Brillat-Savarin Jean-Anthelme
Né à Belley en 1755, il était d’une famille bourgeoise, qui, de père en fils, servait la France dans la magistrature. Belley doit une renommée à son fils illustre, et les touristes s’y rendent volontiers, durant l’été, depuis Aix et Chambéry. Brillat-Savarin y possède sa statue, sa rue; on montre la gentilhommière de sa famille.
Ses études terminées au vieux collège, où viendra plus tard Lamartine, il part faire son droit à Dijon. Il revient ensuite dans sa ville natale d’où l’arrachera bientôt la Révolution naissante. Maire sagace et estimé, il est, en effet, député par ses concitoyens aux États-Généraux. Il est de la Constituante et, après la dissolution de la première assemblée révolutionnaire, il rentre à Belley, et reprend ses fonctions de maire de la commune. Mais bientôt il doit fuir, Girondin proscrit par les Montagnards triomphants. Il passe en Suisse, demeure à l’hôtel du Lion d’Argent de Lausanne – dans sa Physiologie, où il y a de tout, de la philosophie, des recettes et des souvenirs, on trouve le tableau d’un plaisant repas en ce lieu. De là, il part pour l’Amérique, où il gagne sa vie en donnant des leçons, et en jouant du violon dans un théâtre de New York. En 1797, il est de retour en France aux Armées du Rhin, secrétaire d’Augereau. Et, brusquement, il est nommé conseiller à la Cour de cassation. C’est au sein de cette assemblée docte et paisible qu’ignorant désormais les tempêtes politiques, indifférent aux rumeurs de Paris et aux bruits de la bataille qui secouent toute l’Europe, rêvant, méditant, écrivant, Brillat-Savarin va devenir le législateur et le poète de la gourmandise.
En décembre 1825, parut, sans nom d’auteur, le fruit de ses souriantes «méditations»: Physiologie du Goût ou Méditations de gastronomie transcendante.
Le succès dépassa toute attente […]. À peine le livre avait-il paru qu’on le plaçait à côté des Maximes de La Rochefoucauld et des Caractères de La Bruyère: «Livre divin, écrivait Hoffmann, qui a porté à l’art de manger le flambeau du génie.» Et Balzac lui-même de ratifier ce jugement. Quand au public, il ne s’y est pas trompé; il a gardé toute sa faveur à cet écrivain dont l’expression a tant de saveur et de spontanéité. […] Les aphorismes, comme les maximes, comme les proverbes, s’appliquent à des réalités qui sont aussi vieilles que l’humanité; ils n’inventent rien, mais condensent en une formule définitive une sagesse millénaire, c’est pourquoi Brillat-Savarin a pris sa place parmi les grands classiques. […]»
source: «Le centenaire de Brillat-Savarin», Chronique des lettres françaises, 4e année, no 20, mars-avril 1926, p. 184-186 (publication du domaine public)