Vie
Qu'on vive, ô quelle délicate merveille,
Tant notre appareil est une fleur qui plie.
VERLAINE
Quand nous abordons le thème de la vie sans préjugés, nous ne pouvons manquer de faire cette constatation troublante: il n'y a rien de commun entre la vie que nous connaissons et celle que nous aimons. Les traités de biologie nous présentent des machines complexes dont le secret est dans les gènes. Les êtres vivants auxquels nous sommes attachés, hommes, animaux ou même plantes, sont des présences dont seul le mot âme évoque adéquatement le mystère.
Nous sommes vitalistes et finalistes dans nos rapports quotidiens avec les êtres vivants. Nous croyons qu'ils ont un principe vital appelé âme et que cette âme poursuit des fins qui lui sont propres. Aussitôt que nous nous éloignons de cette expérience subjective de la vie, pour l'étudier objectivement, nous adoptons le point de vue mécaniste et réducteur: la vie se démonte comme une machine et son mouvement s'explique par une énergie semblable à celle qui fait tourner les moteurs à explosion.
Nous commençons à connaître les gènes, mais saurons-nous jamais ce qu'est l'âme? Tant de cultures, tant de religions se sont disputé la vérité à son sujet! Comment ne pas conclure que le seul savoir solide, si partiel soit-il, est du côté des gènes et que de l'autre côté tout n'est qu'illusion ou croyances interchangeables?
C'est un raisonnement de ce genre, avoué ou inavoué, qui explique pourquoi dans les ouvrages contemporains de biologie on se borne à nous faire découvrir les rouages d'une machine appelée vie. Comme si on pouvait rendre compte ainsi de l'ensemble du phénomène de la vie! Le coeur est présenté comme une pompe. Vue sous l'angle de la respiration, chaque cellule apparaît comme un moteur à explosion miniature. Quant à la coordination de ces mécanismes, elle est assurée par un codage d'information qui rappelle à s'y méprendre les principes de l'ordinateur.