L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde
La culture médicale est la première condition de l'autonomie des personnes face à un marché de la santé où près de 500 thérapies douces se sont ajoutées à une médecine officielle offrant de son côté de plus en plus de services spécialisés. La culture médicale est aussi une condition de la survie des systèmes publics de soins de santé. L'heure est en effet venue de faire des choix difficiles entre les traitements que l'on pourra continuer d'offrir gratuitement et ceux qui seront, en totalité ou en partie, à la charge des citoyens. À défaut d'une solide culture médicale commune, jamais le consensus serein souhaitable ne sera possible. Faute d'avoir pu participer au débat, les gens ne comprendront pas que si certaines portes se ferment devant eux, c'est pour que d'autres, plus importantes, restent ouvertes. La grogne, universelle, deviendra une cause supplémentaire de maladie. L'état actuel de l'opinion publique nous oblige à penser qu'il en sera ainsi.
Mon point de départ sera cette définition de René Leriche : «la santé c’est la vie dans le silence des organes.» Silence du corps! Aussi bien dire que la santé c’est l’oubli de la santé. L'image éternelle de la santé c'est l'enfant qui court vers la mer sans se demander si son coeur peut supporter un tel effort, et qui s'arrête spontanément quand il a atteint sa limite. L'organe sain disparaît dans un ensemble qui lui-même se fait oublier au profit d'un projet qui le dépasse. L'oubli de la santé peut même aller jusqu'à son sacrifice: Michel-Ange peignant le plafond de la Chapelle Sixtine dans une position inconfortable et des conditions insalubres.
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Le silence du corps est la voix de son harmonie, cette harmonie qui est au cœur de la conception grecque de la santé, harmonie entre les organes, harmonie aussi entre les trois parties de l’âme selon Platon : le ventre (les instincts), le cœur(l’affectivité) et la tête (l’intelligence). Il me semble plus approprié aujourd’hui d’aborder la question de l’harmonie sous l’angle de l’autonomie. Pourquoi? Parce que l’autonomie est la définition de la vie, laquelle est menacée par cette chose hétéronome appelée machine. Les sciences de la vie et les sciences humaines nous ont aussi, au cours du dernier siècle, appris bien des choses sur les conditions de l’harmonie entre les principales dimensions de la personne : biologique, culturelle, rationnelle, spirituelle. La biologie moléculaire elle-même a révélé l’existence d’une forme d’autonomie appelée auto-organisation.
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« L’homme dégénéré, disait Nietzsche, est celui qui ne sait pas distinguer ce qui lui fait du mal ». Mais comment cultiver en nous-mêmes cette faculté mystérieuse, proche de l'instinct, par laquelle nous distinguons spontanément ce qui nous fait du bien de ce qui nous fait du mal? Ce que les sciences humaines nous ont appris sur les cultures primitives nous autorise à présumer que l’immersion dans la vie du paysage extérieur favorise la symbiose avec le paysage intérieur.
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Spiritualité
Les hommes ont d'abord vécu sur la terre, ils ont ensuite vécu de la terre, l'heure est venue pour eux de vivre avec la terre », a dit Raimon Panikkar. Dans le même esprit, Gustave Thibon a écrit : :«La rupture entre l’homme et la terre, c’est aussi la rupture entre l’homme et lui-même. Et, corrélativement, la rupture entre l’homme et sa source divine. À l’image de la plante qui se nourrit à la fois de l’humus par ses racines et de la lumière par la fonction chlorophyllienne.»
Anthropologie médicale
Prenons l'exemple du regard anthropologique. Le mot anthropologie peut avoir un effet intimidant sur bien des gens. On peut le mettre entre parenthèses et faire de l'anthropologie médicale comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Ce que le regard anthropologique nous apprend essentiellement, c'est qu'en médecine, les symboles ont une efficacité souvent plus grande que les substances médicamenteuses ou les actes chirurgicaux. Par symboles, il faut entendre aussi bien les éléments décoratifs d'une chambre de malade, les paroles et les gestes du thérapeute, le thérapeute lui-même, le sucre dans lequel on enrobe les pilules. L'ensemble de ces éléments joue un rôle déterminant dans ce qu'on appelle le placebo.
Le placebo! Voilà un bel exemple d'une notion qui fait partie de la culture médicale fondamentale. La personne qui sait ce qu’est un placebo comprendra ensuite plus facilement les notions d'efficacité et d'efficience qui sont au cœur de l'épidémiologie. Quand en entrant dans une chambre d'hôpital je porte mes lunettes anthropologiques, je suis terrifié. Qu'est-ce que je vois en effet: des tubes, des pompes et des fils qui sont l'extériorisation, objectivée et mécanisée, du système circulatoire, du système nerveux et du système respiratoire. J'ai toujours été persuadé que ces symboles avaient une redoutable contre-efficacité, dont on a compris la gravité seulement dans le cas des salles d'accouchement qui ont été progressivement remplacées par des chambres chaleureuses. Voilà comment on peut être conduit par le regard anthropologique vers l'idée que l'architecture des établissements de santé est un facteur qu'on a tort de négliger.
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Maladie
Les maladies ont une histoire à l'échelle de l'espèce et une autre à l'échelle de l'individu que les épidémiologistes appellent histoire naturelle.
À l'échelle de l'espèce de l'humanité, les maladies varient dans le temps et dans l'espace, bénignes pour les Européens, malignes pour les Amérindiens, faibles un jour dans un pays, fortes plus tard dans le même pays. Elles vont et viennent au gré de mille facteurs dont la médecine n'est pas toujours le plus important. Dans nos contrées, par exemple, le cancer d'estomac était très fréquent au début du siècle. Il ne l'est plus aujourd'hui. Pourquoi? A cause des réfrigérateurs, disent les voix les plus autorisées.
L'histoire de la tuberculose racontée par René Dubos est encore plus instructive. Parmi les nombreux triomphes dont la médecine s'était enorgueillie, il y avait eu notamment l'élimination de la tuberculose. En 1845, on comptait chaque année 500 morts par tuberculose pour 100 000 habitants dans le monde occidental. Aujourd'hui, on n'en compte plus que deux. Le progrès a été en effet extraordinaire et, certes, on peut être tenté de l'attribuer à la découverte du bacille de Koch en 1890, puis à la vaccination par le BCG et enfin aux antibiotiques spécifiques comme la streptomycine, mise au point aux cours des années mil neuf cent cinquante. «Mais la vérité vraie, selon Dubos, c'est que la mortalité par tuberculose avait commencé à diminuer un peu après 1845 - sans qu'aucun progrès thérapeutique n'ait pourtant été effectué - et que de 1845 à 1890 cette régression était aussi régulière qu'après 1890. Ces données sont aujourd'hui très généralement admises et l'on attribue à un ensemble de transformations sociales au XIXe siècle le fait que les personnes n'étaient plus aussi susceptibles de développer une tuberculose, même en rencontrant le bacille responsable».
Ouvrage savant que devraient consulter tous les professionnels de la santé et tous les journalistes spécialisés dans ce domaine.
L'auteur de ce dictionnaire, le docteur Pierre Biron, se présente ainsi : «Professeur et chercheur en pharmacologie fondamentale et clinique à la faculté de médecine de l’Université de Montréal durant trois décennies et depuis la retraite, observateur indépendant de la médicalisation et la médicamentation de la société, de l’influence nocive des industries de la santé sur le savoir médical, les pratiques de prescription et les politiques du médicament.»
Ce site est inclassable. C'est un dictionnaire, certes, et plutôt deux fois qu'une, un dictionnaire anglais-français et un dictionnaire médico-phamaceutique, mais c'est aussi un complément critique au vade- mecum médical et un manuel d'initiation à la méthodologie en pharmacovigilance et pharmacologie clinique.
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« Un monde médico-hospitalier et pharmaceutique laxiste ou âpre au gain saperont un des systèmes de santé les plus performants qui soient [i.e. un régime public] s’il n’est pas mis fin à leurs dérives. La relation soignant-patient atteint un tel degré de sophistication technologique et mobilise de tels budgets que l’État doit s’y impliquer de plus en plus[42.] »
résister à la tentation de commencer en Grèce ce voyage à destination de la santé?
Asclépios et ses filles appartiennent à la lignée d'Apollon, dieu de l'intelligence rationnelle, qui préfigure déjà la science telle qu'on la concevra un jour en Occident. Il y avait toutefois en Grèce une autre lignée de thérapeutes, celle d'Hermès, dieu de la communication, de l'intelligence intuitive, maître des rapports complexes entre une âme remplie de mystères et un corps étonnamment sensible aux mouvements de cette âme.
Gardons-nous cependant de réduire ces symboles à des concepts utilitaires semblables à ceux auxquels les planificateurs d'aujourd'hui ont recours. L'intérêt des mythes tient à leur aspect fantaisiste, au flou qui les entoure. Selon certaines sources, par exemple, Panacée est la fille et non la soeur d'Hygée, ce qui marque une antériorité de la prévention par rapport aux traitements. A travers ce flou, on peut tout de même entrevoir la recherche de l'équilibre qui caractérisera l'univers grec de la santé. Équilibre entre Hygée et Panacée, entre Apollon et Hermès, bien sûr, mais aussi entre un interventionnisme démesuré, dont on voit beaucoup d'exemples dans les pays riches d'aujourd'hui, et une résignation excessive dont une certaine Inde ne s'est jamais départie.
C'est au souci qu'ils auront de cet équilibre que l'on reconnaîtra à travers l'histoire les grands artisans de la santé: Hippocrate, Pasteur, Florence Nightingale, Virchow, Dubos et tant d'autres que nous retrouverons tout au long de cette route.
« Le médecin qui se double d'un sage est l'égal des dieux. » Corpus hippocratique
Hippocrate, Galien, Ambroise Paré...Jenner, Pasteur, Claude Bernard, Virchow, Koch, Semmelweis ...Jacques Genest... On trouvera des textes sur ces grands maîtres du passé dans la section Culture médicale.
Pierre est l'auteur de l'Alter dictionnaire médico-pharmaceutique bilingue.
Cheminement en trois étapes.
On peut classer les types de guérisons d'après deux principes. Dans le premier, on distingue les guérisons spontanées, de soi par soi, et de soi par autrui, et dans ce dernier groupe les guérisons rationnelles et les guérisons charismatiques. D'après l'autre principe, il faut faire une distinction entre les guérisons ordinaires, qui entrent dans le cadre de ce que la pratique médicale a démontré comme étant généralement guérissable, et les guérisons extraordinaires qui sortent de ce cadre.
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Guérisons paradoxales
Certaines maladies qui, selon les critères de la médecine scientifique sont considérées comme incurables, peuvent parfois être l'objet d'une guérison inattendue et mystérieuse. On peut répartir ces cas en deux groupes: les guérisons spontanées et les guérisons provoquées par l'intervention d'un thérapeute.
Le célèbre chirurgien Ferdinand Sauerbruch(10)publia en 1922 un article retentissant sur la guérison spontanée de cancers graves et avancés. Outre un certain nombre de cas tirés de la littérature, il rapportait trois observations personnelles. Depuis lors, bien d'autres exemples de telles guérisons ont été publiés dans la littérature scientifique. Dans la plupart des cas, on ne trouve aucune explication à la guérison spontanée. On est obligé d'admettre qu'il existerait à l'état virtuel des mécanismes de guérison inconnus qui, chez un petit nombre de malades, peuvent être activés accidentellement. Malheureusement, dans beaucoup de ces observations, le rôle joué par le psychisme du malade n'a pas été pris en considération. Jusqu'ici, on ne peut distinguer aucune règle précise. La pratique médicale montre que la volonté de vivre échoue souvent, tandis que des malades qui s'abandonnent guérissent contre tout espoir.
Le second groupe de guérisons paradoxales est celui où la guérison est provoquée par l'intervention d'un guérisseur charismatique. On les appelle communément des miracles. Ici le facteur psychique joue un rôle essentiel. Souvent l'agent thérapeutique n'est pas un individu mais une communauté ou un lieu de pèlerinage. Il en était ainsi autrefois dans le monde gréco-romain, dans les temples d'Esculape, dieu de la médecine, et aujourd'hui cela reste vrai pour certains sanctuaires dont Lourdes est le plus célèbre.
Voici vingt ans, j'ai publié un ouvrage intitulé Némésis médicale. Il s'ouvrait sur cette phrase: «L'entreprise médicale est devenue un danger majeur pour la santé». À l'époque, cette formulation était puissamment chargée de sens. La lirais-je chez un auteur d'aujourd'hui que je riposterais: «Et puis après ?» En effet, le danger majeur ne réside plus dans l'entreprise médicale, mais dans la quête de la santé.
Dans la discussion universelle actuelle sur les systèmes de santé, deux mots reviennent très fréquemment: «santé» et «responsabilité». Ces termes entrent dans deux types de discours. D'un côté, les soins de santé sont considérés comme une responsabilité incombant à l'État, aux professionnels ou aux gestionnaires; de l'autre, on estime que chacun doit être responsable de sa santé. «Prendre en main la responsabilité de sa santé», tel est actuellement le slogan qui a la préférence, et est en passe d'être annexé par le sens commun. Le fait que je parle au Québec, dans une communauté politique qui s'efforce de distancier ses principes directeurs des modes internationales, m'encourage à critiquer ces positions. Voilà pourquoi je veux argumenter le bien-fondé d'opposer un «NON!» catégorique à l'idée de rendre publiquement les citoyens comptables de leur santé. Et aujourd'hui, en 1994, je suis loin d'être le seul à adopter cette attitude.
En ce domaine, la preuve décisive de l'action de Dubos n'est pas très difficile à apporter. Il suffit de faire un bref détour touristique pour la trouver. Il faut aller à Pocantico Hills. C'était la résidence d'été de «John Rockefeller the First», président fondateur de la Standard Oil et, en son temps, l'homme le plus riche du monde. C'est là que sont abritées aujourd'hui les archives de Rockefeller. L'endroit, situé près de New York, est admirable. On a dit que Dieu aurait voulu créer le monde sur ce modèle, mais qu'il n'avait malheureusement pas l'argent... des Rockefeller!
C'est dans ce bâtiment que l'on retrouve tous les documents ayant trait à l'activité de René Dubos pendant qu'il était au labeur à l'Institut Rockefeller pour la Recherche Médicale de New York, où il travailla de 1927 à sa mort, avec simplement deux années d'interruption, de 1942 à 1944, années durant lesquelles il se transporta à Harvard. Chacun peut, aujourd'hui, refaire le voyage de Pocantico Hills et demander qu'on lui permette de consulter un document du 5 janvier 1940, avec le numéro de série 312680 et que l'on peut retrouver dans la division 63.
Ce document, jamais publié, de l'histoire des sciences, est tout simplement le brevet déposé pour authentifier la découverte du premier antibiotique. Son exposé dans ce document, avec beaucoup de minutie, et l'art et la méthode générale de trouver d'autres antibiotiques. Qui sont annoncés. Ce brevet, très précisément, a été déposé par René Dubos lui-même et Rollin Hotchkiss, un chimiste de grand talent, qui, auprès de lui, avait assuré la purification du premier antibiotique, la gramicidine.
le citoyen d'aujourd'hui écoute, mi-ravi, mi-inquiet, les politiciens, les experts et les faiseurs d'opinion lui raconter que son bonheur, sa santé et sa fortune dépendent de telle ou telle réforme. Les grands dispositifs collectifs qui font marcher écoles et hôpitaux sont comme de belles machines qui accumuleraient les ratés si on ne les mettait pas continuellement au point et si on n'en changeait pas les pièces. D'ailleurs, dès que le débat public évoque la santé, on parle aussitôt d'un système et de sa nécessaire réforme. L'idée que nous sommes les rouages de systèmes, implacables par leur mécanique, déroutants par leur complexité, est tellement répandue qu'elle paraît une fatalité. «Ah le système!».
Que de fois ne lui avons-nous pas imputé la cause de notre impuissance à agir. Jadis, c'était soi-même, puis les mœurs qu'on appelait à la réforme. Ce fut contre l'Église de son siècle, rongée par la pourriture, que Luther entreprit sa Réforme. Avec l'arrivée des sociétés démocratiques et de l'État-providence, ce sera moins lui-même ou l'ordre moral que le réformateur cherchera à changer que les systèmes de services publics, dont les citoyens sont devenus les clients et les ayants droit. Mais la santé d'un système se mesure-t-elle à sa seule capacité de se réformer?
Les réformateurs de la santé ont généralement de vastes ambitions. Ils cherchent à réformer tout ensemble des institutions, des procédures, des règles, des pratiques, des attitudes et des valeurs. Ils ne distinguent pas toujours ce qui relève du système – soumis aux contraintes de l’efficacité – de ce qui appartient à l’ordre moral. Sous l’influence de la psychologie moderne qui a détrôné la morale traditionnelle, les vieilles vertus ont cessé de guider l’action des hommes. Il n’y a plus que des comportements, des attitudes, des manières de penser et d’agir posés, au nom du refus de tout jugement, comme équivalents, quitte à recourir au juge ou au comité d’éthique pour délimiter la frontière de la normalité.
L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]
Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité.
À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?
«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien
«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)
«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.
L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.
La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.
Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.
Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause.
En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.
Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.
« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche
«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque
Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique.
D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.
C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.
La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.
La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.
«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec
Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?
L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle.
Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?
Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]
Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]
Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.