Livre électronique

Le terme «livre électronique» ou «livrel» désigne les livres, magazines, journaux, manuels ou toutes autres publications qu'on peut consulter, distribuer ou conserver sous forme de fichiers numériques.

L'avenir du eBook semble devoir passer par une nouvelle bataille de standards. Le géant Microsoft, fidèle à sa stratégie habituelle qui consiste à vouloir dominer le marché en imposant son propre standard, propose un logiciel de lecture, le Microsoft eBook Reader, disponible uniquement sur plateforme PC. Mais il est peu probable qu'il parvienne à déloger les produits Acrobat qui permettent la lecture de documents PDF (Portable Document Format) développé par la firme Adobe, le grand leader de la production de logiciels professionnels de mise en page et de traitement d'image. La plupart des grandes institutions et des entreprises ont déjà adopté le format PDF et l'ensemble de l'industrie du livre et de l'imprimé l'utilise tout le long d'une chaîne de prodocution reposant entièrement sur le numérique, des salles de rédaction jusqu'aux presses digitales. Adobe tente également d'imposer le SVG (Scalable Vector Graphic), une plateforme plus puissante développée en XML (Extended Markup Language) qui permet entre autres de relier des fichiers graphiques à des bases de données. Mais la diffusion à grande échelle du livre numérique ne progressera vraiment qu'à l'arrivée sur le marché de périphériques de lectures pratiques, maniables, peu énergivores et tout terrains.

Des livres numériques vraiment portables?
Un humoriste faisait circuler récemment sur Internet la description de la technique la plus parfaite pour la diffusion de l'information: il faudrait que l'outil soit à l'épreuve des chocs, aux changements climatiques, passe-partout, recyclable et écologique. En définitive, c'est la définition même du livre qu'il donnait. Le livre papier, outre ses qualités physiques, l'élégance de sa présentation, la richesse de son matériau, présente encore une palette d'avantages qui compliquent singulièrement la tâche des promoteurs du livrel. Bien que des centaines de milliers d'ouvrages sont déjà disponibles en format numérique, leur diffusion à grande échelle attend toujours le support adéquat qui rende le livre électronique réellement "portable". Les récentes percées technologiques laissent envisager toutefois que le monopole du livre sur papier touche à sa fin. Les périphériques de lecture des données numériques se sont grandement améliorés et l'avènement des écrans plats, rétroéclairés, atténuent la fatigue attribuable, jusqu'à tout récemment, à une lecture soutenue sur écran. Après plusieurs tentatives infructueuses de mise en marché d’appareils s’apparentant au format du livre, certaines compagnies (Philips et E-Ink, Xerox et Gyricon) développent maintenant un écran mince comme une feuille et flexible, dont la résolution serait supérieure à celle des écrans des ordinateurs (85dpi (points par pouce) comparativement à 75dpi) et à ceux des agendas numériques auxquels sont limités les livrels pour le moment. De telles percées techniques devraient changer la donne à court terme. Sony a déjà annoncé son intention de mettre sur pied, au Japon, un service de prêt de livrels basé sur la technologie développée par E-Ink. Le service doit être lancé dès le printemps 2004.

L'irrésistible ascension du livre numérique
Le livre électronique permet de rendre accessible au monde entier un nombre illimité de publications et à des coûts dérisoires par comparaison à ce qu'il en coûtait pour le distribution via les canaux de diffusion du livre imprimé. Amazon et le "Million Books Project", envoient par conteneurs des dizaines de milliers d'ouvrages en Inde ou aux Philippines pour les faire numériser par une main-d'oeuvre bon marché.

La Bibliothèque nationale de France rend déjà accessible via le site du projet Gallica près de 100 000 ouvrages en format PDF. L’Académie française a également entrepris de mettre en ligne son dictionnaire. La Bibliothèque nationale du Québec a déjà mis en ligne quelques centaines d'ouvrages d'auteurs canadiens-français du domaine public. Rappelons ici, qu'à la différence des lois européenne ou américaine qui imposent un délai de 70 ans après la mort d'un auteur pour que son oeuvre s'ajoute au domaine public, au Québec où s'applique la législation canadienne sur la propriété intellectuelle, l'oeuvre d'un auteur est considérée publique 50 après sa mort.

Un ouvrage de 500 pages numérisé en format image et transposé au format PDF occupe à peine quelques mégaoctets. Les 36 000 pages grand format d'une encyclopédie de la fin du XIXe siècle peuvent être enregistrées sur un seul DVD (environ 5 gigaoctects). Le stockage des données devient à la limite un facteur secondaire. Le principal problème demeure la vitesse de téléchargement des données numériques, problème évidemment beaucoup plus grave dans les pays où les infrastructures technologiques sont peu développées.

Les procédés de numérisation ou de publication électronique ont réduit de façon drastique les coûts de production et de diffusion du livre. Tout auteur peut aujourd'hui éditer son livre numériquement, le distribuer sur Internet et, pour ses lecteurs qui préfèrent le papier, en faire tirer des copies par une des compagnies offrant un service d'impression sur demande (Lightning Source, XLibris). Le service Primis de la maison d’Édition McGraw-Hill offre même aux utilisateurs la possibilité de faire imprimer des livres dont ils peuvent sélectionner le contenu pour en faire une édition personnalisée adaptée à leurs besoins. Aucune raison pour qu'un ouvrage disparaisse de la circulation parce que ses ventes en librairies diminuent.

Les pays en voie de développement et les organismes qui luttent contre l'analphabétisme dans ces pays fondent beaucoup d'espoir sur le eBook et les techniques d'impression à la demande. Le tout premier objectif du Million Books Project fondé par le philanthrope américain Brewster Kahle est de rendre accessible les centaines de milliers d'ouvrages en langue locale en Asie ou dans les pays d'Afrique. Dans les régions privées de l'accès à Internet, sa fondation a mis sur la route un certain nombre de véhicules munis d'imprimantes grâce auxquelles les habitants de ces régions peuvent se procurer pour un montant minime un des 100 000 ouvrages déjà numérisés.

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Essentiel

Enjeux

Une révolution du travail intellectuel
Amazon, la plus grande librairie virtuelle sur Internet, a mis en ligne à la fin d'octobre 2003 une version pilote de son futur site «Search Inside the Book» où l'on pourra sonder les entrailles de centaines de milliers d'ouvrages. Le rêve du PDG d'Amazon, Jeff Bezos, est de pouvoir rivaliser avec Google grâce à cet outil de recherche dont on devine l'extraordinaire potentiel. Le site sera le seul à permettre la consultation de dizaines de milliers d'ouvrages récents. Les visiteurs pourront visualiser gratuitement jusqu’à 20% des ouvrages qui les intéressent. Au-delà d'un certain nombre de pages, ils devront acheter l'ouvrage qu'ils pourront télécharger sur leur ordinateur.

La recherche textuelle dans des bases de données d'une telle envergue devrait révolutionner le travail des étudiants et des chercheurs. Autant un outil comme Google permet d'effacer la distance géographique en amalgamant des résultats de recherche disséminés à la grandeur de la planète, autant un outil comme «Search Inside the Book» promet de gommer la distance temporelle qui sépare deux ouvrages sur un même sujet. Un touriste préparant un voyage en Italie trouvera et lira peut-être avec autant de profit les Promenades italiennes de Stendhal publié au début du XIXe siècle que le dernier guide touristique à la mode. L'inverse est également vrai. Un chercheur intéressé par un sujet ancien trouvera aisément par le biais d'un engin de recherche un ouvrage contemporain qui lui donnera l'heure juste. On peut même rêver d'une grande bibliothèque universelle qui rassemblera tout ce qui a été publié sur un sujet particulier, et ce, dans toutes les langues. On peut s'attendre à ce que les développements au cours des prochaines années en matière de traduction automatisée permettent d'envisager un tel scénario.

Google n'entend cependant pas être en reste. Selon un article paru dans le New York Times, la firme de recherche aurait entrepris, dans le cadre du «Project Ocean», la numérisation de la collection complète des ouvrages du domaine public des librairies de l'Université Stanford, l'alma mater des deux fondateurs de Google, Sergei Brin et Larry Page. Google demeurerait ainsi la source la plus riche source d'informations sur Internet et la bête noire des géants américains Microsoft, Yahoo! et Amazon.



Les défis de la commercialisation
La commercialisation du livrel demeure toujours un défi de taille. En 1991, avant même l'avènement de l’Internet grand public, Apple faisait une première expérience en distribuant gratuitement sur ses ordinateurs portables Jurassic Park de Michael Crichton – le film paraîtra en 1993 – en format PDF. Suite au déploiement phénoménal d'Internet, plusieurs auteurs et éditeurs tenteront de diffuser leur contenu par voie numérique. En 1999, Stephen King, l'auteur qui détient le record mondial de ventes de livres, devient le premier écrivain de renom à distribuer une œuvre uniquement sur Internet. Plus de 500 000 copies de Riding the Bullet sont téléchargées, gratuitement sur quelques sites ou au prix de 2,50$ sur d’autres. Des expériences de la sorte sont également tentées, à plus petite échelle, du côté français. Entre septembre 2000 et juillet 2001, à raison d’un épisode par jour, P.O.L. Éditeur distribue, via courriel, un roman-feuilleton de Jacques Jouet intitulé La République de Mek-Ouyes. Malgré ces quelques modestes succès, la plupart des tentatives se soldent par de cuisants échecs. Même Stephen King,qui espère s’affranchir des grandes maisons d’édition, mène une nouvelle tentative qui le conduit dans une impasse. La distribution numérique de The Plant est abandonnée après seulement six épisodes alors que la proportion de lecteurs payant chute sous la barre des 50%. À l’automne 2003, le plus grand vendeur de livre au monde, Barnes & Noble, annonçait la fermeture de son magasin virtuel de eBook, prétextant que l’explosion du marché, annoncée par plusieurs, ne s’était pas concrétisée. Ces importants revers n’ont toutefois pas empêché l’industrie du livrel de connaître en 2003 une croissance de 30% de ses revenues et une augmentation de 40% du volume de vente selon une estimation de l’Open eBook Forum (OeBF), un organisme travaillant à la définition de normes pour la commercialisation du livrel. Les ventes, d’une valeur de 10 millions de dollars américains en 2003, n'atteignent toutefois pas encore 1% des ventes globales de livres. Mais l'organisme estime qu'elles devraient représenter d’ici 20 ans, de 10 à 20% de l’ensemble des ventes de livres.

La vente des livrels n’est pas la seule option envisagée. Les nouvelles techniques devraient permettre de mettre en place des systèmes de prêts temporaires similaires à ceux pratiqués dans les bibliothèques traditionnelles. Adobe offre un exemple de d'un tel système qu'on peut expérimenter sur son site. Au Japon, une quinzaine de géants de l'édition et du multimédia dirigés par Sony, se sont regroupés pour offrir des milliers d'ouvrages qui pourront être téléchargés et lus soit sur un lecteur utilisant la technologie de E-Ink, soit sur des terminaux spécialisés. Ces livres pourront être consultés au cours d'une période de 2 mois. Les éditeurs espèrent ainsi contrôler davantage la circulation des ouvrages et éviter le piratage qui a placé l'industrie du disque dans une situation de crise majeure. Les déboires vécues par l'industrie du disque aux prises avec une chute dramatique de leurs ventes depuis l'avènement du MP3 et des sites de partage des fichiers musicaux, incitent auteurs et éditeurs à la plus grande prudence. Plusieurs grands éditeurs ont reculé devant la complexité des questions légales liées à la diffusion du livre sur Internet.

La fin du papier?
Dès l'apparition de l'ordinateur personnel, on nous promettait l'avènement du bureau «sans papier» (paperfree), les nouvelles technologies rendant obsolètes ce support qui depuis l'invention du papyrus a rendu possible la conservation de l'information et la transmission de la mémoire de génération en génération. Sans les centaines de milliers de papyrus recueillis par les rois lagides pour la grande bibliothèque d'Alexandrie, on ne connaîtrait qu'une infirme partie de la production intellectuelle de l'Antiquité. À l'ère de l'écran cathodique, on nous répétait que nos forêts surexploitées depuis trop longtemps pourraient enfin connaître un répit. Comble d'ironie, c'est le scénario contraire qui s'est produit. Entre 1975 et 1997, la consommation mondiale de papier a plus que doublé, passant de 28 millions de tonnes métriques ou 7 kg par habitant à 88 t.m. ou 15kg/h (UNESCO). L'ordinateur seul ne fournissait pas l'infrastructure technique nécessaire pour nous dispenser de l'usage du papier. Le papier permettait de relayer les documents conçus et imprimés à partir de l'ordinateur. La réseautique et les nouveaux outils de lecture, de révision et de travail collaboratif permettent cependant d'espèrer une réduction à moyen terme de la consommation de papier en assurant la circulation, la duplication et le stockage en quantité d'information de toutes sortes. Le phénomène s'observe déjà dans les salles de rédaction de plusieurs journaux et magazine dont la production est entièrement réalisée par voie numérique, depuis la rédaction des textes jusqu'au «brulâge» des matrices d'impression chez l'imprimeur.

La pérennité du numérique mise en question
Il est plutôt déconcertant de constater qu’il peut être plus facile de lire un livre écrit en 1480 qu’une disquette créée en 1980. La technologie évoluant à un rythme effréné, les formats de fichier, comme les supports matériels, deviennent rapidement désuets. Aucun support de données numériques n’a survécu plus d’une décennie depuis les années 1970. L’estimation de la durée de vie des supports numériques, tel que le CD-R, est extrapolée grâce à des procédés simulant le vieillissement des supports. Selon ces tests effectués par les manufacturiers, la durée de vie d’un CD-R serait de plus de 100 ans, mais certains, qui contestent la méthode utilisée, ont constaté que les données étaient parfois irrécupérables après moins de 10 ans. Seul le temps nous dira effectivement qui dit vrai, mais l’archéologie numérique semble promise à un avenir brillant. Les défis de la conservation du patrimoine numérique sont donc de tailles, mais l’optimisme est cependant permis. Maintenant conscients du problème, plusieurs organismes, dont l’UNESCO, se penchent sur le problème et tentent d’y apporter des solutions.

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