Utopia
La planète bleue s'éclaire d'un sourire. Le soleil vert a disparu. Un ciel bleu poudré de nuages. Les mers ont perdu leurs reflets glauques, poisseux, étendant leurs marées écumeuses comme des naïades allongées sur les plages de sable blanc.
L'Antarctique n'est plus menacée par la surchauffe du climat. Les icebergs ont ralenti leur descente vertigineuse. Les Îles de la Madeleine ne tremblent plus devant le danger d'être englouties à tout jamais. Les banquises de glace comme des trottoirs de villes accueillent les ours polaires pour gober leur portion de poissons gras…Le pergélisol ne libère plus son méthane mortel.
Les milieux humides soupirent d'aise. Ne craignant plus d'être enterrés par des pelles mécaniques, ils sont maintenant reconnus comme des micro-usines d'épuration des eaux usées, des régulateurs des écosystèmes… Dans leurs habits vert fluo, les rainettes faux-grillon se prélassent au soleil, jasent les soirs de lune sans crainte d'être exterminées au profit de condos de luxe.
Le soleil danse en roulant sur l'horizon. Dans une joyeuse farandole, la lune attend son tour, la nuit venue, pour étirer ses fils d'argent sur les océans. Fleurissent des jardins d'Eden aux balcons des villes jadis assiégées, Bagdad, Téhéran, Kaboul, Sarajevo, Alep. Les burkas, les hijabs accrochés aux branches des arbres flottent dans le vent comme des drapeaux en liberté. Les femmes à visage découvert marchent dans les rues enceintes d'espérance. Dans l'ombre paisible des cimetières reposent un arsenal de kalachnikovs des tyrans maintenant disparus.
Le commerce de l'eau, richesse collective a été frappée d'interdiction. Comme l'air. Comme le vent. Les éoliennes telles des colombes, présages de paix, bercent leurs ailes blanches au large des rives côtières.
Le petit Prince lumineux, assis sur une haute dune du Désert aux oasis fleuris, les mains en visière, scrute l'horizon. La Terre des hommes, astiquée, polie, briquée. Maintenant vivante.
Il a fallu que les enfants d'hommes puissants meurent empoisonnés en buvant de l'eau, meurent étouffés en jouant dans leurs carrés de sable bitumineux pour que ces bien-nantis mettent leur puissance au service de la Terre/mère. Masqués, barricadés, hyper-protégés derrière leurs barbelés, les possédants, malgré tout le fric entassé dans leurs paradis d'enfer, ne pouvaient plus se soustraire aux effets mortels de leurs méga-réussites. Coincés comme des rats dans leurs châteaux.
Lancé fut le mot d'ordre mondial :
À bas le PIB(produit intérieur brut)
Vive le BIB (bonheur intérieur brut).
Ce mois de Mai de l'an 2080
Femme aux ailes de vent, petite-fille de Gaia.