Psychologie
Voici un jugement porté sur la psychologie de 1900 par un éminent psychiatre allemand du début du vingtième siècle, le docteur Hans Prinzhorn. Ne s’applique-t-il pas mutatis mutandis à la psychologie de 2000… et de 2014 ?
« La psychologie régnante aux environs de 1900 était essentiellement orientée vers les faits psychiques, dans la mesure où ils peuvent être considérés indépendamment de la personne dans laquelle ils se déroulent. Attachée à des points de vue en partie physiques, en partie physiologiques qui rappellent ceux des sciences naturelles, elle a réalisé dans cette direction de très importants progrès. Mais cette psychologie d'école manquait de vrais psychologues, susceptibles d'apercevoir, à la place qui lui revient dans l'ensemble de la vie, l'objet propre de la psychologie : l'organisme animé, et d'étendre, à partir de cette image générale, l'investigation psychologique jusqu'à l'exemplaire isolé de l'humanité, à l'individu. L'homme, dans la psychologie de 1900, est le point de croisement anonyme de faits mécaniques, chimiques et biologiques, auxquels viennent s'adjoindre d'une façon logiquement inconcevable, d'autres faits, dits psychiques, qui, vraisemblablement, se déroulent aussi suivant des lois mécaniques — si on les analyse à fond . » (Leib-Seele Einheit,Potsdam : Müller & Kiepenheuer, 1927, p.35)
C’est là une psychologie en l’absence de l’homme, analogue à l’anthropologie en l’absence de l’homme, titre d'un livre du sociologue québécois Fernand Dumont. Dans ce livre justement, Dumont pose la question des fondements de la psychologie, ce qui l’amène à citer Georges Canguilhem:
«Et la question Qu'est-ce que la psychologie ?, dans la mesure où on interdit à la philosophie d'en chercher la réponse, devient : Où veulent en venir les psychologues en faisant ce qu'ils font ? Au nom de quoi se sont-ils institués psychologues ?... Pour sélectionner un sélectionneur, il faut normalement transcender le plan des procédés techniques de sélection. Dans l'immanence de la psychologie scientifique la question reste : qui a, non pas la compétence, mais la mission d'être psychologue ? La psychologie repose bien toujours sur un développement, mais ce n'est plus celui de la conscience, selon les faits et les normes que comporte l'idée de l'homme, c'est celui d'une masse de sujets et d'une élite corporative de spécialistes s'investissant eux-mêmes de leur propre mission »(L'anthropologie en l'absence de l'homme, PUF, Paris 1981, p 125)
(à suivre).