Médecine et société - 4e partie
EXEMPLE MÉDICAL D’IMPROPRIÉTÉ
Devrait-on dire hypoglycémiant ou antidiabétique ?
Les hypoglycémiants oraux ne préviennent pas le diabète de type 2, ne le guérissent pas, ne préviennent pas les complications macrovasculaires (athéromatose des grosses artères : cerveau, cœur, tronc, membres) et préviennent de façon minuscule et incertaine les complications microvasculaires irréversibles (sclérose artériolaire : rétine, reins, bas des jambes et orteils). Ils préviennent l’hyperglycémie symptomatique (qui survient avant le coma diabétique).
Abaisser le sucre sanguin est un objectif intermédiaire et il ne faut pas laisser dans les mains des promoteurs le soin de déterminer quel niveau est « normal » car les firmes envisagent un marché pour les « pré-diabétiques », évidemment plus nombreux. L’alimentation, l’exercice et l’amélioration du statut socio-économique ont plus de chances de prévenir le diabète type 2 et partant, ses complications.
Voilà l’impropriété, l’emploi d’un mot dans un sens qu’il n’a pas, de les nommer « antidiabétiques » oraux. C’est aussi une forme de glissement sémantique utilisé à profusion pour tirer profit des ventes.
L’insuline dans le type 1 est essentielle, prolonge la vie en réduisant le risque de mortalité cardiovasculaire précoce (effet macrovasculaire) et de coma hyperglycémique (dit aussi coma diabétique), et réduit le risque microvasculaire. L’insuline est donc légitimement un « antidiabétique » agissant comme hormone de remplacement.
Son rôle dans le diabète type 2 résistant aux hypoglycémiants oraux est encore discuté et demande du doigté, particulièrement pour éviter les comas hypoglycémiques ; cette question revêt une importance pharmaco-économique dans les pays où elle est hors de prix pour la plupart des diabétiques. La source, la structure et le mode d’administration de la molécule en influencent la balance bienfaits/méfaits mais c’est surtout le modèle pharmaco-économique prévalent dans chaque pays qui influe significativement sur les prix.
Le coût moyen de fabrication est d’environ 5 $C par flacon mais au Canada on paie entre 35 et 50 $C et aux É.-U. l’équivalent de 380 $C. (Source : Colleen Fuller dont on lira avec profit le livre édifiant Diabetes Inc.). Aux É.-U. pour chaque 100 $C dépensé, au moins 47 vont au fabricants, 10 aux assureurs, 14 aux gestionnaires, 20 aux pharmacies et 8 aux grossistes (Van Nuys et coll., 2021). Au Canada les assureurs pharmaceutiques prennent à eux seuls environ 25% (MA Gagnon, M Low et d’autres).
DEVINEZ CE QU’EST LE KNOCKISME
Ce néologisme relève du domaine de l’anthropologie médicale et désigne une crédulité populaire concernant le surdiagnostic, le surpronostic et le surtraitement. On le doit à Aïach et Delanoë, L’ère de la médicalisation (Paris Anthropos 1998) inspirés de Knock, Le triomphe de la Médecine par Jules Romain, pièce de théâtre créée en décembre 1923 à Paris. L’auteur annonce prophétiquement le triomphe de la Médecine comme institution qui va bientôt s’imposer dans la société. Les américains diraient ‘Now Medicine Matters’. En incluant la Santé publique dans la Médecine, on voit ce qui est arrivé en pandémie covidienne.
CONNAISSEZ-VOUS LE PHARMISH ?
Une langue pharmaceutique poudre aux yeux- En anglais pharmish talk, pharma-speak.
« Dans un rapport publié en septembre 2015, le Corporate Europe Observatory (CEO) fait écho d’un argumentaire développé aux États-Unis par le TransAtlantic Consumer Dialogue (TACD), une organisation de consommateurs issue de la société civile qui dénonce la manière dont l’industrie pharmaceutique « capture, manipule et promeut une langue » habilement conçue pour orienter la compréhension des enjeux par le grand public...
Cette langue est à double fond :
a) où le terme « accès », par exemple, ne veut pas dire « accessible »
b) où « transparence » ne veut pas dire « transparent »
c) où « innovation » ne veut pas dire « nouveau »
d) où « accessibilité financière » ne veut pas dire « accessible financièrement »
Pour les rapporteurs mentionnés, l’industrie pharmaceutique serait ainsi parvenue avec brio à faire passer ses ambitions de profit pour des objectifs de santé publique (La Lettre du GRAS, Belgique, 2015).
Cette langue est aussi devenue celle de bien des acteurs dans le circuit du médicament, des dispositifs et de certains vaccins; et même celle des « associations de consommateurs » choyées par les firmes.