Qu'est-ce que le cancer
Au fur et à mesure que l'on s'élève de la définition courante du cancer vers sa définition microscopique les raisons justifiant un test précoce et un traitement deviennent plus confuses.
La définition courante
Commençons par le dictionnaire. Le mien précise : « Cancer: cellule maligne à la croissance possiblement illimitée qui envahit les tissus adjacents et se propage à distance par métastase. » Le terme malin signifie « tendance à s'infiltrer, à métastaser et à être fatal ». Métastase se réfère à la propriété qu'a la maladie de se propager à distance, la plupart du temps dans un autre organe que celui où est d'abord apparu le cancer. Mon dictionnaire médical est un peu plus frugal, définissant le cancer comme «une tumeur cellulaire dont l'évolution spontanée est fatale ».
C'est ainsi que la plupart d'entre nous perçoivent le cancer : il est mauvais, il grossit sans cesse (invasion locale), il apparaît n'importe où (métastases), il se répand partout dans le corps et il finit par faire mourir. Quand on définit le cancer de cette manière, il est logique de vouloir le rechercher et le traiter.
Les médecins diagnostiquent la plupart des cancers avant que les gens n'en meurent, et la plupart du temps le diagnostic survient avant que les métastases ne se produisent. C'est dire que le diagnostic peut être posé sans que les critères des métastases et du décès soient présents. Il faut donc faire appel à une autre définition du cancer : la définition microscopique.
La définition microscopique
Le diagnostic de cancer est posé par les pathologistes, des médecins spécialisés dans l'étude au microscope des cellules des organes. Quand un médecin soupçonne la présence d'un cancer chez un patient, il prélève un petit morceau de l'organe (biopsie) qu'il expédie au laboratoire où un pathologiste l'examine au microscope après en avoir tiré des tranches très minces.
La définition microscopique d'un cancer dépend de l'apparence des cellules du spécimen examiné. Moins elles ressemblent aux cellules habituelles de l'organe, plus grande est la probabilité qu'elles soient cancéreuses. Plus les cellules sont de forme et de taille variées, plus grandes sont les chances qu'elles soient cancéreuses. Et plus les cellules de l'échantillon sont nombreuses à se diviser, plus il est vraisemblable qu'elles sont cancéreuses.
Le diagnostic microscopique dépend aussi de l'architecture des cellules du spécimen. Les tumeurs nettement séparées des tissus environnants ne sont habituellement pas cancéreuses, alors que celles qui envahissent les tissus adjacents ou les vaisseaux sanguins sont probablement cancéreuses.
Mais encore ! Qu'est-ce que le cancer ? Est-ce la maladie mortelle qui finit par tout envahir, ou bien l'anomalie repérée au microscope dans un agrégat de cellules ? Vous me direz, en toute logique : « Quelle différence ? Les gens présentant une anomalie microscopique sont à risque de souffrir de la maladie si on ne les traite pas. » En fait, cette assertion est parfois correcte, parfois fausse.
L'évolution spontanée d'un cancer non traité, ce que les épidémiologistes appellent son histoire naturelle, est très variable. Le cancer est une entité dynamique pouvant évoluer de plusieurs manières. On peut reconstituer cette évolution à travers plusieurs étapes, la première étant une cellule dont le matériel génétique est endommagé. Le passage d'une étape à l'autre survient à des vitesses variables et peut même être enrayé par le système immunitaire du corps. Ainsi, ce que le pathologiste qualifie de cancéreux comprend en fait une grande variété d'entités qui peuvent évoluer de plusieurs manières. Certaines grossiront rapidement, d'autres très lentement, tandis que certaines disparaîtront. Cette diversité de l'évolution naturelle du cancer explique une grande partie des problèmes discutés dans ce livre : pourquoi les tests ratent-ils certains cancers ? pourquoi dire de certains cancers qu'il serait préférable de ne pas les connaître ? pourquoi est-il si difficile d'identifier la personne qui souffre d'un début de cancer ? pourquoi les statistiques du cancer sont-elles si trompeuses ?