Le réseau beauceron d'innovation

Jacques Dufresne
Comment ne pas penser à la Beauce québécoise quand on évoque les réseaux d'innovation?
    L'émergence d'une personnalité beauceronne a été favorisée par l'existence d'une entité physique relativement isolée et organisée autour de la vallée de la Chaudière. Dans ce berceau original s'est très tôt affirmé un particularisme certain, un net esprit d'indépendance, déjà manifeste lors de l'invasion américaine et qui a été décrit à maintes reprises.
    L'affirmation de la bourgeoisie industrielle s'est accompagnée de la promotion de valeurs en rupture avec celles qui prévalaient dans la société traditionnelle; la célébration de l'esprit d'entreprise s'est accompagnée de la montée de nouvelles élites. Les nouveaux chevaliers d'entreprise ont dépassé en renommée et en considération les notables traditionnels. Ils ont été proposés comme modèles.
    L'individualisme va de pair avec l'esprit d'entreprise; il n'est pas sans inconvénient. Le fréquent one man show du père fondateur ne favorise pas la relève, mais il n'exclut pas certaines formes de solidarité au profit du groupe beauceron. Voici quelques-unes de ces solidarités.
    1) L'industriel visitant des Salons commerciaux signalera à son retour les occasions d'affaires qu'il ne prend pas à son compte et donnera ses contrats de préférence en région.
    2) Un chef d'entreprise mettra volontiers le pied à l'étrier d'un jeune aspirant en lui donnant son premier contrat: à lui de faire ses preuves.
    3) Une entreprise en difficulté, ou contrainte à fermer, trouve vite des relais: quand Solarco (portes et fenêtres) est tombée, elle a été relancée en deux mois, deux nouveaux actionnaires se joignant au propriétaire.
    4) Les hommes d'affaires retraités investissent volontiers dans le démarrage ou l'expansion d'entreprises locales.
    5) Les contacts, la circulation des informations se font surtout de façon informelle, beaucoup plus que par des associations de manufacturiers ou des regroupements formels (encore que le groupement québécois d'entreprise, par exemple, ait plusieurs adhérents en Beauce).
    La conscience régionale (région entendue comme l'ensemble beauceron) est de la sorte très vive. Les valeurs dominantes sont très affirmées et le réseau a ainsi une très forte identité. En ce sens, on peut dire que c'est tout le réseau qui est porteur des entreprises.

Autres articles associés à ce dossier

Les réseaux d'innovation

Bernard Planque


À lire également du même auteur

Résurrection de la convivialité
Ivan Illich annonçait dès les années 1970 une révolution, litt&eacu

Mourir, la rencontre d'une vie
Si la mort était la grande rencontre d’une vie, que gagnerait-elle, que perdrait-elle &

Bruyère André
Alors qu'au Québec les questions fusent de partout sur les coûts astronomiques li&e

Noël ou le déconfinement de l'âme
Que Noël, fête de la naissance du Christ, Dieu incarné, Verbe fait chair, soit aus

De Desmarais en Sirois
Démocratie ou ploutocratie, gouvernement par le peuple ou par l'argent? La question se po

Le retour des classiques dans les classes du Québec
Le choix des classiques nous met devant deux grands défis : exclure l’idéal




Articles récents