La situation au Québec
Selon cet observateur étranger, pourtant attaché au Québec français, les enfants de la loi l01 ne manifestent pas dans leurs attitudes la mêmes détermination que dans leurs lois linguistes; il subsiste un décalage entre la fierté dont ils font preuve en tant qu'électeurs et celle dont ils font preuve dans la vie quotidienne, quand vient le temps de s'affirmer en tant que francophones. Quel serait le résultat moyen des Québécois au test de fierté linguistique qu'un des leurs a imaginé?
Dans les apparences, le Montréal de 1995 ne ressemble pas beaucoup à celui des années 50. L'affichage extérieur est devenu exclusivement français. À Montréal, on peut s'adresser à quiconque en français, que l'on soit dans les quartiers de Westmount, de Homestead ou d'Outremont, et obtenir une réponse dans la même langue. Les entreprises québécoises semblent être, dans une large mesure, dirigées enfin par des francophones. Les immigrés, quelle que soit leur provenance, sont dans l'obligation d'envoyer leurs enfants dans les écoles de langue française. Toutefois, la résistance à l'assimilation de certains nouveaux arrivants dans la communauté francophone est considérable. Après de nombreuses années passées à Montréal et bien qu'ils y aient appris le français, beaucoup de commerçants invitent leur clientèle à leur parler en anglais. L'immigrant moyen allophone rêve de l'Amérique. Ceux qui ne peuvent obtenir une "carte verte" aux États-Unis finissent par se rabattre sur le Canada. Pour eux, le Canada est un substitut des États-Unis. On doit bien sûr y parler anglais. Ainsi, ils se sentiront citoyens du continent et leurs enfants pourront s'y déplacer librement quand ils en feront le choix. Montréal n'est considéré que comme une étape, un choix temporaire, faute d'avoir pu émigrer aux États-Unis. Devenir «Américains" est leur idéal déclaré. Les déclarations qu'ils font lors des entretiens qu'ils ont avec les autorités d'immigration québécoises, qui doublent celles d'Ottawa pour l'immigration au Québec, sont inspirées par la nécessité du moment et n'ont strictement aucune valeur. La majorité des étudiants étrangers qui viennent au Québec s'inscrivent à l'université McGill ou Concordia, deux universités de langue anglaise qui sont largement subventionnées par la recette publique de la province de Québec aux dépens des établissements francophones.
L'anglais n'est plus la langue maternelle exclusive des patrons mais les Québécois n'ont pas encore pu vraiment s'en affranchir dans le monde du travail. Celui qui parcourt La Presse du Samedi s'aperçoit vite que presque 100 % des offres d'emploi pour les cadres et les ingénieurs nécessitent un "anglais courant" sans pour autant impliquer des déplacements en dehors de la province. Un ami français informaticien qui travaille dans le nord de l'État de New York me confie:
« Lorsque nous visitons Montréal en compagnie d'amis américains, nous avons presque l'impression de ne pas avoir quitté les ÉtatsUnis. Tout le monde s'adresse à nous en anglais, dans les cafés, les restaurants et les magasins, et cela, dès que l'on nous entend parler anglais. Si ce n'était pour l'affichage, il serait difficile de croire que nous sommes dans la ville francophone la plus peuplée au monde après Paris 1. Récemment, j'ai visité les bureaux d'une SSCI (société de service et de conseil en informatique) québécoise en compagnie de collègues américains informaticiens qui parlent un peu de français. Tout le personnel de la société était francophone du président jusqu'au personnel de service. Pourtant, toutes les présentations auxquelles nous avons assisté étaient en anglais. Lorsque je posais une question en français, on me répondait immanquablement en anglais. Pour un peu, ils se seraient excusés d'être francophones et d'avoir un accent lorsqu'ils nous parlaient en anglais ! »
De toute évidence, ce comportement est typiquement québécois et n'est pas caractéristique des autres représentants de la Francophonie. Comment peut-on expliquer que les Québécois francophones soient aussi hésitants et timorés lorsque la possibilité d'utiliser leur propre langue, avec leurs partenaires anglophones qui parlent aussi le français, leur est offerte ? D'où provient ce terrible complexe d'infériorité ? Le fait que les francophones n'ont jamais eu l'appareil politique leur donnant complète autorité sur le développement de leur propre société nous interdit de faire un jugement sommaire sur ce dernier point.
Le gouvernement québécois estime entre 600 000 et 1 million le nombre de Canadiens français retraités ayant une résidence permanente en Floride. Cette communauté est particulièrement concentrée dans la zone de Miami - Fort Lauderdale - Palm Beach. Un journal de langue française : "Le soleil de la Floride" existe, mais une présence aussi importante de la communauté francophone justifierait facilement une station de radio et une chaîne de télévision qui n'existent pas, car elles n'ont jamais fait l'objet de demandes quelconques aux autorités américaines. Malgré leur nombre, les francophones canadiens habitant la Floride demeurent quasiment invisibles.