Aurore boréale

"Les aurores polaires apparaissent, vues depuis la Terre, comme des taches ou des bandes de lumière, souvent striées, un peu comme des rideaux lumineux se balançant dans un courant d'air. Elles sont surtout de couleur verte ou rouge. On peut les observer pendant plusieurs dizaines de minutes. On les observe à des latitudes voisines de 70 degrés, c'est à dire en Scandinavie, au Nord de la Sibérie, au Canada, en Alaska, ou - au Sud - aux abord du continent Antarctique. Ces lumières aurorales sont émises à des altitudes comprises entre 80 et 150 kilomètres, dans l'ionosphère. La lumière des aurores provient des collisions entre des particules rapides provenant de la magnétosphère et les atomes et ions de l'ionosphère. Les aurores boréales sont les aurores polaires que l'on observe dans l'hémisphère Nord. Les aurores australes sont les aurores polaires que l'on observe dans l'hémisphère Sud."

source : "Les aurores polaires" ("Introduction à la physique spatiale", Centre d'étude des environnements terrestre et planétaires, CNRS / Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines)


Description d'un savant français du début du XIXe siècle

« L’aurore boréale est un météore lumineux qui paroît accidentellement la nuit, dans le nord du ciel, tantôt comme une lueur vague répandue près de l’horizon, et semblable à l’aurore; d’autres fois sous la forme d’une nuée sombre d’où partent des fusées phosphoriques qui parcourent et illuminent en un moment toute l’atmosphère. » (« Considérations sur la nature et les causes de l’Aurore boréale, lues à la séance publique des quatre académies, le 24 avril 1820, par M. Biot », Journal des Savans, 1820, p. 342)


Comment on expliquait autrefois les aurores polaires

L’observation des aurores polaires semble remonter à la plus haute antiquité. Aristote, quatre cents ans avant J.-C., et Sénèque, au commencement de notre ère, ont observé des aurores boréales qu’ils considèrent comme des phénomènes purement atmosphériques.

Pline, contemporain de Sénèque, et qui trouva la mort en voulant observer de trop près une éruption du Vésuve, leur attribue une cause surnaturelle. Il les considère comme un signe de la colère des dieux, comme le présage d’événements funestes.

Cette croyance du naturaliste romain est partagée par les populations ignorantes du moyen âge, et il n’y a rien en cela de bien étonnant.

Chez tous les peuples de l’antiquité, les phénomènes atmosphériques et surtout les météores lumineux ont été considérés comme des manifestations de la puissance ou de la colère divine ; et beaucoup de gens de notre époque, tout en reconnaissant les causes purement physiques de ces phénomènes, admettent l’intervention du Souverain-maître, et pensent que rien n’arrive qui ne soit dans l’ordre providentiel.

Les peuples du moyen âge étaient donc de leur temps quand ils interprétaient à leur manière les phénomènes atmosphériques, et leur époque était assez troublée, assez malheureuse, pour que l’apparition d’une comète ou d’une aurore boréale leur parût être d’un funeste présage.

Je lis dans un ouvrage de physique autrefois fort estimé (1):

« Depuis (il vient de parler de l’opinion de Pline) ce brillant météore n’a été qu’un sujet d’épouvante, principalement pour les populations ignorantes et superstitieuses du moyen âge. La frayeur et l’imagination y faisaient voir des torches, des épées sanglantes, des têtes hideuses avec les cheveux hérissées.

Au commencement du XVIIe siècle, les préjugés et l’ignorance commencèrent à reculer devant les lumières de la science ; et tandis que l’historien Legrain parle encore, en 1615, d’une apparition effroyable d’hommes de feu combattant avec des lances, La Mothe Le Vayer, témoin du même phénomène, le réfute et ramène les choses à leur juste valeur. »

[…]

Gassendi, qui vécut de 1590 à 1655, eut l’occasion d’observer plusieurs aurores polaires, entre autres, celle du 12 septembre 1621, et il donna à ces météores le nom sous lequel on les désigne encore aujourd’hui.

Musschenbroeck (1692-1761) les explique ainsi : ce sont des exhalaisons qui s’élèvent de la terre dans les régions polaires ; elles fermentent et dégagent de la lumière.

Suivant Lemonnier (1715-1799) les aurores boréales seraient dues à la présence, aux environs du pôle, d’une matière semblable à celle qui constitue la queue des comètes. Euler (1707-1783) les explique par des particules d’air lancées par l’impulsion des rayons solaires.

L’astronome anglais Halley (1656-1742), qui a attaché son nom à la première des comètes périodiques connues, a imaginé un courant magnétique s’échappant de la terre par le pôle boréal.

De Mairan (1678-1771), membre de l’Académie des sciences, publia, en 1731, un traité de l’aurore boréale. Il l’attribue à une vapeur lumineuse qui envelopperait le soleil et s’étendrait jusqu’à la terre. Celle-ci emporterait accidentellement un lambeau de cette enveloppe.

La théorie de De Mairan prévalut quelque temps ; mais, en 1740, l’astronome danois Celsius découvrit l’influence des aurores boréales sur l’aiguille aimantée, influence démontrée ensuite par Arago, et dès lors le magnétisme terrestre fut regardé comme ayant une part considérable dans l’apparition des aurores polaires.

Remarquons en passant que Celsius et Hiorter avaient observé 316 aurores boréales de 1716 à 1732.

Eberhard, professeur de philosophie à Hall (1739-1809), et Paul Frisi, physicien italien (1727-1784), comparèrent la lumière de l’aurore polaire à celle de l’électricité s’écoulant dans le vide, et cette idée semble avoir été reprise par M. de La Rive, qui fit construire un appareil au moyen duquel il obtenait un arc lumineux semblable à l’arc d’une aurore bien dessinée.

C’était aussi l’opinion de l’astronome anglais Canton (1718-1772), du physicien Beccaria (1716-1781), de Franklin (1706-1790) et de Wilke.

Ce dernier d’ailleurs s’est beaucoup occupé des aurores polaires ; il a prouvé que tous les rayons qui constituent l’arc lumineux sont parallèles, et que si nous les voyons converger vers un centre commun, c’est une illusion d’optique analogue à celle qui nous montre les lignes de joints d’un tunnel rayonnant autour d’un même point.

Parmi les hypothèses curieuses qui ont eu cours sur la cause efficiente des aurores polaires, on peut remarquer celle de Volta (1745-1827).

On venait de découvrir le gaz des marais ou bicarbure d’hydrogène, qui brûle au contact de l’oxygène, et qui entre avec le proto-carbure (feu grisou) dans la composition du gaz d’éclairage.

Volta émit l’idée que l’aurore boréale pourrait bien avoir pour cause la combustion de l’hydrogène carboné dans les hautes régions atmosphériques.

M. Biot, qui avait pu, il y a quelque cinquante ans, observer plusieurs aurores polaires aux îles Schetland, les explique « par des nuages de particules ferrugineuses d’une ténuité extrême, qu’il suppose lancées par les volcans très-actifs des régions polaires ». D’après le savant physicien, ces particules serviraient de conducteur à l’électricité atmosphérique « qui s’y propagerait en illuminant sa route ».

M. Becquerel fait toutefois remarquer que les substances volcaniques conduisent fort mal l’électricité.

Enfin, M. de Humboldt considère l’aurore boréale comme la résolution d’un orage magnétique. […]

Les savants de notre époque [i.e. la fin du 19e siècle] sont presque aussi divisés que ceux du siècle dernier sur la cause véritable des aurores boréales

Celle du 4 février dernier a donné à plusieurs d’entre eux l’occasion de formuler leur opinion à ce sujet.

Et d’abord M. Tremenschini, ingénieur à Paris-Belleville, après avoir décrit le phénomène, « trouve qu’un grand nombre des caractères observés ne sont pas applicables à l’aurore, et il se demande s’il serait absurde d’oser faire un rapprochement entre la disparition de la comète d’Encke et les étranges particularités du phénomène auquel il vient d’assister. »

Viennent ensuite MM. Tarry, inspecteur des finances, à Paris ; le professeur Donati, de Florence ; et Diamilla-Muller, de Milan, qui se disputent la priorité à propos d’une hypothèse qui place dans le soleil lui-même la cause première des aurores polaires, hypothèse que M. Tarry reconnaît appartenir, en définitive, à Cassini et à de Mairan.

Voici la théorie de M. Diamilla-Muller :

« Un courant magnétique (nous le nommons ainsi faute de mieux) partirait du soleil vers ses planètes, selon qu’elles sont plus près ou plus loin de lui, d’un côté ou d’un autre côté.

Quant à la terre, ce courant arriverait dans une position moyenne située entre l’équateur et l’écliptique. De cette place, qui serait l’équateur magnétique, partiraient deux courants opposés vers le pôles magnétiques, d’où le même courant serait renvoyé au soleil. Par conséquent, la direction de ces courants serait de l’équateur aux pôles et non des pôles à l’équateur. Si la surface de la terre ne présentait aucune cause locale de perturbation dans la direction des courants, ceux-ci seraient placés géométriquement de part et d’autre par rapport à l’équateur magnétique, et l’axe magnétique passerait par le centre de la terre. L’irrégularité des directions des courants serait donc l’effet d’une modification locale et accidentelle produite par ces perturbations. L’aurore polaire enfin serait simplement l’effet d’une suspension accidentelle du renvoi du courant au soleil. Le courant, faute de pouvoir continuer sa route de retour, s’agglomérerait aux pôles, et, pour rétablir l’équilibre, se résoudrait en une décharge lumineuse. Et alors, comme dit justement M. Donati, le phénomène lumieux se rendrait visible de l’orient à l’occident, suivant le mouvement diurne de notre planète.

L’explication de tous les phénomènes magnétiques deviendrait facile : l’irrégularité de direction des courants sur la surface du globe ; les variations diurnes annuelles et séculaires de l’aiguille ; les déplacements des pôles magnétiques ; les avis préalables que nous donne l’aiguille aimantée sur l’apparition ou sur l’existence de aurores. »

Enfin […] la lumière aurorale a été soumise au spectroscope, et M. Vogel, entre autres, a observé la lumière de nombreuses aurores, et il a cherché à établir un rapport entre le spectre de ces lumières et ceux que donne la lumière électrique quand elle passe dans les gaz oxygène, azote et hydrogène raréfiés. Mais dans les tubes de Plücker, avec lesquels ont été faites les expériences, la pression des gaz atmosphériques raréfiés était constante, tandis que cette pression est très-variable dans les hautes régions de l’atmosphère et cette variation a une grande influence sur le spectre.

Il n’a donc pas été possible d’obtenir artificiellement un spectre identique à celui des aurores, qui est lui-même variable ; mais les expériences de MM. Vogel et Lohse semblent avoir confirmé l’interprétation électrique du phénomène.

(1) Daguin, 1861, tome III, p. 276.

source: M. Muller, «Notice historique sur les aurores polaires», Mémoires de l’Académie de Metz, 54e année, 1874, p. 374-381.

Articles


L'aurore boréale

Jules Michelet
Extrait de l'ouvrage intitulé La montagne (première partie, chapitre XII) (1868)

Une aurore boréale

Pierre Loti
Extraits de: Fleurs d'ennui Reproduit d'après: Pages choisies des auteurs contemporains. Pierre Loti. Avec introduction de Henri Bonnemain. Paris, Armand Colin/Calmann Lévy, 1900, p. 115-117 Texte de présentation: "Avec un vocabulaire aussi restr



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