Obésité
Différence entre le ventre et l'obésité
«J'entends par obésité cet état de congestion graisseuse où, sans que l'individu soit malade, les membres augmentent peu à peu en volume, et perdent leur forme et leur harmonie primitives. Il est une sorte d'obésité qui se borne au ventre; je ne l' ai jamais observée chez les femmes: comme elles ont généralement la fibre plus molle, quand l'obésité les attaque, elle n'épargne rien. J'appelle cette variété gastrophorie, et gastrophores ceux qui en sont atteints. Je suis même de ce nombre; mais, quoique porteur d' un ventre assez proéminent, j' ai encore le bas de la jambe sec, et le nerf détaché comme un cheval arabe. Je n' en ai pas moins toujours regardé mon ventre comme un ennemi redoutable; je l' ai vaincu et fixé au majestueux ; mais pour le vaincre, il fallait le combattre: c' est à une lutte de trente ans que je dois ce qu' il y a de bon dans cet essai.»
Brillat-Savarin, ( 1755-1826) «La physiologie du goût».
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L'IMC ou indice de masse corporelle
La définition contemporaine est plus mathématique: on appelle IMC (indice de masse corporelle) le rapport entre le poids du corps et la taille. L'obésité commence quand ce rapport dépasse un certain seuil, qui varie selon les cultures et les époques et aussi selon que les critères sont esthétiques ou sanitaires. L'excès de poids est dû à la graisse pour l'essentiel. (Voir l'Outil de calcul de l'IMC).
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Définitions anciennes
Dans l'Encyclopédie française du XIXe siècle,on présente Hygée, l'une des deux filles d'Asclépios, le dieu grec de la médecine, comme «une jeune nymphe, à l'oeil vif et riant, au teint frais et vermeil, à la taille légère, riche d'un embonpoint de chair, mais non chargée d'obésité, portant sur la main droite un coq et de l'autre un bâton entouré d'un serpent, emblème de la vigilance et de la prudence».
C'est d'Hygée que nous vient notre mot hygiène. Si on prêtait de l'embonpoint à une telle femme au XIXe siècle, on peut présumer que cet état du corps était alors considéré comme un avantage et non comme une maladie. Ce que confirme le Littré, écrit à la même époque. Le premier sens du mot est «bon état du corps». Littré cite ensuite La Fontaine: Le loup donc l'aborde humblement, (un dogue),
Entre en propos et lui fait compliment
Sur son embonpoint qu'il admire.»
À propos de l'obésité, mot auquel il ne consacre que deux lignes, contre quarante pour embonpoint, Littré se borne à préciser qu'il s'agit d'un «excès d'embonpoint pénible dans la vieillesse.»
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L'évaluation de l'obésité selon l'OMS
«Aujourd'hui, on évalue communément l'obésité et la surcharge pondérale au moyen de l'indice de masse corporelle (IMC, kg/m2), qui est fortement corrélé à la teneur du corps en graisses. Les critères de l'OMS définissent la surcharge pondérale (embonpoint, overweight) comme un IMC égal ou supérieur à 25 kg/m2 et l'obésité comme un IMC égal ou supérieur à 30 kg/m2 (OMS, 2000). Ces critères constituent des repères pour mesurer la surcharge pondérale et l'obésité mais les risques de maladies au sein d'une population augmentent progressivement à partir d'un IMC de 20 à 22 kg/m2.
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L'IMC augmente généralement avec l'âge pour atteindre son maximum chez les sujets d'âge mûr et les personnes âgées, qui sont les plus exposés aux complications. Cette augmentation correspond à une consommation accrue de sucres libres et de graisses saturées, conjuguées avec une activité physique réduite.
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De nombreuses études rendent compte de la prévalence de l'obésité et de la surcharge pondérale en utilisant les critères de l'OMS pour une taille et un poids mesurés, ce qui est la définition ayant notre préférence. Cependant, tout un éventail d'autres définitions sont également employées dans les profils par pays, reflétant les données recueillies au niveau de ces pays.
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L'obésité est maintenant reconnue comme une véritable maladie, en grande partie évitable par des modifications du mode de vie, notamment de l'alimentation. L'obésité est un déterminant majeur de nombreuses maladies non transmissibles et peut être cause de diabète (type 2 : non insulinodépendant), de cardiopathies coronariennes et d'attaque. Elle augmente le risque de plusieurs types de cancer, de maladies de la vésicule biliaire, de troubles squeletto-musculaires et de problèmes respiratoires. Ces complications étant particulièrement fréquentes chez les personnes dont la circonférence abdominale est élevée, les experts réunis à la consultation ont recommandé que cette mesure soit utilisée comme indicateur supplémentaire pour déterminer le risque de maladies non transmissibles.»
D'après l'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ. Voir: «Obésité et surcharge pondérale» et «L'épidémie d'obésité expose des millions de personnes à d'autres maladies»
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Situation internationale
«Il existe d'importantes variations de la prévalence de l'obésité entre pays européens. La prévalence de l'obésité dans les différents centres européens de l'étude MONICA (1983-86) est d'environ 15 % chez les hommes et plus de 20 % chez les femmes dans la tranche d'âge 35-64 ans (Seidell, 1997). La prévalence de l'obésité la plus basse était retrouvée à Göteborg en Suède (hommes : 7 %, femmes 9 %), la plus élevée en Lituanie (hommes : 20 %, femmes : 45 %). Ces valeurs sont à comparer à celles, nettement plus élevées, observées aux Etats-Unis dans l'enquête NHANES III (1988-94) : 19,7 % d’obèses chez les hommes et 24,7 % chez les femmes entre 20 et 74 ans (Flegal et al., 1998). Pour le Canada, la prévalence de l'obésité est estimée à 13 % chez les hommes et 14 % chez les femmes (1986-92, 18-74 ans).
Au cours des 10 à 15 dernières années, l’obésité a augmenté d’environ 10 à 40 % dans la majorité des pays européens. L'évolution la plus préoccupante est celle constatée en Angleterre, puisque entre 1980 et 1995, la prévalence de l’obésité (IMC >/30) y a été multipliée par 2, passant de 6 à 15 % chez les hommes et de 8 à 16,5 % chez les femmes. Aux États-Unis, entre 1978 et 1991, la prévalence est passée de 12 à 19,7 % chez les hommes et de 14,8 à 24,7 % chez les femmes (WHO, 1998).»
GOUVERNEMENT FRANÇAIS, «Rapport pour une politique nutritionnelle de santé publique en France».
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La malnutrition, principale cause du surpoids, se présente désormais sous deux formes: l'insuffisance de l'essentiel et la surabondance du quelconque. Selon une étude récente de l'OMS, il y a désormais autant d'humains (1,1 milliard) qui souffrent de la seconde forme, accompagnée d'embonpoint et d'obésité, que de la première. L'obésité, syndrome universel, est aussi le symbole de la mondialisation. Exemple typique: les Micronésiens, vivant sous protectorat américain, sont devenus obèses à 85% à force de se gaver de croupions de dinde, interdits aux États-Unis.
Pour en savoir plus sur l'obésité dans le monde: Atlantic Monthly, juin 2001.