Genest Jacques
"Nous sommes redevables et reconnaissants au docteur Jacques Genest de sa contribution remarquable à la science et à la médecine […] Parmi les équipes de recherche qui se consacrent à l'étude des problèmes de haute pression sanguine et des sciences cliniques et fondamentales, celle de l'Institut de recherches cliniques de Montréal est actuellement l'une des plus compétentes au monde.
James C. Hunt, professeur et directeur, Département de médecine,
Clinique Mayo (Rochester, États-Unis).
Une remarquable contribution à la recherche biomédicale
Le témoignage du docteur James C. Hunt, de la célèbre Clinique Mayo, reflète la considérable envergure des activités de recherche et d'enseignement de Jacques Genest. Ce dernier est d'ailleurs unanimement considéré par les membres de la communauté scientifique, tant québécoise qu'étrangère, comme le Québécois ayant le plus contribué à l'avancement de la recherche biomédicale au cours des 40 dernières années. Pièce maîtresse d'une carrière jalonnée de succès scientifiques, l'Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) représente l'œuvre à laquelle Jacques Genest demeure le plus attaché. Il l'imagine, le conçoit et le fonde en y consacrant quinze années d'efforts (1951-1967), puis il le dirigera jusqu'en 1984.
Faire fleurir la médecine
Parallèlement à ses démarches pour créer l'IRCM, Jacques Genest obtient ses premières lettres de noblesse avec son équipe du Département de recherche de l'Hôtel-Dieu de Montréal, au début des années 50, dans le domaine de l'hypertension artérielle. Ses succès font naître chez lui l'idée d'accroître les communications et les échanges d'idées entre les chercheurs. C'est ainsi que le Club de recherches cliniques (1959) voit le jour, organisme qui rassemble les chercheurs cliniciens du Québec de toutes les disciplines de la santé.
En 1951, le gouvernement du Québec invite Jacques Genest à faire une enquête sur les grands centres médicaux et de recherche en Europe. Le jeune médecin constate ainsi le retard scientifique et médical du Québec. Entre autres, la Faculté de médecine de l'Université de Montréal est menacée de perdre son accréditation. Le conseil des gouverneurs de l'Université de Montréal demande alors à Jacques Genest de présider un comité spécial des affaires médicales. Des réformes sont faites et, trois ans plus tard, la Faculté est sauvée. Cependant, à plus long terme, il faut également assurer le développement de la recherche. Le docteur Genest donne l'exemple en créant le Département de recherche de l'Hôtel-Dieu en 1952 et en devenant le premier chercheur clinicien salarié à temps plein.
Certes, Jacques Genest plaide la cause des chercheurs québécois au Conseil de recherches médicales du Canada, principal organisme de subventions dont il fait partie dès 1953 (jusqu'en 1976). Il fonde ainsi, en 1963, le Conseil de la recherche en santé du Québec (qui deviendra le Fonds de la recherche en santé du Québec en 1981). Le docteur Genest anime une vaste opération de rattrapage. Il élabore un concept original qui marie la recherche fondamentale et clinique, afin de hisser la recherche biomédicale vers les sommets. C'est précisément ce que parviennent à faire les équipes de l'IRCM. Celui-ci regroupe actuellement plus de 400 chercheurs fondamentalistes et cliniciens, étudiants et techniciens. Il constitue l'un des plus importants centres de recherche biomédicale au Québec et au Canada. Ses liens, d'une part avec l'Université de Montréal et l'Université McGill, d'autre part, avec l'Hôtel-Dieu de Montréal, expliquent son caractère de carrefour scientifique multidisciplinaire et de centre de santé.
Contrôler l'hypertension
Les résultats des études effectuées à l'IRCM et leurs applications sont aussi importants que variés. Le docteur Genest lui-même a réalisé des découvertes décisives dans le domaine de l'hypertension artérielle, mettant notamment en lumière les perturbations du sodium et de l'aldostérone, le rôle de l'angiotensine II dans le contrôle de la sécrétion d'aldostérone, la mesure de l'activité de rénine dans le plasma et son importance dans le diagnostic de l'hypertension rénovasculaire ainsi que la nature et le rôle du facteur natriurétique des oreillettes. De mortelle qu'elle était, l'hypertension artérielle peut être maîtrisée chez tous les patients, grâce aux nouveaux médicaments antihypertenseurs.
Cependant, Jacques Genest ne se contente pas de favoriser son domaine de recherche : il invite des chercheurs d'autres disciplines à constituer des groupes qui, à leur tour, acquièrent une renommée mondiale dans des domaines comme l'artériosclérose, le cancer, le sida, la biologie et la génétique moléculaire. Dès 1976, il intègre à l'IRCM un centre de bioéthique dont le responsable est membre à part entière du comité scientifique. Cette initiative est absolument unique. Aujourd'hui, l'IRCM brille par la renommée de ses chercheurs, mais surtout il fait figure de modèle d'organisation moderne de recherche biomédicale dans le monde.
Fort de nombreux prix et distinctions, dont 12 doctorats honoris causa, et des 700 articles et trois ouvrages qu'il a écrits, Jacques Genest s'inscrit de plain-pied dans l'histoire des sciences et sans doute aussi dans l'Histoire, avec un grand H, du Québec moderne. La formule qu'exprime à son sujet le docteur Irvine Page, chercheur américain attaché à la Cleveland Clinic et père de la recherche en hypertension artérielle, s'applique bien à sa personnalité : « Jacques Genest, one of our great. » C'est tout dire."
Bernard Lévy, Jacques Genest. Prix Marie-Victorin 1977 et Prix Armand-Frappier 1996 (Prix du Québec)
© Gouvernement du Québec, 2001