Le devoir
Devoir! mot grand et sublime, toi qui n'as rien d'agréable ni de flatteur, toi qui commandes la soumission, sans pourtant employer pour ébranler la volonté des menaces propres à exciter la terreur, mais simplement en te proposant comme une loi qui d'elle-même s'introduit dans l'âme et la force au respect (sinon toujours à l'obéissance), et devant laquelle se taisent tous les penchants, quoiqu'ils travaillent sourdement contre elle : quelle origine est digne de toi? Où trouver la racine de ta noble lige?... Elle ne peut être que la personnalité, c'est-à-dire la liberté.
Cette idée de la personnalité qui excite notre respect et qui nous révèle la sublimité de notre nature, en même temps qu'elle nous fait remarquer combien nous nous en éloignons dans notre conduite, cette idée est naturelle à la raison commune, qui la saisit aisément.
Y a-t-il un homme tant soit peu honnête à qui il ne soit quelquefois arrivé de renoncer à un mensonge par lequel il pouvait se tirer d'un mauvais pas uniquement pour ne pas se rendre méprisable à ses yeux? L'honnête homme frappé par un grand malheur qu'il aurait pu éviter s'il avait manqué à son devoir n'est-il pas soutenu par la conscience d'avoir maintenu et respecté en sa personne la dignité humaine, de n'avoir pas à rougir de lui-même et de pouvoir s'examiner sans crainte?