les terroristes sunnites, comme Ramzi Yousef qui a été reconnu coupable de l’attentat à la bombe contre le World Trade Center de New York (en 1993), sont généralement représentatifs de cette tendance, tandis que les terroristes chiites continuent de poursuivre leurs objectifs de façon plus collective, recevant des directives et des appuis de l’Iran. Même si la séparation entre sunnites et chiites demeure, il existe manifestement une certaine coopération entre membres des deux courants de l’islam.

Les terroristes musulmans sont souvent des moudjahiddin, fidèles à l’islam et partisans de la Jihad, qui ont acquis une expérience du combat notamment en Afghanistan, en Bosnie ou en Tchétchénie. Ayant reçu un solide entraînement au maniement des armes, des explosifs et du matériel de communication, ils connaissent la valeur d’Internet, des télécopieurs, des téléphones cellulaires et des systèmes de chiffrement. De plus en plus avisés et disposés à voyager, ils ont accès à d’excellents faux documents et contacts internationaux et peuvent facilement se fondre dans la communauté locale des émigrés, au sein de laquelle ils peuvent planifier et commettre des attentats sans être facilement identifiés. S’ils représentent une menace, c’est dans une large mesure à cause de leurs caractéristiques obscures et non structurées, combinées à l’ardeur de leur dévouement. Osama bin Laden constitue un extraordinaire exemple de ce type de terroriste, que son immense fortune, ses capacités personnelles et son charisme rendent beaucoup plus dangereux encore.

Des militants extrémistes d’autres confessions sont aussi impliqués dans la violence terroriste et ne sont pas à négliger. Des groupes religieux chrétiens, comme les Nations aryennes, sont actifs en Amérique du Nord et s’associent de plus en plus étroitement au mouvement des milices. La Ligue de défense juive a elle aussi des représentants en Amérique du Nord, mais c’est en Israël et dans les Territoires occupés que son mélange de nationalisme et de ferveur religieuse se traduit par des actes de terrorisme juif."

Tendances du terrorisme, rapport N° 2000/01, Service canadien du renseignement de sécurité, 18 décembre 1999


"Le plus grand changement qui soit intervenu au cours des récentes décennies, c'est que le terrorisme n'est plus la seule stratégie des militants. Les nombreuses fraternités musulmanes, le Hamas palestinien, l'Armée républicaine irlandaise (IRA), les extrémistes kurdes de Turquie et d'Irak, les Tigres tamouls du Sri Lanka, l'ETA en Espagne (Euzkadi Ta Askatasuna: le Pays basque et sa liberté), et un grand nombre d'autres groupes qui ont vu le jour au cours de ce siècle ont eu, dès leur création, des phalanges politiques et terroristes. L'organe politique fournit les services sociaux et l'éducation, dirige les entreprises commerciales et conteste les résultats des élections, tandis que la «section militaire» monte des embuscades et commet des assassinats. (...)

Les opérations terroristes ont évolué, elles aussi. La piraterie de l'air est devenue rare, étant donné que les avions détournés ne peuvent pas rester en vol indéfiniment et qu'à l'heure actuelle très peu de pays sont disposés à les laisser atterrir, craignant qu'on ne les accuse de soutenir ouvertement le terrorisme. Les terroristes, de leur côté, ne tirent plus des détournements d'avions les mêmes avantages qu'au début. La tendance, à présent, n'est plus aux attaques ciblées, visant par exemple les responsables du camp opposé, mais plutôt au meurtre sans discrimination.(...)

On croit de plus en plus fermement que les missions terroristes exécutées par des volontaires prêts à se suicider est un phénomène nouveau et redoutable, car il n'y a pas de moyens de le prévenir. C'est là l'un des multiples mythes qui entourent depuis toujours le terrorisme. Le terroriste disposé à s'immoler, voire impatient de le faire, a toujours existé et ce dans toutes les cultures. Il a épousé des causes diverses, allant du gauchisme de la bande Baader-Meinhof des années 70 en Allemagne à l'extrémisme de droite. Quand l'aviation japonaise a voulu recruter des kamikazes, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les volontaires se sont présentés par milliers. Les jeunes Arabes qui se font sauter dans les autobus de Jérusalem et s'attendent à être récompensés par les vierges du Paradis sont en fait les maillons d'une chaîne ancienne.

Le terrorisme d'État n'a pas disparu. Les terroristes ne peuvent plus compter sur l'Union soviétique et ses alliés d'Europe orientale, mais certains pays du Proche-Orient et d'Afrique du Nord leur accordent encore leur soutien. (...)

En tout état de cause, les perspectives d'avenir du terrorisme, souvent exagérées par les médias, le public et certains politiciens, s'améliorent dès lors que son potentiel de destruction s'accroît. Ce phénomène résulte à la fois de la montée en puissance des groupes et des individus qui pratiquent le terrorisme ou qui sont susceptibles de le pratiquer et des armes qu'ils peuvent se procurer. (...) Outre l'armement nucléaire, les armes de destruction de masse comprennent les agents biologiques et les composés chimiques de synthèse qui attaquent le système nerveux, la peau ou le sang. Les pays fabriquent des armes chimiques depuis près d'un siècle et des armes nucléaires et biologiques depuis plusieurs décennies; ces diverses armes prolifèrent sans répit et on peut se les procurer de plus en plus facilement. Les vecteurs (missiles balistiques, missiles de croisière et aérosols) sont également devenus plus efficaces. Déployés jadis uniquement durant les guerres entre pays, les missiles ont récemment joué un rôle dans les guerres civiles, notamment en Afghanistan et au Yémen. Leur emploi par les groupes terroristes ne serait que l'étape suivante.

Jusqu'aux années 1970, la plupart des observateurs considéraient qu'en matière d'escalade des moyens utilisés par les terroristes, les matériaux nucléaires volés constituaient la plus grande menace; beaucoup pensent maintenant que le danger pourrait venir d'ailleurs. Un rapport du ministère de la défense des États-Unis publié en avril 1996 signale que «la plupart des groupes de terroristes n'ont pas les ressources financières et techniques nécessaires à l'acquisition d'armes nucléaires, mais ils pourraient se procurer des matériaux leur permettant de fabriquer des dispositifs d'irradiation, ainsi que certains agents biologiques et chimiques». Certains groupes sont appuyés par des États qui possèdent ou peuvent obtenir des armes de ces trois derniers types. Les groupes terroristes eux-mêmes s'intéressent aux agents toxiques depuis le XIXe siècle. En mars 1995, le culte Aum Shinrikyo a dispersé du gaz sarin dans le métro de Tokyo; cette attaque a fait dix morts et plus de cinq mille blessés. À un niveau plus amateur, aux États-Unis et à l'étranger, des groupes terroristes se sont essayés à l'utilisation de substances chimiques et d'agents biologiques tels que les toxines du botulisme, la protéine toxique rycin (deux fois), le sarin (deux fois), la bactérie de la peste bubonique, la bactérie de la typhoïde, le cyanure d'hydrogène, le vx (un autre gaz neurotoxique) et peut-être le virus Ebola. (...)

Par le passé, le terrorisme était pratiquement toujours l'apanage de groupes de militants appuyés par des forces politiques, tels les mouvements sociaux révolutionnaires d'Irlande ou de Russie des années 1900. Les terroristes de demain seront des individus ou des groupuscules de gens d'une même opinion, à l'instar de Theodore Kaczynski, l'«Unabomber» ennemi de la technologie qui, travaillant apparemment en solitaire, a envoyé des colis piégés à différentes destinations pendant plus de vingt ans, ou des auteurs de l'attentat à la bombe qui a détruit un bâtiment fédéral à Oklahoma-City en 1995. Un particulier peut posséder les connaissances techniques nécessaires pour voler, acheter ou fabriquer les armes dont il aurait besoin à des fins terroristes; il ou elle peut avoir besoin ou non de l'aide d'une ou de plusieurs personnes afin de se servir de ces armes contre la cible désignée. Les idéologies adoptées par ces individus ou ces groupuscules risquent d'être plus aberrantes encore que celles des grands mouvements. Et les terroristes œuvrant seuls ou en petits groupes seront plus difficiles à repérer, sauf s'ils commettent une erreur majeure ou sont découverts par accident.

Ainsi, à un extrême, le terroriste solitaire est apparu, tandis qu'à l'autre, le terrorisme appuyé par les États s'épanouit silencieusement, car les guerres d'agression sont devenues trop coûteuses et trop risquées. En cette fin de siècle, le terrorisme s'est substitué aux grandes guerres du XIXe et du début du XXe siècle. (...)

La société est également devenue vulnérable face à une nouvelle forme de terrorisme, dans laquelle le pouvoir du terroriste individuel et du terrorisme en tant que tactique est infiniment plus grand. Les terroristes d'antan assassinaient des monarques ou de hauts dignitaires, mais d'autres, pressés d'hériter du sceptre à leur tour, prenaient rapidement leur place. Les sociétés avancées d'aujourd'hui sont chaque jour plus dépendantes du stockage, du rappel, de l'analyse et de la transmission de données. La défense, la politique, les opérations bancaires, le commerce, les transports, les travaux scientifiques et une grande partie des transactions du gouvernement et du secteur privé sont désormais informatisés. Ceci expose de vastes domaines vitaux de la nation aux méfaits ou au sabotage du premier pirate de l'informatique venu, et le sabotage concerté pourrait mettre un pays hors d'état de fonctionner. D'où les interrogations croissantes sur l'infoterrorisme et la guerre cybernétique.

Un fonctionnaire des services du renseignement des États-Unis, anonyme, a déclaré qu'avec vingt informaticiens capables et un milliard de dollars, il pourrait amener les États-Unis à un arrêt total. Un terroriste pourrait certainement en faire autant. Il existe peu de confidentialité dans la société branchée de l'informatique et les mesures de protection se sont révélées de valeur limitée: de jeunes pirates de l'informatique ont accédé à des systèmes de niveau top secret dans tous les domaines. Les possibilités de semer le chaos sont déjà pratiquement illimitées et la vulnérabilité des systèmes ne fera que croître. Les terroristes changeront donc de cibles.Pourquoi assassiner un politicien ou tuer des gens aveuglément si une attaque sur un commutateur électronique peut produire des résultats bien plus spectaculaires et plus durables?"

Walter Laqueur, Le terrorisme de demain

Articles


Quelques grands groupes terroristes

Source: Revues électroniques de l'Agence d'information des États-Unis, «La lutte contre le terrorisme», vol. 2, no 1, février 1997. Renseignements sur treize grands groupes terroristes tirés d'un rapport du département d'État intitulé Caract

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