Économie de services

Enjeux

Une autre façon d'être réellement éco-créatif est de cesser de concevoir les produits comme des «objets» pour les considérer comme des «services», c'est-à-dire réinventer le commerce. Ainsi, pour matérialiser le concept de «produits de services» mis de l'avant par McDonough et Braungart, Interface a mis sur pied le bail Evergreen. Qui tient vraiment à être propriétaire de fibres, de polyuréthane, de colles, de produits chimiques, etc.? Alors plutôt que de vendre ses carreaux de tapis, Interface offre d'en louer les services au propriétaire de l'immeuble. Le client ne paie pas pour les coûts d'installation et d'entretien, mais il paie un loyer mensuel pour les «services» et les «qualités» qu'il souhaite obtenir de son tapis: couleur, texture, chaleur, beauté, qualité acoustique, flexibilité, confort, propreté, sécurité et meilleure qualité de l'air intérieur. Interface fournit tous ces avantages accompagnés d'une garantie de satisfaction totale, mais reste propriétaire du tapis. Le bail stipule notamment que, à mesure que les carreaux arrivent à la fin de leur cycle de vie utile et sont remplacés, ils sont récupérés, décomposés et transformés en matière première pour fabriquer de nouveaux carreaux de tapis.

Autre exemple, au lieu de vendre des pesticides, un fabricant de produits chimiques pourrait plutôt vendre de «l’intelligence»... Les fermiers et les industries agricoles paieraient les manufacturiers de pesticides pour protéger leurs récoltes des rongeurs plutôt que pour acheter des produits chimiques dangereux qu’ils peuvent utiliser à leur discrétion. Cela reviendrait à acheter une assurance-récolte. Le manufacturier serait incité à utiliser moins de pesticides pour éviter de gaspiller des matériaux. De plus, puisqu’il serait responsable des matières dangereuses, le manufacturier serait encouragé à inventer des produits moins dangereux pour se débarasser des animaux nuisibles. Les fermiers ne sont pas intéressés à manipuler des produits chimiques dangereux; ils sont intéresser à cultiver. Les manufacturiers de produits chimiques ne sont pas intéressées à contaminer le sol, l’air et l’eau; ils sont intéressés à faire de l’argent...

Les avantages de la généralisation d’un tel système sont doubles: on élimine la création de déchets potentiellement dangereux, comme ce peut être le cas chez un manufacturier pourtant «éco-efficient», et des milliards de dollars de matériaux de valeur sont sauvés et réutilisés par les manufacturiers. Dans certains pays, comme l’Allemagne, les manufacturiers demeurent légalement propriétaires de leurs produits (par exemple les contenants de boissons gazeuses) et sont responsables d’en disposer à la fin de leur vie utile. Belle motivation pour les rendre parfaitement recyclables ou réutilisables!

Le monde des affaires serait plus profitable en offrant de meilleures solutions plutôt qu’en vendant plus de marchandises. Ainsi, l’adoption d’une économie de services réduirait considérablement la volatilité de l’économie à l’échelle mondiale. Présentement, les manufacturiers font souvent face à la famine parce que les décisions d’achats des individus et des entreprises sont extrêmement sensibles à la fluctuation de leurs revenus. Mais dans une économie basée sur le flux continu des services, ces variations seraient considérablement réduites, apportant une stabilité bienvenue dans le domaine des affaires. Les surplus d’inventaires - autre forme de gaspillage et autre source de risques - n’auraient plus besoin d’être maintenus pour faire face à un accroissement momentané de la demande. Dans le modèle de l’économie de services, un manufacturier croît et s’enrichit en utilisant moins de matériel et devient plus fort en demeurant plus petit et plus stable.

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