Chien
Le chien vu par Buffon
«Le chien, indépendamment de la beauté de sa forme, de la vivacité, de la force, de la légèreté, a par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent lui attirer les regards de l’homme. Un naturel ardent, colère, même féroce et sanguinaire, rend le chien sauvage redoutable à tous les animaux, et cède dans le chien domestique aux sentiments les plus doux, au plaisir de s’attacher et au désir de plaire ; il vient en rampant mettre au pied de son maître son courage, sa force, ses talents ; il attend ses ordres pour en faire usage, il le consulte, il l’interroge, il le supplie, un coup d’œil suffit, il entend les signes de sa volonté ; sans avoir comme l’homme, la lumière de la pensée, il a toute la chaleur du sentiment ; il a de plus que lui la fidélité, la constance dans ses affections : nulle ambition, nul intérêt, nul désir de vengeance, nulle crainte que celle de déplaire ; il est tout zèle, tout ardeur et tout obéissance ; plus sensible au souvenir des bienfaits qu’à celui des outrages, il ne se rebute pas par les mauvais traitements, il les subit, les oublie, ou ne s’en souvient que pour s’attacher davantage ; loin de s’irriter ou de fuir, il s’expose de lui-même à de nouvelles épreuves, il lèche cette main, instrument de douleur, qui vient de le frapper, il ne lui oppose que la plainte, et la désarme enfin par la patience et la soumission.
On sentira de quelle importance cette espèce est dans l’ordre de la nature, en supposant un instant qu’elle n’eût jamais existé. Comment l’homme aurait-il pu, sans le secours du chien, conquérir, dompter réduire en esclavage les autres animaux ? Comment pourrait-il encore aujourd’hui découvrir, chasser, détruire les bêtes sauvages ou nuisibles ?»
BUFFON, Histoire naturelle