Pierre Karl Péladeau, ou l’irruption inopinée du tragique en politique québécoise

Stéphane Stapinsky

De manière un peu surprenante, la démission de Pierre Karl Péladeau le 2 mai dernier semble avoir réellement pris de court les analystes de la scène politique québécoise. Pour ma part, quelques jours avant cette annonce ultime, j’avais été intrigué par la démission de Pierre Duchesne, son directeur de cabinet, la dernière d’une longue suite d’imbroglios touchant la garde rapprochée du chef péquiste. Intuitivement, je sentais que quelque chose ne tournait pas rond.

« J’ai choisi ma famille »

Certains ont insisté sur le rôle déterminant qu’aurait eu l’entrevue de l’ex-conjointe de Péladeau, Julie Snyder, accordée à l’émission Tout le monde en parle, dans laquelle elle évoquait avec émotion sa séparation d’avec PKP et réglait, mine de rien, quelque compte avec lui (tout en avançant, publiquement, quelques-uns de ses pions dans le différend juridique qui l’oppose à lui). On a même parlé, à propos de cette entrevue, diffusée la veille de la démission du chef péquiste, de « trahison » et de « manipulation » de la part de l’ex-femme de PKP (1)

Le contenu de l’entrevue aurait-il précipité le geste de l'homme politique, cette circonstance bien particulière serait-elle l’explication déterminante de sa décision ? En apparence, cela semble être le cas. Cela expliquerait à tout le moins la surprise de ses proches et de ses collègues péquistes, qui semblent n’avoir rien vu venir. La coïncidence des deux événements (l’entrevue et la démission), sur le plan temporel, est troublante.  Péladeau a d’ailleurs justifié son départ de la sorte : « J’ai choisi ma famille. » Ayant souffert, dans son enfance, de l’absence de son père, il n’aurait pas voulu infliger le même sort à sa progéniture. Plus concrètement, il aurait voulu faire en sorte de ne pas perdre la garde, à temps partiel, de ses enfants. Ce besoin humain fondamental peut bien sûr se comprendre.

Pourtant, à la suite de cette démission, un certain nombre de questions demeurent. Peu d’analystes, dans le camp souverainiste, ont osé les aborder. 

Ainsi, est-il possible de penser qu’un homme politique sérieux, le chef d’un parti, prendrait une décision aussi grave à la suite d’une prestation médiatique de son ex-épouse, si mesquine soit-elle ? De deux choses l’une, si c’est effectivement le cas, cela révèle assurément, dans son caractère, certaines failles. Dans l’hypothèse d’un combat référendaire acrimonieux, cet homme aurait-il tenu le coup ou bien aurait-il été rattrapé par ses démons ? On se demandera alors si PKP était vraiment taillé, psychologiquement, pour le poste qu’il occupait. Si cette entrevue n’a rien à voir avec sa décision, celle-ci devait sûrement avoir mûri depuis un certain temps déjà et les raisons d’ordre familial ne sont peut-être pas seules en cause. 

Je suis par ailleurs toujours étonné par cet argument des « raisons d'ordre familial », qu’on utilise à toutes les sauces lorsqu’il s’agit de démissions dans le monde politique. Et pas seulement politique d’ailleurs. Les sportifs (par exemple les entraîneurs) et les hommes d’affaires y ont aussi recours. On jette pudiquement le voile des raisons familiales pour éviter les explications longues et parfois gênantes. Ces professions de foi envers la famille sont d’autant plus ironiques qu’on se fout comme jamais de la famille dans notre société.

S’il s’avère que le contexte familial soit bien l’explication déterminante du geste de PKP, ce qui m’étonne c’est que cet aspect des choses n’ait pas été pris en compte par lui AVANT son entrée en politique. N’est-il pas évident, depuis toujours, que la vie politique implique ce genre de contraintes (et pas que celles-là d’ailleurs). Ses enfants sont nés en 2005 et 2008. Ils ne sont donc pas des poupons nouvellement arrivés en ce monde. N’a-t-il pas eu le temps d’y réfléchir bien avant de briguer la chefferie du PQ ? Tout cela me rend quelque peu perplexe quant à la compétence de son entourage politique.

Le cas de PKP nous rappelle que nous vivons à une époque où la notion de sacrifice a vraiment disparu de l’horizon de nos existences. L’idée que, pour accomplir sa destinée, il faille sacrifier, en conscience, tel ou tel aspect de notre vie, est une réalité qui nous est de plus en plus étrangère. C’est pour cette raison qu’on a de plus en plus de mal à comprendre le sens, par exemple, de la vie religieuse. Entre la vocation et l’épanouissement individuel, ce dernier aura toujours le dessus. Idéalement, on aimerait que la politique soit une activité ne débordant pas le « 9 à 5 », et que nos ministres et premiers ministres soient à l’heure à la maison pour changer les couches ou préparer le souper. Je ne fais que constater la chose. Je ne dis pas que c’est un bien ou un mal en soi. D’ailleurs, on ne peut sans doute plus revenir en arrière.

Gageons cependant que si les sondages avaient donné le PQ et l’option souverainiste largement en tête, le recours à cet argument « familial » aurait été relativisé par PKP lui-même. Il aurait sûrement trouvé des aménagements possibles entre sa vie familiale et sa carrière politique. D’autant que sa fortune personnelle aurait rendu possibles plusieurs options que les gens dits ordinaires ne peuvent se permettre. 

Pour un « gagnant » du milieu des affaires comme il l’est, les demi-victoires (ou les demi-défaites) de la politique ne sont assurément guère satisfaisantes. Je ne soutiens pas, contrairement à la une tendancieuse du Devoir le lendemain de sa démission, que PKP a baissé les bras. Seulement que sa psychologie, son tempérament, son caractère, ne le prédisposaient assurément pas à accepter une longue période de stagnation. Ce ne serait d’ailleurs pas le premier homme d’affaires ayant plongé en politique qui éprouverait pareil sentiment.

Le destin politique tragique de PKP

Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?

Victor Hugo, « Oceano Nox »

À côté des analystes à la petite semaine, superficiels et branchés sur la partisanerie la plus crasse, certains commentateurs ont réussi à s’extraire de la boue ambiante et à évaluer avec justesse cet événement déconcertant. Mathieu Bock-Côté a ainsi fort bien perçu que cette démission avait quelque chose de « tragique ». « Chose certaine, ce qui vient de s’éteindre avec le départ de PKP, c’est l’espoir, même minuscule, d’une nouvelle offensive souverainiste victorieuse à court terme. » (2)

L’ex-chef du PQ avait suscité d’immenses espoirs dans le camp souverainiste. Des espoirs démesurés sans doute. En cette morne conjoncture pour les partisans de l’indépendance, ceux-ci avaient investi symboliquement sa personne comme ils ne l’avaient pas fait depuis longtemps pour aucune autre figure de la vie publique québécoise. La chute n’en a été pour eux que plus traumatisante.

Pierre Schneider, qui le connaît bien, a rappelé, ces jours derniers, ce que la figure de PKP, à son entrée en politique, évoquait pour lui : « J'y ai associé l'image du surhomme qui, tel un Moïse des temps modernes, allait permettre à son peuple soumis et indifférent de se libérer de ses entraves intérieures et extérieures en affrontant notre pire ennemi: la peur de l'échec et celle de connaitre le sort tragique des Patriotes et de tous ces malheureux exilés, victimes des «grands dérangements» qui ont suivi nos défaites. Une malédiction qui se transmet par la suite de génération en génération (3). » Il s’agit sans doute d’un jugement extrême, et ceux qui soutenaient Péladeau se contentaient sûrement de motifs moins « profonds », moins « philosophiques ». N’empêche, cet exemple montre bien les attentes très élevées (démesurées) qu’on avait à son endroit.

Le spectacle désespérant de celui qu’on avait vu comme un sauveur, au moment de son ultime conférence de presse, n’évoquait rien d’autre que le tragique à l’état pur. « Quand j'ai vu à la télé cet homme fort, fier et décomplexé, espoir et symbole de libération pour des milliers de Québécois, dans cet état d'abattement total et de capitulation sur tous les fronts, écrit Pierre Schneider, j'ai réalisé à quel point cette tragédie humaine allait marquer l'histoire sans fin et souvent désespérée de la libération du Québec, de ses maladives dépendances. » (4)

Ce qui ajoute encore à ce tragique, c’est que ce destin presque philosophique s’effondre non pas à la suite d’un combat qui aurait été perdu, mais avant même qu’aucun combat n’ait eu lieu, et pour des raisons que nous qualifierions de « domestiques ». Si empathique qu’on puisse être face aux raisons invoquées par le chef péquiste pour justifier son départ, on ne peut que se dire: « Il démissionne pour ÇA ! » Le contraste entre les promesses qu’il apportait avec lui et les circonstances de son départ a eu, sur moi, l’effet d’un mur de briques s'affaissant sur ma personne. Je n’ai pas pu m’empêcher de voir le parcours de PKP comme une métaphore du Québec, dont la souveraineté est depuis toujours différée pour des raisons souvent pas très glorieuses.

Avant de briguer un poste comme celui de chef du Parti québécois, ne faudrait-il pas être conscient de toutes les implications d’une telle décision? Car est en jeu ici, à mon sens, plus que dans tout parti motivé d’abord par la défense d’intérêts étroitement définis, une responsabilité vis-à-vis des militants, des soutiens de la cause. C’est en tout cas l’idée que suggère l'écrivain Andrée Ferretti : « Aussi attendrissantes que soient les raisons de la désertion de Pierre Karl Péladeau, ses effets n’en sont pas moins de grandes conséquences. Car, réel ou fantasmé, un libérateur ne peut quitter le combat sans affaiblir ses troupes, sans décevoir le peuple, celui qui partage clairement ses aspirations, convictions et objectifs. » (5)

Lorsque fut élu PKP, je l’avoue, j'étais perplexe. Non pas que je n’aimais pas la personne ni n’appréciais ses qualités. Mais j’avais plutôt le sentiment qu’on gaspillait son talent alors qu’aucun combat réel n’était en vue. Nous brûlions nos cartouches avant même que l’ennemi n’apparaisse.

On a souvent donné comme argument en sa faveur le fait qu’il était un de nos hommes d’affaires les plus éminents, un symbole de ce Québec inc. qu’on aime bien mettre de l’avant. J’ai toujours été sceptique face à cette apologie de l’indépendance justifiée par le succès de nos hommes d’affaires. Car elle sera toujours ambiguë. S’il est vrai que nos entreprises ont obtenu des succès, elles les ont obtenues alors que nous sommes À L’INTÉRIEUR du Canada. Nos adversaires auront toujours beau jeu de nous rappeler qu’elles ont bénéficié de ce contexte, de la réputation du Canada dans le monde, de sa solidité financière et économique, etc. Bien sûr, ceux qui mettent de l’avant ce point, veulent insister sur le fait qu’en ayant confiance en leurs moyens, les Québécois peuvent faire de grandes choses. N’empêche, c’est un argument qui risque que de ne trouver un écho qu’auprès des convertis.

Une pédagogie de l’indépendance

A mon sens, les souverainistes ont trop longtemps vu l’indépendance comme un fruit qui allait tomber spontanément d’un arbre, sans qu’on ait beaucoup à faire. Bien sûr, je schématise, mais a-t-on vraiment fait quelque chose pour intégrer la souveraineté aux débats qui ont lieu présentement dans la société québécoise et dans le monde (comme la question des accords de libre-échange qui se généralisent; ou la hausse croissante des inégalités; ou bien la perspective d'une diffusion encore plus grande de l'automatisation et de la robotisation, et son impact sur les emplois) ? A-t-on également mené une critique sérieuse et méthodique du fédéralisme canadien, de ses aberrations (comme l'idéologie multiculturaliste) et des conséquences délétères qu’il a pour le développement du Québec ? Des universitaires s’y sont livrés dans des écrits qui ne sortent guère des limites des cercles de spécialistes. Quelques commentateurs s’y hasardent aussi mais, sauf exception, l’effort n’est guère entrepris de manière systématique dans le camp souverainiste.

Pour Mathieu Bock-Côté, « le combat souverainiste, aujourd’hui, est désormais un combat de longue haleine. » (6). Il a tout à fait raison. Ce qui n’implique pas, bien sûr, pour le PQ, de ne pas s’engager face aux enjeux du présent. Mais il faut assurément inscrire le combat fondamental, celui pour l’indépendance, dans la longue durée.

Au sujet du prochain chef du PQ, on ne se surprendra pas de ce que les attentes seront sans doute moins élevées que dans le cas de Pierre Karl Péladeau. Et, en un sens, c'est plutôt sain. « Même décevant, ce départ est une formidable occasion d’en finir avec une certaine vision messianique. Le prochain chef ne sera pas un ''sauveur'', mais un être humain, avec ses défauts et ses qualités. » (7) Une des qualités du prochain chef devra être la modestie, quant au rôle social et historique qu’il sera appelé à jouer.

Je pense pour ma part que le prochain chef du PQ devra faire le deuil d'une accession à l’indépendance dans un avenir rapproché. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas s’ouvrir à la conjoncture, et aux possibilités qui peuvent se présenter. A certains égards, la période à venir pourrait être plus favorable à une accession possible à l'indépendance que ne l'ont été celles des référendums de 1980 et 1995, ainsi que le rappelle Richard Le Hir (8). Mais tout cela est hypothétique.

Le chef qui sera élu l'automne prochain devra se soucier de l'avenir du parti et relever un certain nombre de défis cruciaux d'ordre politique. Mathieu Bock-Côté en propose un bon résumé : « la tâche du prochain leader souverainiste ne sera pas de courir à un référendum suicide mais de s’assurer de la survie du Parti Québécois et de sa capacité à demeurer le premier parti chez les francophones. Il s’agira de maintenir vivante la question nationale dans une société qui s’en éloigne : cela implique de ne pas se laisser dissoudre complètement dans l’axe gauche-droite. Il s’agira aussi, quoi qu’on en dise, d’assurer la défense de l’identité nationale à un moment où elle est fragilisée à la fois par le multiculturalisme canadien et la tentation d’une partie de nos élites d’en finir avec elle, comme s’ils voulaient se délivrer de ce fardeau lourd à porter. » (9).

Le nouveau chef devra être le maître d’œuvre d’une pédagogie de l’indépendance (cette expression ne doit pas être prise dans un sens scolaire, bien sûr). Tout un travail préalable est en effet à faire, qui n’a jamais été véritablement mené mais devra l’être, afin de ramener la question de la souveraineté au cœur des débats dans notre société. Il faut que la question soit partie prenante d’un grand dialogue que nous aurions, un dialogue positif, constructif, mais qui doit pas éviter les points plus sombres, les questions délicates. La lucidité la plus grande est de mise.

L’Institut d’études sur la souveraineté, créé à l’initiative de Pierre Karl Péladeau, pourrait ici jouer un rôle de premier plan. On apprenait récemment qu’il avait commencé son travail, grâce à un prêt personnel du magnat de Quebecor (10). Les meilleurs spécialistes seront mis à contribution pour des recherches sur différentes thématiques liées à la souveraineté du Québec et pour des études comparatives avec des situations étrangères.

Quelques caveats. Il est à souhaiter que cet institut ne devienne pas un repaire pour carriéristes, un sas pour spécialistes en attente d’une place ailleurs ou une récompense pour les amis du parti en raison de leurs bons et loyaux services. Il ne faudrait pas non plus qu’on cantonne ce qui s’y fera à la recherche ultraspécialisée. N’oublions pas qu’il n’y a jamais eu autant de spécialistes de la question nationale qu’aujourd’hui et que nous n’avons jamais été aussi éloignés de la perspective de l’indépendance. Ça doit bien vouloir dire quelque chose. Ça veut dire en tout cas que la connaissance doit impérativement être diffusée sous une forme accessible au plus grand nombre.

Une question, maintenant, plus délicate. Le problème des Québécois, faut-il le rappeler, n’en est pas un que de connaissance (de leur situation, de leur histoire, etc.). La connaissance est nécessaire mais elle n’est pas suffisante. On aura beau faire toutes les études possibles sur la souveraineté, publier des livres, organiser des expositions, des événements de toutes sortes, on ne se sera pas pour autant rapproché de la souveraineté. Il faut en convenir, la source du problème national québécois se trouve, pour une large part, dans notre psyché collective. Au risque d’en choquer quelques-uns, je dirai que la mentalité du colonisé est hélas un trait qui nous définit encore. Il nous faut donc ressortir nos classiques. Me viennent ici en mémoire les textes sur le sujet, si éclairants, d’un Jean Boutillette, dans les années 1960. Pour le dire succinctement, s’il nous faut viser à être un peuple riche, et un peuple cultivé, qui connaît son histoire, il nous faut également viser à être un peuple vertueux. Par l’expression « être vertueux », je n'entends pas nous engager sur la voie du moralisme, mais plutôt rappeler qu'il serait souhaitable que nous soyons un peuple dépositaire d’un certain nombre de valeurs, de qualités, de vertus, dont il faudrait favoriser la diffusion dans notre système d’éducation : le courage, le sens du sacrifice, la solidarité, l’esprit civique, la persévérance, l'honnêteté, etc.

Les Anciens avaient trouvé la manière d'atteindre cet objectif. Au Moyen-Âge, à l’époque moderne et jusqu’au XXe siècle, l’enseignement classique imposa la lecture des grands textes de l’antiquité gréco-latine. Des générations d’élèves furent mises en présence de ces figures idéales de la vie civique que furent les Cincinnatus, Cicéron, Solon, etc., qui continuèrent donc à nourrir le climat intellectuel et moral des sociétés occidentales. Il faudrait trouver notre manière à nous, citoyens québécois du XXIe siècle, d’assurer cette transmission.

Pour un combat centré sur l’identité

Dans un autre ordre d’idées, je suis d’avis, comme d'autres commentateurs, qu’il nous faudra tôt ou tard en revenir à une conception du combat souverainiste centrée sur les enjeux identitaires. Dans les années post-référendaires, le gouvernement de Lucien Bouchard a fait en sorte «  de diviser les péquistes par un débat identitaire remettant en question la vision de la nation, jusque-là consensuelle chez les souverainistes. » (11). La crise des accommodements raisonnables et le débat autour de la Charte des valeurs ont encore obscurci ce tableau. Il faut à mon sens rompre avec certains principes de ce « nationalisme civique », lequel éloigne d’ailleurs le PQ d’une bonne partie de la population. Comme le rappelle avec justesse un analyste qu’on ne saurait soupçonner de sympathies péquistes :

« L’idée que le Québec se donne une politique plus audacieuse d’affirmation de son identité, de ses valeurs communes et de sa langue demeure un vecteur fondamental de la politique québécoise. Surtout, l’idée que le Québec se dote d’une approche clairement distinctive par rapport au multiculturalisme canadien apparaît assez vitale pour le Parti québécois.  (…)

Le courant dit de « nationalisme civique » dans le Parti québécois rêve de faire la souveraineté en éludant le fait identitaire. On propose l’indépendance pour avoir un siège à l’ONU, faire entendre la voix du Québec dans les grands forums mondiaux sur les changements climatiques ou carrément pour créer le pays quasi socialiste rêvé par Québec solidaire. Déconnecté du peuple complètement !

Il n’y a qu’une poignée de pseudo-penseurs au Québec qui conçoivent leur avenir en ces termes. La grande majorité de ceux qui se définissent comme nationalistes tiennent d’abord à l’affirmation et à la pérennité d’une identité québécoise. Et un certain nombre accepteront l’argument voulant que la souveraineté permette mieux d’y arriver.

«Le Parti québécois commet une erreur gigantesque en confondant les erreurs stratégiques autour de la Charte de 2014 avec un véritable désintérêt de la population pour la question identitaire. » (12)

Malheureusement, plusieurs des candidats pressentis pour le poste de chef s’accrochent toujours à une version du nationalisme qui se rapproche dangereusement du multiculturalisme canadien : « Et de fait, entre Alexandre Cloutier, Véronique Hivon, Nicolas Marceau et Martine Ouellet, on peine à voir lequel témoignerait d’une certaine sympathie pour un nationalisme ancré dans l’histoire et dont la Charte des valeurs de 2013-2014 a représenté l’expression offensive, susceptible, d’ailleurs, de mettre en échec le multiculturalisme canadien sur le territoire québécois en révélant de quelle manière il corsette l’identité québécoise. » (13)

Une telle position ne peut qu’éloigner encore plus les classes moyennes du Parti québécois. Ce qui n’augure rien de bon pour l’avenir du mouvement souverainiste. Il reste plusieurs mois avant la désignation du nouveau chef. Souhaitons que ce délai soit propice à la réflexion.

Notes

 (1) Robert Barberis-Gervais, « La trahison de Julie Snyder », tribune libre de Vigile, 2 mai 2016. Cette chronique a suscité certains remous au sein du comité de rédaction de Vigile. Elle a été remplacée par un autre article, accompagné d’une mise en garde, qu’on trouvera à l’adresse suivante : http://vigile.quebec/Manipulation-hors-pair-et-double. Voir aussi : Francine Pelletier, « L’ultimatum », Le Devoir, 4 mai 2016.
(2) Mathieu Bock-Côté, « Le grand soir s’éloigne », Journal de Montréal, 3 mai 2016 – http://www.journaldemontreal.com/2016/05/03/le-grand-soir-seloigne
(3) Pierre Schneider, « Le rêve brisé de Pierre Péladeau », Huffington Post (blogue), 8 mai 2016 – http://quebec.huffingtonpost.ca/pierre-schneider/le-reve-brise-de-pierre-peladeau_b_9866508.html
(4) Ibid.
(5) Andrée Ferretti, « Foi inébranlable », chronique, Vigile, 4 mai 2016 – http://vigile.quebec/foi-inebranlable?c=20
(6) Mathieu Bock-Côté, « Le nouveau contexte politique, Journal de Montréal, 5 mai 2016 – http://www.journaldemontreal.com/2016/05/04/le-nouveau-contexte-politique
(7) Simon-Pierre Savard-Tremblay et Étienne Boudou-Laforce, « En finir avec le mythe du sauveur », Le Devoir, 6 mai 2016 – http://www.ledevoir.com/politique/quebec/470117/en-finir-avec-le-mythe-du-sauveur
(8) Richard Le Hir, « Une décision déchirante pour un homme de cœur, un incident de parcours pour le mouvement indépendantiste », Editorial de Vigile, 3 mai 2016 – http://vigile.quebec/une-decision-dechirante-pour-un
(9) Mathieu Bock-Côté, « Quatre réflexions sur la course à la chefferie au PQ », Journal de Montréal – Blogues, 11 mai 2016 – http://vigile.quebec/quatre-reflexions-sur-la-course-a
(10) Jean-Marc Salvet, L'Institut sur la souveraineté déjà actif grâce à PKP, Le Soleil, 5 mai 2016 – http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201605/05/01-4978587-linstitut-sur-la-souverainete-deja-actif-grace-a-pkp.php
(11) Simon-Pierre Savard-Tremblay et Étienne Boudou-Laforce, op. cit.
(12) Mario Dumont, « Un PQ sans identité ? », Journal de Montréal, 6 mai 2016 – http://vigile.quebec/un-pq-sans-identite
(13) Mathieu Bock-Côté, Le mirage du nationalisme sans identité, Journal de Montréal – Blogues, 7 mai 2016 – http://www.journaldemontreal.com/2016/05/07/le-mirage-du-nationalisme-sans-identite




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