Profession

La professionnalisation comporte neuf dimensions: une rémunération pour les services rendus; le recours à des termes techniques; le port de symboles de la profession; la réussite d’une formation formelle; l’importance accordée à l’éthique professionnelle; un monopole sur le droit de pratique; l’autonomie de la profession; l’internationalisation; un statut social. Le degré de développement de ces dimensions dans un groupe indique son degré de professionnalisation par rapport à d’autres groupes.

Enjeux

La reprofessionnalisation
«Dans toutes les professions, et en particulier dans celles que l'on dit de pointe, le rétablissement de la bonne vie est hautement souhaitable. C'est ce que l'on réclame de toutes parts sous le thème de la conciliation du travail et de la vie de famille. Le simple instinct de conservation devrait nous conduire à la même conclusion: on ne construit pas une économie solide et durable en brûlant ses héros au cours des premières années de leur vie active, ni en créant un climat où les fins n'étant pas considérées, chacun en vient à se résigner à faire les frais d'un progrès dont il ne jouira jamais pleinement. Le meilleur moyen de tuer une société, c'est peut-être de faire en sorte qu'il n'y ait plus à son sommet que des gens qui se surmènent au service de la méga machine.

Nous avons besoin d'une avant-garde qui sache soumettre à la loi humaine le déferlement aveugle du système technicien. Il suffit d'avoir vu fonctionner un petit logiciel de dessin pour avoir une idée du temps que l'ordinateur permet d'économiser en architecture. Mais si nous nous limitions à ce procédé, nous aurions bientôt des bureaux et des maisons encore plus formalistes, fonctionnels, alors que nous avons besoin de lieux propices à l'épanouissement des sens. Pourquoi dans ces conditions ne pas utiliser la nouvelle puissance de calcul pour adapter plus subtilement les édifices aux personnes et aux lieux? Il existe aux États-Unis, un groupe d'architectes, appelé Jersey Devil, qui vont camper sur les sites où ils doivent construire un édifice. Cela leur permet de s'imprégner de l'esprit du lieu, d'apprécier les qualités de l'air et de la lumière en divers points, les variations du paysage selon le point de vue. Cela introduit les couleurs de la vie dans leurs heures de travail et les éloigne de l'éclairage au néon.

Au cours de l'histoire de l'architecture, bien des projets aux formes organiques, tel l'Oeuf qu'André Bruyère avait imaginé pour Paris, puis pour New York, furent abandonnés à cause de la complexité des calculs. Dans des projets comme celui du Musée Guggenheim de Bilbao, l'architecte Frank Gehry a misé sur la puissance des outils de calcul pour donner à son œuvre la vie et les formes d'un voilier vibrant sous un vent léger. Sa méthode consiste à construire d'abord en toute liberté le modèle réduit, qu'il passe ensuite dans un numériseur (scanner), lequel en fait l'analyse sous tous les angles possibles, pour effectuer enfin les calculs automatiquement.

Il faudrait que dans toutes les professions, on puisse tenter ainsi de profiter des nouveaux outils pour se rapprocher de la vie et de l'humain, plutôt que de se laisser emporter par eux vers des excès de formalisme et de fonctionnalité découlant de leur nature même.

Tout indique que les nouveaux outils mis au service de la médecine pourraient enfin favoriser une médecine personnalisée. Le génomique devrait en effet permettre d'adapter les médicaments au profil génétique des individus. Si ce recours à la technologie s'accompagne d'un retour au véritable colloque singulier, la médecine pourrait atteindre un degré d'efficacité et d'humanité sans équivalent dans le passé. Si l'authentique rapport humain n'est pas rétabli, la médecine prédictive aggravera jusqu'à l'obsession de la santé l'actuelle dépendance des gens à l'égard du pouvoir médical. Les gens voudront connaître à l'avance les maladies dont ils risquent d'être frappés, accroissant ainsi eux-mêmes une angoisse créatrice de dépendance. Alors que la santé consiste à oublier la santé pour vivre, pour aimer, pour créer, on s'enfoncera dans une mentalité dont les signes avant-coureurs ne sont que trop visibles, où l'obsession de la santé répandra son venin dans l'âme entière et dans les moindres replis du temps de chaque jour.

Avec un peu d'imagination, on peut préciser les voies à suivre pour refaire l'équilibre entre l'humain et la technique à l'intérieur de chaque profession. On peut aussi se représenter le désert humain qui résulterait d'une aggravation du déséquilibre actuel.»

JACQUES DUFRESNE, L'Agora, «L'âme des professions», vol 11 no 1, printemps 2005

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