La loi 27 provoque l'indignation de Claude Béland
Claude Béland réclame des mesures de protection contre de nouvelles dispositions fédérales
2. P.L. 27 sur l'économie sociale
Le Courrier parlementaire©, le jeudi 23 mai 2013
C’est un véritable cri du cœur que l’ex-président du Mouvement Desjardins a lancé hier en fin d’avant-midi, devant la Commission de l’aménagement du territoire. Claude Béland s’est insurgé contre des dispositions nouvellement adoptées par le parlement d’Ottawa sur les coopératives fédérales et qui, une fois en vigueur, vont «changer les lois coopératives canadiennes», explique-t-il.
«On renie la caractéristique des propriétaires usagers. On peut être investisseur dans une coopérative sans être membre, et on crée une classe d’actions ou les investisseurs votent selon le capital investi», dit-il. «Moi je crains que même au Québec pour les coopératives de services financiers, dans l’ouest de Montréal, il y a bien des caisses qui vont être tentées de passer sous juridiction fédérale».
Au député caquiste, André Spénard, qui cherchait plus d’explications, M. Béland, a raconté qu’il suffira aux gestionnaires de n’importe quelle coopérative de service financier opérant au Québec de «remplir un formulaire» et «faire une assemblée générale» pour passer sous juridiction fédérale et profiter de la nouvelle loi des «coopératives fédérales». Elle «permet de créer une section où quelqu’un n’a pas besoin d’être un usager, un client, mais il est un investisseur et pour ça on lui donne des actions».
Le loup dans la bergerie
Et cette catégorie d’investisseurs dispose du «pouvoir d’élire 20 % des administrateurs». Il explique que cette démarche comporte des «péchés coopératifs». C’est d’inclure des propriétaires investisseurs dans les coopératives à propriétaires usagers. Dans les coopératives, ce ne devrait pas être le capital qui devrait voter, maintient M. Béland. «On vient de faire entrer le loup dans la bergerie. La cupidité va jouer. Et là, on est dans une pente dangereuse», prévient-il.
«Votre dernière intervention me préoccupe vivement», a répliqué la députée de Québec solidaire, Françoise David, qui ne targuait pas d’admiration pour son interlocuteur. «Moi j’ignorais tout de cette volonté fédérale d’agir ainsi dans le monde coopératif», a-t-elle reconnu.
Un gardien des valeurs
Pour contrer cette initiative, M. Béland réclame que la loi-cadre du ministre Sylvain Gaudreault, le P.L. 27 sur l’économie sociale, «soit une espèce de gardien des valeurs de la coopération, qu’elle identifie ce qu’est une entreprise d’économie sociale». Les députés avaient déroulé le tapis rouge pour accueillir le vétéran du mouvement coopératif qu’ils ont qualifié de «sage». «Vous avez beaucoup à nous apprendre», a constaté le ministre Sylvain Gaudreault, auteur du projet de loi.
L’homme de 81 ans, toujours aussi passionné, dit oui au projet de loi actuel du gouvernement Marois, «en autant qu’on puisse savoir par cette loi que l’économie sociale, c’est les entreprises d’une économie du bien-être collectif». En d’autres mots, il souhaite la mise sur pied d’une «appellation contrôlée» de la coopération. Ce ne sont pas toutes les entreprises qui devraient pouvoir se revendiquer du mouvement coopératif. Dans une entreprise de l’économie libérale, «c’est une piastre un vote», dans une entreprise coopérative, «c’est une personne un vote», rappelle-t-il.
Il demande aux parlementaires de se méfier du «corporatisme» de ceux qui veulent se protéger contre la formation de nouvelles coopératives qu’ils voient comme des concurrents. «Moi ce qui m’intéresse c’est la démocratie. Puis, laisser les gens innover un peu!», lance-t-il.