Messes et fleurs
Le père HIPPOLYTE.
(Cité par Le Temps.)
Tu crois donc, mon vieux Polyte,
Qu'une messe facilite
Le Ciel aux bons refroidis?
Que des prières qu'on paie
Franchissent la moindre haie
Des jardins du Paradis?
Ah! quelle erreur est la tienne
A cette éternelle antienne
Tu devrais bien dire adieu.
Les fleurs, quoi que tu en dises,
Ce sont là des marchandises
Plus agréables à Dieu.
Et la Vierge souveraine,
La Madone plus que reine,
Qui trône auprès de son fils,
Au-dessus des saints Apôtres,
Préfère à tes patenôtres
La moindre gerbe de lys.
Cela n'est pas un mystère
Que les fleurs sont sur la terre
Pour nous attester les Cieux.
Les humbles comme les fières,
Elles servent de prières
Aux mortels insoucieux.
Elles furent aussi faites
Afin d'augmenter nos fêtes
Et diminuer nos deuils;
Elles nous furent données
Encor pour nos hyménées
Et pallier nos cercueils.
Le parfum de leurs corolles
Valent toutes les paroles
Tous les encens, crois-le bien.
Les fleurs, ô marchand de messes,
Sont nécessaires, expresses,
Ne se remplacent par rien.
Ô Polyte, tu te trompes
Avec tes funèbres pompes.
Quoi! Les fleurs sont peu d'accord
Avec les leçons si graves
De la Mort? Oh! oh! mon brave,
Dieu te soit miséricord!
Tu tombes dans l'hérésie.
La fleur, de tout temps choisie,
Fut toujours acte de foi.
Et tes messes de ténèbre
Qui rendent la mort funèbre
N'en sauraient tenir l'emploi.
Pour moi qui suis un champêtre,
Quand tu me verras, ô prêtre,
Couché sur mon dernier lit,
En place que tu croasses,
D'une fleur fais-moi la grâce,
Ne fût-ce qu'un pissenlit.