Chauveau Pierre-Joseph-Olivier

30 / 05 / 1820-04 / 04 / 1890
La famille est d’origine bordelaise. Fils de Pierre Chauveau et de Perrine N., Pierre, né en 1684, tonnelier, émigra au Canada encore jeune; le 22 août 1707, il épousa à Beauport Marie-Charlotte Lavallée, qui lui donna douze enfants, entre autres Charles et Claude. Le dernier, né à Charlesbourg en 1724, se maria à Québec, le 12 septembre 1747, à Catherine Filteau, qui fut mère de onze enfants. L’aîné Pierre, né en 1748, s’unit en 1774 à Marie-Anne Bellet dont le fils Pierre-Charles vit le jour le 12 juillet 1791.

Pierre-Charles épousa Marie-Louise Roy, qui donna naissance à Pierre-Joseph-Olivier, le 30 mai 1820. Orphelin dès le bas âge, l’enfant fut adopté par son oncle maternel, le juge Hamel. Il fit ses études au séminaire de Québec, de l’âge de neuf à seize ans, collabora au Canadien à dix-sept ans, étudia le droit au bureau de son oncle et le termina sous la direction de M. G. O’Kill Stuart. En 1841, il fut admis au barreau du Bas-Canada. Ayant débuté dans le journalisme en 1837-1838, il se fit le correspondant de M. Frédéric Gaillardet, directeur du Courrier des États-Unis.

Le 12 novembre 1844, M. Chauveau brigua les suffrages des électeurs de Québec; il fut élu à une forte majorité contre M. John Neilson. En 1848, il fut réélu par acclamation jusqu’en 1855. En 1849, il s’intéressa vivement à ses compatriotes exilés aux Bermudes. En 1851, M. Chauveau accepta le portefeuille de solliciteur-général dans le cabinet Hincks-Morin et le (laissa) en 1853 pour celui de secrétaire provincial, sous l’administration MacNab-Morin (1854-1855). La même année, on lui confia la charge de Surintendant de l’Instruction publique (qu’il assuma) jusqu’en 1867. En 1866, il fut envoyé en Europe dans le dessein d’étudier les divers systèmes d’éducation de la jeunesse en Angleterre, en France, en Belgique, en Allemagne, en Italie.

Au début de la Confédération, M. Chauveau reçut la mission de constituer le premier ministère de la Province de Québec : premier ministre, il s’attribua le portefeuille de secrétaire provincial, du 15 juillet 1867 au 27 février 1873, ayant été réélu au comté de Québec, le 27 août 1867, jusqu’au 25 février 1873. Il est alors promu sénateur et porté à la présidence jusqu’au 8 janvier 1874, date de sa démission en vue de se faire élire aux Communes dans le comté de Charlevoix; il fut battu par M. P. Tremblay et se retira de la politique.

M. Alexander Mackenzie le pria alors (d’être) membre de la Commission du havre de Québec, dont il devint président. En 1877, M. de Boucherville le nomma shérif du district de Montréal, fonction qu’il exerça jusqu’à sa mort. En 1878, quand l’Université Laval y établit une succursale, M. Chauveau fut invité à prendre la chaire d(e) droit romain, et il succéda, en 1885, à M. Cherrier en qualité de doyen. En 1882, à la fondation de la Société royale par le marquis de Lorne, il en devint membre, vice-président, puis président des deux sections. M. Chauveau mourut le 4 avril 1890.

Ses premières œuvres littéraires furent des poèmes satiriques publiés dans les journaux de Québec : Joies naïves, Donnacona, Sinite Parvulos, L’Insurrection, etc. Sa correspondance politique au Courrier des Etats-Unis eut un tel retentissement qu’elle lui ouvrit la carrière parlementaire. Mis à la tête de l’Instruction publique, il devint le véritable fondateur des Écoles normales, qu’il rattacha à son administration : Laval à Québec, Jacques Cartier et McGill à Montréal. En 1857 parut aux frais du gouvernement le Journal de l’Instruction publique, qu’il rédigea en personne jusqu’en 1878. Il collabora simultanément à L’Opinion publique, à la Revue européenne, à L’Avenir. Outre des discours de circonstances, il a publié : en 1853, Charles Guérin, roman de mœurs; en 1861, Relation du Prince de Galles en Amérique; en 1876, L’Instruction publique au Canada et L’Abbé Holmes; en 1877, Souvenirs et Légendes; en 1883, François-Xavier Garneau, sa vie et ses œuvres.

M. Chauveau était chevalier de Saint-Grégoire, commandeur de l’Ordre de Pie IX, officier de l’Instruction publique de France, membre correspondant de plusieurs sociétés savantes. Il avait épousé à Québec, en 1838, Flore Massé, qui fut mère de plusieurs enfants (…).

source: Louis Le Jeune, article "Pierre-Joseph-Olivier Chauveau" du Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, moeurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, vol. 1, p. 380-381


L'éloge d'un contemporain

Pierre-Jacques-Olivier Chauveau appartient à une ancienne et respectable famille française, dont l’établissement à Charlesbourg, près (de) Québec, remonte aux premiers temps de la colonie. Il est né dans la capitale même de la province, le 30 mai 1820. À neuf ans, on l’envoie au séminaire, où ses aptitudes littéraires sont bientôt remarquées. À seize ans, un élan de ferveur religieuse lui fait prendre le change sur sa vocation : il se croit destiné à la prêtrise et s’empresse de communiquer ses intentions au vénérable supérieur du séminaire, M. Demers. Celui-ci le trouve bien jeune et n’hésite pas à lui dire : « Allez-vous-en dans le monde, petit; on verra plus tard. » L’adolescent se livre alors avec passion à l’étude du droit, ce qui ne l’empêche pas de rimer à l’occasion et de rédiger, pour le Courrier des Etats-Unis, une correspondance politique. À vingt ans, il se marie; à vingt-quatre il conquiert un siège à la Chambre des députés, où il s’enrôle tout d’abord sous le drapeau des patriotes : on le voit combattre à côté des LaFontaine et des Viger, et se laisser ensuite entraîner par les « philippiques emportées » de Papineau, revenu de l’exil. Libéral et croyant tout ensemble, nature généreuse par excellence, avec cela chaleureux et brillant orateur, M. Chauveau est de ceux qui ne peuvent paraître en public sans attirer sur eux tous les regards. On reconnaît en lui un homme d’avenir; sa popularité grandit de jour en jour. Dès 1851, il est élevé au poste de solliciteur-général dans l’administration Hicks-Morin; en 1853, le porte-feuille de secrétaire provincial lui est confié. Il le conserve jusqu’en 1855, puis quitte le Parlement pour accepter la succession du docteur Meilleur, surintendant-général de l’éducation (…). Douze années s’écoulent, années d’activités fiévreuse mais féconde, années heureuses pour celui qui voit grandir son œuvre et qui se sent compris et soutenu par l’opinion publique. Mais on ne s’arrête pas en si beau chemin; M. Chauveau brûle de visiter l’Europe, ses vieilles et ses jeunes écoles : il se met en route au moment même où s’ouvre cette merveilleuse exposition de Paris que celle de 1878 n’éclipsera peut-être pas (1). Son voyage coïncide avec la transformation de l’union des deux Canadas en Confédération générale (1867); une haute mais périlleuse distinction l’attend au retour. Il est appelé à inaugurer le nouveau régime dans la province de Québec, en qualité de premier ministre : l’instruction publique reste d’ailleurs dans ses attributions. Cinq ans plus tard, il rentre dans la vie parlementaire et occupe le fauteuil de président du Sénat. La politique a des déboires; d’autre part sa digne compagne et plusieurs de ses enfants lui sont enlevés coup sur coup : il redevient simple particulier en 1873 et, semblable au sage antique, cherche des consolations dans la culture des lettres. Cependant ses anciens amis ne l’ont pas oublié; ils viennent enfin de le décider à accepter les importantes fonctions de shériff de Montréal. M. Chauveau avait habité cette dernière ville pendant toute la période de sa surintendance; la nouvelle de sa prochaine arrivée y a été accueillie avec joie par toute la population, sans distinction de nationalités ni de cultes.

(…) M. Chauveau ne s’est pas seulement distingué dans la presse politique, au Parlement ou à la tête des affaires : la jeune littérature franco-canadienne lui doit quelques-uns de ses monuments les plus remarquables, et en prêchant d’exemple, nouveau Cadmus, il a fait surgir du sillon toute une petite armée de publicistes, d’historiens et de poètes. Non content d’organiser les écoles et de discipliner les études, il a clairement saisi que les progrès de la civilisation, dans un pays tel que le sien, ne dépendent pas moins de l’élévation graduelle des habitudes d’esprit, que de l’accroissement de la prospérité matérielle et du perfectionnement des institutions. Par système autant que par goût personnel, il a poussé autant qu’il a pu à la production littéraire et scientifique, persuadé que l’éducation du peuple ne se fait pas tout entière dans les classes. L’excellent Journal de l’instruction publique, fondé sous ses auspices et longtemps alimenté par son inépuisable bouteille d’encre, a été à l’origine et reste encore, aux mains de son succeseur, l’honorable M. Gédéon Ouimet, une revue des belles-lettres en même temps qu’un organe pédagogique. À la réforme des études s’est ainsi rattaché de près tout le mouvement intellectuel de la nation, et ce n’est pas là le caractère le moins saillant et le moins original de l’apostolat de M. Chauveau.

Nous sortirions de notre cadre si nous songions à relever ici le mérite de son roman de mœurs Charles Guérin, le premier qui soit sorti d’une plume canadienne, œuvre composée con amore, écrite d’un jet avec toute l’exhubérance de la jeunesse, fort applaudie en France dès son apparition et trop oubliée aujourd’hui. Nous ne feuilletterons pas non plus les périodiques de tout genre où il a prodigué, quelquefois émietté son talent, ni le Répertoire national de M. Huston, pour y découvrir, éparses, de charmantes poésies plaines (sic) de grâce ou d’exaltation patriotique; il suffira de mentionner les Légendes canadiennes en vers, dont la Revue de Montréal, publiée par M. l’abbé Verreau, nous apporte à peu près chaque mois un nouveau chapitre. On pourrait encore recueillir quelques brillants discours de M. Chauveau, notamment celui qu’il prononça le 18 juillet 1855, à la cérémonie d’inauguration du monument consacré aux braves qui tombèrent dans la plaine d’Abraham, le 28 avril 1760. Ce morceau d’éloquence a eu un long retentissement; on le réimprime encore et les larmes viennent aux yeux en le lisant. Sous d’autres rapports, le discours sur l’instruction publique prononcé à la Convention canadienne, en 1874, n’est peut-être pas moins remarquable : la pensée de l’orateur, qui y proclame inséparables l’éducation morale, le culte du beau et la diffusion des lumières, ne s’est jamais plus nettement, plus noblement révélée. (…)

(1) Nous eûmes alors l’occasion, à Paris et à Liège, d’apprécier le mérite de M. Chauveau, de nous initier à ses plans et de nouer avec lui les liens d’une amitié solide. C’est sur notre conseil, pour le dire en passant, qu’il se rendit à Nivelles pour voir l’honorable directeur de L’Abeille et étudier de près l’organisation de l’École normale. Inutile de dire qu’il revint enchanteé de l’un et de l’autre.

source: Alphonse Le Roy, L’Instruction publique au Canada d’après une publication récente, (Bruxelles?, s.n., 1878), p. 15-18

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