Ambiguïté de l'échec
Ce qui me frappe, c'est l'inversion des niveaux où s'exerce la persévérance après l'échec. Des hommes politiques par exemple, tels que, pendant soixante-dix ans, les dirigeants de l'empire soviétique, se sont obstinés à rester fidèles à des principes qui, depuis près d'un siècle, ont fait leurs preuves négatives, alors que tant d'amants ou tant de croyants renient leur amour ou leur foi dès la première épreuve. Là où l'échec nous enjoint de renoncer, obstination absurde; là où il nous invite à la fidélité héroïque, lâche refus de persévérer.
En résumé : dans l'unidimensionnel, l'échec est signe qu'on doit changer de direction; dans le pluridimensionnel (les choses de l'âme et de Dieu ... ), c'est une exhortation, non à reculer, mais à changer de niveau, à passer de la marche à l'envol...
Critère de discernement: plus l'objet désiré débouche sur l'inconnu et sur le mystère (l'amour, la beauté, le sacré ... ), moins l'échec doit être dissuasif ; plus au contraire il s'agit de choses terrestres, matérielles et objets de sciences à peu près exactes, plus l'échec commande un changement d'orientation et plus la fidélité relève de l'utopie, au pire sens du mot: errare humanum, perseverare diabolicum. Deux exemples extrêmes: s'obstiner à prier à travers l'épaisseur du silence de Dieu et des prières inexaucées et s'acharner à pêcher dans une rivière dont l'observation a prouvé qu'aucun poisson ne l'habite...