Boole George
Voilà comment l'homme qui a inventé sans le savoir la syntaxe des ordinateurs a donné la première définition de la mémoire de ces derniers en croyant rendre compte de la sienne.
Ce mathématicien anglais était un être religieux, comme l'avait été Leibniz et Newton et, quand il se tournait vers la poésie, c'était pour lire Dante ou les poètes métaphysiciens anglais, Woodsworth surtout et Keats, l'auteur de cette pensée: «La beauté est la vérité, c'est tout ce que nous savons sur terre et tout ce que nous avons besoin de savoir.»
Boole vivait dans ce climat intellectuel. Il a lui-même écrit, dans le style de Keats, un poème sur la vérité, plus précisément sur la façon dont les savants sont unis, par delà la mort, dans et par l'amour de la vérité.
«Tous ceux qui, à l'amour de la vérité
Ont consacré la ferveur de leurs vingt ans
Et qui, faisant descendre la sagesse étoilée
Vers le clown et le paysan
Ont partagé avec autrui
Les fruits de leur contemplation
Tous ils forment dans la sphère de l'esprit
Avec nous, une indissociable constellation.»
À dix ans, George Boole savait le latin et à 14 ans il savait le grec au point de pouvoir traduire des poèmes comme «Le printemps de Méléagre»; sa traduction qui fut publiée dans le journal de sa ville natale, Lincoln, provoqua un débat qui donne une assez juste idée de la vie intellectuelle dans une petite ville anglaise du XIXe siècle. Étonné de la difficulté du défi relevé par un adolescent autodidacte, et qui plus est issu d'une famille modeste, un éminent citoyen de la place lança une accusation de plagiat. Des citoyens plus éminents encore prirent la défense du jeune fils de cordonnier; d'attaques en répliques le débat dura plusieurs semaines; ce qui prouve que le propriétaire du journal en question ne craignait nullement d'ennuyer ses lecteurs par une affaire à laquelle on ne ferait même pas écho dans les pages littéraires de nos grands quotidiens. |