Trump et l’Allemagne ou psychanalyser Donald

Heinz Weinmann

Une incursion psychanalytique dans le lointain passé germanique de la famille Trump

Donald J.Trump I

Trump et l’Allemagne ou psychanalyser Donald

Le  8 novembre 2017 a marqué le premier anniversaire de l’élection de Donald Trump. Depuis un an, nous avons droit à beaucoup d’analyses politiques, économiques et récemment même psychiatriques[1] du « phénomène », du « cas » Donald Trump. Comment ne pas avoir pensé d’abord à sa généalogie parentale, son origine allemande que, pendant très longtemps, il a essayé d’occulter ? Ce regard sur son rapport à ses parents, sur leur passé allemand, nous fait mieux comprendre ses comportements pour le moins atypiques pour les fonctions d’un Président des États-Unis. Jetons donc un bref regard sur ce passé.

Allemagne, terre d’émigration

En 1885, un adolescent âgé de seize ans nommé Friedrich Trump, du village de Kallstadt au Palatinat (Pfalz), Allemagne, laisse une note sur la table de cuisine de ses parents : « Je suis parti pour l’Amérique. » Surpris probablement par l’annonce brutale de ce départ, les parents ne le sont pas par le départ lui-même. Car l’année précédente, la sœur aînée avait déjà montré à son petit frère le chemin de l’Amérique, dorénavant installée avec son mari à Manhattan. Un million d’Allemands quitteront ainsi dans les années 1880 leur « patrie », déclarée dès 1871 « Second Empire » sous la poigne de la Prusse et de son « Chancelier de fer », Bismarck. Très mal loti par l’histoire, vue sa position tampon entre l’Allemagne et la France, le Palatinat a été ravagé par de nombreuses guerres, à commencer par la Guerre de Trente Ans (1618-1648), internationalisation des Guerres de religion, puis les guerres entre Louis XIV et l’Empire, entraînant les deux « ravages du Palatinat » (1674, 1689), avec trente-deux villes et villages sauvagement incendiés par Turenne. Devenus protestants lors de la Réforme tout en étant rattachés au très catholique royaume de Bavière, les Palatins, trop proches des idées « éclairées » de la France voisine, ont été des habitants de seconde zone, observés avec méfiance par Munich. Autrement dit, l’avenir était bouché dans cette région plus qu’ailleurs en Allemagne. Pas étonnant qu’un nombre relativement grand de ce flot d’immigrés allemands en Amérique soit venu du Palatinat. Pas étonnant non plus qu’une génération plus tôt, Friedrich Trump, le grand-père de Donald,  soit parti avec un autre fils de Kallstadt, cette fois avec ses parents, Henry John Heinz, l’inventeur du Ketchup, d’ailleurs cousin au deuxième degré de Friedrich.

Un immigrant allemand malgré lui

Né dans une famille de vignerons pauvres de six enfants, le puîné n’a d’autre choix que d’apprendre le métier de coiffeur, ce qui visiblement le « rase ». Donc, il part illico, son apprentissage fini, aimanté par le « rêve d’Amérique », parce qu’il veut devenir rapidement riche. Remplir des bouteilles de tomates comme son cousin n’est pas son « affaire » !

Le rêve du Far Ouest s’étant évanoui depuis que la Frontier avait atteint le Pacifique vers le milieu du siècle, il reste comme horizon de rêve du « tout possible » le Nord-Ouest, là où vers 1896 s’est déclenché le second Gold Rush, celui du Klondike. Après cinq ans passés chez sa sœur à New York, à couper des cheveux et raser des barbes, Friedrich part pour le Nord-Ouest et s’installe à Seattle en 1891. Il y ouvre un restaurant dans le quartier red light : à part les repas et les boissons, la maison offre aussi des « rooms for ladies », euphémisme pour bordel. Durant l’été 1897, le premier navire chargé d’or du Klondike arrive dans le port de Seattle. Frederick – entre-temps naturalisé américain – est en bonne position pour profiter au maximum de la manne d’or. Il y développe l’ADN du « basic instinct », de The Art of the Deal des Trump. Frederick sait qu’il y aura peu d’élus dans cette ruée vers l’or (4 000 sur 40 000 appelés), aussi il choisit la stratégie où il sera à tous les coups gagnant. De constitution frêle, il est exclu qu’il concurrence ces bourlingueurs costauds sur le terrain ; il lui faut juste suivre cette ruée vers l’or en pourvoyant aux besoins primitifs (manger, boire, dormir, sexe) des aventuriers qui dépensent leur or aussi vite qu’ils le gagnent. Pour cela, ses restaurants doivent être soit ambulants, transbordés par barge (le « Fitzcarraldo » du Klondike), soit abandonnés à court terme pour aussitôt être établis plus au nord, afin que l’or des trouveurs puisse remplir les poches du parasite (« celui qui mange avec ») opportuniste. Rien de choquant dans cet univers où règne la « loi de la jungle » et où le plus fort l’emporte sur le « faible », écrasé sans pitié.

Les différents hôtels-restaurants de Frederick marquent ainsi les parcours du Klondike : de Monte Christo – parce qu’un prospecteur lisait le roman de Dumas ! –, en passant par Bennet, jusqu’à Whitehorse en Colombie-Britannique. Dans son restaurant de Whitehorse, Frederick commence à réaliser ce que veut dire Think Big : 3 000 repas servis par jour, un tripot (pas encore de casino) où les joueurs misent par milliers de dollars en or, avec des balances pour peser le précieux métal, et toujours ces « rooms for ladies ». Nous sommes au Canada, les Red Coats (GRC) sont sur place pour « faire la loi », interdire jeu, boisson… et le reste. Avec son flair, l’Allemand américanisé sent le roussi, vend le restaurant à son associé – qui sombre dans l’alcoolisme, le resto devenant la proie des flammes – et retourne en Allemagne. Il voulait être riche… et prendre épouse allemande, une voisine de Kallstadt, Elisabeth,  qui avait cinq ans lors de son départ. Tonton Cristobal est arrivé, cousu d’or, admiré par son village ! Il retourne avec sa femme à New York, mais cette dernière est frappée d’un violent « mal du pays » (Heimweh) que tout émigrant connaît. Il retourne alors à Kallstadt avec l’intention de s’y s’installer à demeure, puisqu’il pourra mener une vie confortable avec son or déposé à la banque qui « travaille » pour lui…

Imprévu revers du destin : le gouvernement de Bavière lui retire son droit de séjour et sa nationalité allemande pour avoir esquivé le service militaire (de trois ans) en émigrant aux États-Unis. Peu importe que la loi soit passée en 1886, alors que Frederick est parti l’année d’avant. Des pétitions, des suppliques au gouvernement, au prince Luitpold, rien n’y fait, l’Allemand qu’il s’est cru être encore doit quitter son pays, de gré ou de force. Les dés du sort des États-Unis de 2016 auront été jetés à ce moment-là. Elisabeth est enceinte lorsqu’elle rembarque sur le navire  à destination de New York en 1905 et accouche l’année même de Fred, père de Donald Trump.

Nous sommes dans l’histoire alternative : que serait-il arrivé si le grand-père de Trump avait pu rester en Allemagne ?

Narcisse et Écho

À parcourir la vie du grand-père de Trump, on se demande comment Donald, issu d’une immigration relativement récente, a pu développer tant de suspicion, tant de haine contre certains immigrants, contre tout immigrant ? Son « roman familial » risque de donner une réponse non seulement à cette question mais à bien d’autres que le monde entier se pose concernant le comportement atypique du 45e Président des États-Unis. La psychanalyse nous dit que l’enfant, au cours de son développement normal, passe progressivement d’un « narcissisme primaire » nombriliste où le sujet, tel Narcisse, ne voit que le MOI – Freud parle de « libido du moi » – à un stade où il s’ouvre sur le Monde, sur l’Autre, alors reconnus dans leur réalité objectale (« libido d’objet »). Or le sujet narcissique (« névrose narcissique ») ne voit pas les Autres, puisqu’ils ne sont pour lui que des miroirs réfléchissant son propre Ego. La (dé)négation ou forclusion narcissique de l’Autre commence au sein de la famille, dont le « roman familial » est un des symptômes. Pour Donald Trump, reconnaître un grand-père plus grand que nature, héros paradigmatique du « rêve américain », signifierait se rapetisser d’autant et surtout donner un coup fatal à son image de self-made man qu’il propose de projeter. Dans son autobiographie The Art of the Deal (1987), Donald liquide, pour ne pas dire « assassine », son grand-père en deux mots : il était un hard liver et un hard drinker. Traduire hard liver par « bon vivant » serait un euphémisme, il faudrait dire « dépravé », rimant avec hard drinker, alcoolique invétéré. Son propre père, Fred, dans cette « autobiographie » – qui n’est autre qu’une autocréation, qu’une auto-statufication narcissique –, ne dépasse guère le stade de builder manuel. Le traitement échu à ses père et grand-père, à l’origine de la fortune de Donald – à sa mort, Fred laisse une fortune de $300 millions –, vise quiconque fait de l’ombre à l’Imago d’autogenèse de Donald. L’Autre devient alors l’Ennemi qu’il poursuit de sa vindicte : il le rapetisse, le dénigre, le discrédite comme il l’a fait avec ses concurrents à la campagne, notamment Hillary Clinton : « nasty woman », « lock her up », telle une criminelle. Les juges et les membres de « son » parti aujourd’hui qui ne font pas ses quatre volontés, subissent le même sort.

Réaction d’autant plus violente que la vie de Donald est basée sur deux mensonges généalogiques : il dit depuis longtemps, déjà en 1987, qu’il est d’origine « suédoise » et met en cause la légitimité morale de celui qui a fait souche aux États-Unis. Ce lourd déficit de légitimité, il doit le compenser par une vie éblouissante de glamour qui accapare le regard du spectateur, l’empêchant de tourner son regard vers son passé. Il a même eu le culot d’accuser la présidence d’Obama d’être « illégitime » sous prétexte que le Président «  n’était pas né aux États-Unis ».

Vie de glamour, de succès, de records superlatifs – le terme deal, d’origine germanique, comme d’ailleurs dollar, indique d’abord une « grande quantité » –, cela va de pair avec une fascination maladive pour les cotes de popularité, à commencer par celle de The Apprentice – ridiculisant là encore la chute des cotes de son « remplaçant », Arnold Schwarzenegger –, jusqu’à la guerre des chiffres à propos du nombre d’assistants à son inauguration le 20 janvier, etc. Dès qu’il y a déficit, on accusera la « dishonest press » d’avoir falsifié, maquillé les chiffres, les « faits ». Le terme alternative facts, surgi à ce moment, ne saurait être un hasard, puisque la vie même de Donald Trump est basée sur un « alternative fact » : il a gommé une réalité généalogique fabriquée (fake) par l’image narcissique projetée qui devient sa « réalité » déclarée. Du coup, son « America first », à l’origine une posture narcissique, doit faire oublier qu’il n’a pas été le first American de sa famille… venue dans ce pays près de trois cents après la Mayflower (1620) ! D’autre part, sa haine contre l’Autre authentifie par la négative sa fiction d’« autochtonie ».

La chambre d’écho que constituent lesdits « réseaux sociaux », loin de corriger, voire de freiner, ces confusions réalité/fiction, au contraire iront les décupler, puisque les « bruits abrutissants » y ont remplacé l’analyse critique du fact checking. De même que Narcisse ne « reconnaît » que le seul Écho de sa propre voix, de la même façon Trump ne reconnaît comme média véridique que ses propres tweets, faisant des médias dits officiels un bruit qui brouille le message originel, émané de Narcisse. Comme le disait la voix de son ancien maître Steve Bannon, tombé aussi en disgrâce, ces médias sont une opposition à la Voix première, à la « Voix de son Maître », nulle autre que la Voix de Donald lui-même.

Donald J. Trump II

Narcisse : Être, Paraître, Mensonges et le Politique

Écho ds assemblées politiques

Alors que la présidence de Donald Trump vient de passer les cinq cents jours (mai 2018), on constate les conséquences de plus en plus nombreuses découlant du narcissisme primaire qu’on a mis en lumière dans notre premier temps. Penchons-nous ici sur les conséquences les plus lourdes, les plus graves de ce narcissisme touchant le domaine politique.

Dès son inauguration, le 20 janvier 2017, avec la querelle sur le nombre de l’assistance, on a pu se rendre compte que la « véracité » allait être un des enjeux centraux de cette présidence. En effet, le Washington Post vient de se livrer à un recensement des « mensonges » de Donald Trump depuis son entrée en fonction : ces mensonges s’élèvent à plus de trois mille ! Très évidemment, le mensonge ici ne saurait être une erreur involontaire, un de ces « actes manqués » (Fehlleistungen) dont parlait Freud, mais devient un outil pointu d’une gouvernance qu’on devra bien qualifier d’« alternative ». Il s’agit probablement là d’un des changements de paradigme politique les plus radicaux depuis l’Antiquité.

Rappelons que Platon dans sa République a cherché désespérément un point d’ancrage, un point d’Archimède où arrimer sa politeia, parce que les « constitutions » politique de la Grèce de son temps  se trouvaient chamboulées par des « révolutions » (metaboloi) provoquées par les changements de régimes qui, régulièrement, s’accompagnaient d’exactions, de massacres, de « nettoyages ethniques » soit par la mise en exil soit carrément par l’extermination des habitants des cités conquises dont Troie, Thèbes et Carthage ont été les exemples les plus illustres. Pour Platon, il s’agissait évidemment aussi de contrecarrer les metaboloi intérieures, causées par le dysfonctionnement des régimes politiques, notamment celui de la démocratie directe telle que pratiquée dans les assemblées politiques (ecclesia), les tribunaux et, généralement,  dans tout rassemblement public. Assemblées en butte aux manigances des démagogues et autres sophistes pour qui cette « démocratie » a été une proie facile pour leurs visées autoritaires, tyranniques. Voici comment Platon décrit une de ces assemblées houleuses dans tous les sens du mot où les foules, au gré des « arguments » pour ou contre, se laissent emporter par des vagues de fond dans un sens et puis dans  le sens contraire, obnubilées davantage par le bruit des huées et des applaudissements que par l’argumentation des rhéteurs :

Lorsqu’ils siègent ensemble [les Athéniens assis dans l’ecclésia], en foules pressées dans les assemblées politiques, dans les tribunaux, dans les théâtres, dans les camps et dans quelques autres réunions publiques, et qu’ils blâment ou approuvent à grand bruit certaines paroles ou certaines actions, également outrés dans leurs huées et dans leurs applaudissements, et que les rochers et les lieux où ils sont, font écho à leurs cris et doublent le fracas du blâme et de la louange[2].

Platon décrit admirablement le déroulement des assemblées publiques – chez nous, notamment en période électorale, période maintenant permanente dans les pays aux élections à date fixe –, comment les paroles (logoi) se perdent dans un brouhaha de huées et d’applaudissements, renforcées – faisant quasiment fonction de haut-parleurs – par l’écho de ce boucan renvoyé par les rochers de la Pnyx, rocher au fond de l’ecclésia. Pour Platon, les véritables récepteurs des « messages », ce sont bien les rochers qui se renvoient l’écho des bruits en circuit fermé, brouillant les discours en un amalgame cacophonique[3]. L’écho joue ici un rôle central. Nous savons que, dans le mythe de Narcisse, Écho a été l’amante de ce dernier, consumée et finalement pétrifiée, devenue littéralement rocher par le rejet brutal et irrévocable de son amant. Écho a été réduite à n’être que l’écho de la voix d’un Autre, alors que Narcisse est mort de n’avoir voulu être que le reflet de lui-même. Autrement dit, le mythe de Narcisse met en scène le rapport entre l’Être et le Paraître, plus précisément la relation entre l’original et le double. La Pnyx, le rocher dont parle Platon ici, c’est bien Écho pétrifiée, mais cette fois devenue écho d’elle-même.

C’est que nous assistons chez Platon à la naissance de la « chambre d’échos », ici encore à ciel ouvert sur l’Acropole ! Il s’agit bien d’un écho qui a perdu la voix d’origine – jamais sa voix, celle de Narcisse à l’origine –, condamnée à répercuter sans cesse les échos des échos, embrouillés à l’infini par leurs répétitions sonores, dissonantes. Platon décrit ici le discours de tout démagogue, donc forcément aussi celui de Donald Trump et aujourd’hui de Doug Ford. Ce qui compte pour le démagogue, ce ne sont point les logoi, c’est-dire l’enchaînement des arguments en un discours logique mais bien au contraire sa fragmentation en une série de logorrhées où imprécations contre les ennemi(e)s et auto-encensements se chevauchent, déclenchant dans les viscères des auditeurs des passions irrépressibles comme la haine, l’exécration de l’Autre et la dévotion aveugle, fanatique à une cause idéologique préconçue telle que race, sexe, immigrant, etc. Comme nous l’avons vu chez Platon, huées et applaudissements s’entre-nourrissent, au point où les auditeurs/spectateurs, semblant en apparence applaudir le rhéteur, s’applaudissent en vérité eux-mêmes, devenant, par une sorte de borborygme ventriloque, l’écho de leur propre écho. Nous avons compris que la Pnyx, aujourd’hui, ce sont les Facebook, Twitter, Instagram qui font se répercuter, tout en délayant en « likes » et « smileys » les réactions des quarante millions d’adeptes, quarante millions de yes-men et de yes-women qui, ensemble, créent un volume d’échos certes incommensurables, mais tout aussi unanimistes.

Revenons encore au texte de Platon. Dans sa suite, le philosophe s’interroge comment l’auditeur/spectateur, surtout le jeune, immergé qu’il est dans un tel discours-spectacle, pourra-t-il résister sans se laisser entraîner par les flots logorrhéiques qui, par un effet ventriloque, semblent émaner du corps même de l’auditeur :

En pareil cas, que devient, comme on dit, le cœur d’un jeune homme ? Quelle éducation privée [ou politique] résisterait et ne serait emportée dans ces flots de blâme et de louange au gré du courant qui l’entraîne.

Narcisse et Platon entre Être et Paraître

C’est que Platon voudrait arracher ce jeune aux flots changeants de la politeia athénienne du temps dont il est prisonnier, comme le sont les habitants de la caverne, véritables « caves » des constitutions politiques actuelles (Politeiea, VII, 515c  sq.). Pour Platon, sortir de cette prison psycho-politique signifie détourner son regard du monde ambiant sensible, monde des apparences, des opinions (doxa) où tout est changement (metabolè), pour le tourner vers ce qui est stable, reste immuable donc éternel, à savoir le monde des Idées. Ce nouveau regard en direction des Idées, Platon l’appelle théoria, « contemplation ». C’est là le point d’ancrage, le point d’Archimède où Platon voudra arrimer sa politeia.

Ce n’est pas le lieu ici d’analyser la structure de l’« État » platonicien. Poussons plutôt plus loin la question de l’Être et du Paraître, amorcée avec le mythe de Narcisse, mais cette fois en le confrontant avec la philosophie platonicienne.

Nous l’avons noté : Narcisse préfère son Paraître, son apparence, sa persona, son reflet à son Être, sa personne physique en chair et en os. Le texte des Métamorphoses d’Ovide (III, 417-418) est très clair là-dessus :

Il aime un espoir sans corps (spem sine corpore amat), prend comme corps une ombre.

Il est ébloui (adstupet) par sa propre personne et, visage immobile (vulutque immotus),

reste cloué sur place (haeret), telle une statue en marbre de Paros.

On constate dans ce beau texte que le corps physique de Narcisse est comme « avalé » par son « ombre », son « reflet » – umbra voulant dire les deux –, « aimant un espoir sans corps »,  « espoir » qui toujours précède, à jamais hors d’atteinte, contrairement à l’ombre qui suit. On assiste ici sur le vif à la « narcose de Narcisse », analysée jadis par Marshall McLuhan dans sa Galaxie Gutenberg (1962). La contemplation de sa propre image – un autre genre de théoria –, comme par l’absorption d’un stupéfiant, met Narcisse dans une transe narcotique, littéralement « stupéfait » (adstupet) par son propre reflet. Rappelons que la fleur de narcisse en laquelle Narcisse se métamorphose à la fin, contient un puissant narcotique qui, pris à fortes doses, peut être mortel. Morale de l’histoire : Narcisse meurt d’une overdose de lui-même. Le meilleur antidote (pharmakon) pour Narcisse et, de façon générale, contre le narcissisme, c’est de tourner son regard vers l’Autre. Comme l’a bien souligné le jeune Gide dans son Traité du Narcisse (1892), il suffit simplement que Narcisse retourne son regard, le détourne de son image létale pour être guéri de sa narcose du Moi.

Le mythe de Narcisse, avons-nous dit, pose la question de l’Être et du Paraître, de l’Original et du Double. Par sa « révolution », Platon en a changé radicalement la donne de départ. Otto Rank, disciple de Freud, dans son Don Juan et le double (1932), a avancé l’idée reprise par Edgar Morin (L’homme et la mort, 1951) que l’ombre a été la première, la plus primitive représentation de l’âme humaine, âme extérieure, immatérielle, susceptible de survivre à la mort du corps. Ce qui voudrait dire que le mythe de Narcisse tel que raconté par Ovide est une élaboration rationalisante ultérieure, puisque le narrateur, surmoi adulte, y veut faire entendre raison à l’adolescent de ne pas se laisser duper par un simulacre fugace : « Naïf, pourquoi vouloir saisir une image qui sans cesse te fuit » (Métamorphoses, III, 432). Or, inspiré probablement par le pythagorisme, Platon change radicalement la donne de l’ombre en intériorisant cette image inconsistante, ce reflet, tout en rehaussant, en valorisant hautement leur fonction en les transformant en psukhè/âme : l’image qualifiée de fugace chez Ovide, le paraître du monde sensible dit quotidiennement « monde réel », ainsi intériorisée et faite essence (ousia), devient du coup chez Platon Être, Original, Paradigme, idéal et immobile, dont le monde sensible à l’inverse se mue en image floue, flottante, fugace. Pour cette psukhè/âme, prisonnière qu’elle est du corps  --- considéré comme son cercueil--, la mort,  cessant d’être une fin, devient le début de sa véritable Vie, essentielle, après la montée de l’âme vers l’empyrée, règne des Idées, montée articulée à travers différents mythes platoniciens dont l’attelage ailé du Phèdre est sans doute le plus célèbre.

Mensonges et politique

Voilà le terrain préparé pour qu’on aborde la question du mensonge dans le régime d’un président narcissique, question posée d’entrée de jeu.

Mais avant de nous y atteler, jetons un dernier regard sur Platon pour ce qui est de cette question du mensonge. Le mensonge étant un écart entre une opinion émise et une vérité communément acceptée (selon T.S. Kuhn) ou un fait réputé vrai, le mensonge chez Platon dure tant que l’écart entre l’Idée et le monde sensible existe : ici sur terre, nous vivons en permanence dans un mensonge métaphysique ; seul le philosophe, via la contemplation des idées (théoria), peut, à des moments privilégiés, entre-apercevoir cette Vérité.

On s’en doute, Narcisse est aux antipodes du philosophe platonicien. On pourrait dire qu’il est un menteur ontologique, parce que, par sa nature même, il tient ou tombe avec ce mensonge. Il ne servait à rien que le narrateur des Métamorphoses l’admoneste à ne pas tomber dans le panneau des apparences, Narcisse vit dans et par le mensonge. Si ce n’était pas incongru, on dirait presque que Narcisse est un « martyr » du mensonge. Il vit et meurt pour ce mensonge.

Pour ce qui est du personnage narcissique, il hérite largement du « mensonge ontologique » de Narcisse. Est « mensonge » ou « mensonger » pour lui, tout ce qui n’est pas lui ou n’émane pas de lui, parce que la Vérité c’est lui. Tout ce qui le contrarie, l’oppose, le contredit est mensonge. De là la fréquence exponentielle du mot fake dans ses discours ou ses tweets. Mot d’origine incertaine, mais certains linguistes pensent qu’il pourrait dériver de l’allemand argotique, du langage interlope, venant de fegen, signifiant dans son sens courant « balayer », « nettoyer » et dans son sens dérivé « voler », « tromper » : on balaie à fond, on nettoie au point que même le ou les objets disparaissent ! Même en français courant ce sens est présent dans la locution « il a nettoyé son assiette », disant par là qu’« il a tout avalé, sans rien laisser ». Dans le vol au sens de « larcin »,  l’autre sens (« envolée ») reste présent : la légèreté de l’objet, disparaissant rapidement comme par lévitation ; ce double sens est aussi actif dans le mot latin correspondant, furtum (de là notre furtif). Dans subtiliser, euphémisme pour voler, on souligne la « sublimation », donc la disparition quasi inhérente à la matière, sans aucune présence de la main voleuse.

Voyons comment tout cela s’opère chez le personnage narcissique. Ce dernier accuse de « fake » les nouvelles émanant des autres, plus particulièrement des médias « sérieux » qui croisent doublement ou triplement (counter-check) leurs informations – le New York Times, le Washington Post, CNN –, dans un premier temps pour les discréditer en les qualifiant de « fausses », « fallacieuses », « mensongères », quelques-uns des sens que peut porter fake. D’ailleurs l’anglo-saxon, particulièrement américain, abonde en synonymes pour fake : sham, phoney, bogus, forged, counterfeit, mock, feigned et la liste continue… Or, le personnage narcissique, menteur ontologique, ne saurait s’arrêter à ce sens commun de fake. Derrière lui se mobilise l’autre sens, évoqué plus haut : « voler » dans le sens de faire disparaître subrepticement, purement et simplement l’« objet » qualifié de fake. Comme Narcisse a jeté son dévolu sur l’apparence pure, considérée par lui comme son « vrai corps », le personnage narcissique met en cause non seulement la nature mensongère de l’objet – comme fausse représentation –, mais son existence même, donc sa base « ontologique ». En éradiquant complètement la vérité de l’Autre, il s’auto-statufie en « Vérité », prenant pour « vérités » ses avis les plus farfelus, apparemment les plus mensongers, mais crus par ses adhérents comme des « vérités » irrévocables avec une sorte de « foi du charbonnier ».

On s’en doute, cette transvaluation (Umwertung) radicale du faux et du vrai, à laquelle on retire la possibilité même d’un fondement ontologique, ne manque pas d’avoir des conséquences redoutables sur la gouvernance d’un État. Cernons maintenant les conséquences politiques qu’aura un personnage narcissique qui accède au pouvoir d’un État souverain.

Comme nous l’avons montré dans État-nation, tyrannie et droits humains. Archéologie de l’ordre politique (Liber, 2017), la « souveraineté » est le point d’arrimage, le « pivot », dira Bodin, de l’État souverain moderne. On sait que Bodin, dans Les six livres de la République (1574), crée cette instance de la souveraineté pour mettre l’État au-dessus de la mêlée chaotique des guerres de religion et des querelles dynastiques. Certes, vu la situation politique de la France en 1574, il veut un souverain absolu, c’est-à-dire « absous de la puissance des lois » (Bodin, I, chap. 8), non entravé par les lois, les siennes propres et celles des autres ; mais non sans pour autant poser des garde-fous au souverain au-dessus de la loi : les « lois naturelles » devenues chez nous droits humains et droits civiques, et surtout une parole fiduciaire dont le souverain se porte garant, socle de l’État de droit (rule of law). Bodin a bien compris que la loi se distingue du contrat en ce que ce dernier se conclut entre deux partenaires par une parole donnée de l’un à l’autre, ce qui implique qu’un contrat consenti entre les deux ne saurait être rompu unilatéralement sans l’accord explicite des deux : « Et ne peut l’une des parties y contrevenir [contre le contrat], et sans le consentement de l’autre ; et le Prince en ce cas n’a rien par-dessus le sujet ( I, chap. 8). » Étant sur un pied d’égalité avec le sujet, le souverain perd sa souveraineté, cessant d’être au-dessus de la loi, une fois engagé dans un contrat. Rousseau en a tiré les dernières conséquences dans son Contrat social.

Nos démocraties parlementaires étant de plus en plus contractuelles (voir John Rawls, Théorie de la Justice), la parole donnée y joue un rôle central, devant être respectée comme une chose sacrée, surtout venant du « souverain » – président ou premier ministre, etc. –, garant suprême d’une telle parole. C’est ce que Bodin avait déjà pressenti en son temps : « Car la parole du Prince doit être comme un oracle, qui perd sa dignité quand on a si mauvaise opinion de lui, qu’il n’est pas cru s’il ne jure, ou qu’il n’est pas sujet à sa promesse, si on ne lui donne de l‘argent (I, chap. 8). »

Le psychodrame narcissique du dernier G7

Le psychodrame qui vient de se jouer en ce début de juin 2018 en Charlevoix lors du sommet du G7 doit être décodé sur cette toile de fond qu’on vient de tisser. D’un côté, les six qui croient à la parole donnée, au contrat conclu (déclaration commune), authentifié par leurs signatures apposées en bas du document. De l’autre, Donald Trump qui l’a signé aussi dans un premier temps. Dans l’entrevue officielle, tout semblait « baigner », et Trump donnait 10 sur 10 à Justin Trudeau pour leurs bonnes relations. Or, une fois envolé dans l’Air Force One, il retire son accord dûment signé. Il expliquera en tweetant que Trudeau, lors de sa conférence de presse, a fait « de fausses déclarations ». Dans un deuxième tweet, il en rajoute une couche : « Justin Trudeau a agi de façon si docile (meek) et douce (mild) […] pour dire ensuite qu’il ne se laisserait pas bousculer. Très malhonnête (dishonest) et faible (weak). » Réactions catastrophées autour du Monde : déclin de l’Occident – annoncé depuis Spengler –, chaos, fin de l’ordre mondial. Trump a réussi son coup, celui de Narcisse, il est devenu l’acteur principal d’un spectacle global, diffusé urbi et orbi, l’urbs, jadis la ville de Rome, c’est lui maintenant, le centre d’attention mondiale : son centre étant là où il se trouve. Des conséquences négatives futures, il n’en a cure, car Narcisse vit au présent…

Reniement de contrats, non-respect de signatures, c’est dans la nature même de Narcisse. Car Narcisse n’entend que l’écho de sa propre voix. Les autres, même s’il les écoute, il ne les entend pas. Il ne connaît que le monologue, le dialogue ne fait pas partie de son vocabulaire. Ici il faut se rappeler la photo devenue virale, ayant fait le tour du monde : Angela Merkel – la doyenne des souverains du G7 - les deux mains appuyés sur la table avec les autres leaders politiques debout tout autour, et penchée vers Donald Trump qui, seul assis dans un fauteuil, a les bras croisés, le visage bougon, renfrogné, comme un élève sermonné par sa maîtresse. Décidément, Trump s’est fait pousser par les six dans ses derniers retranchements. Il était d’abord fâché contre lui-même, puisqu’il a cédé à la pression des autres, les a écoutés ; pis, il a obéi aux autres : c’est contre sa nature. Une fois seul dans l’avion, son naturel est revenu au galop. Pour les autres, il  a renié son engagement, dûment signé, alors que pour lui, tout seul, cet engagement était fake dans le sens de « volé » (renforcé par le vol d‘avion !), non existant.

Du coup la situation se retourne : il n’a jamais menti, ou s’il a menti, c’était dans un moment de faiblesse (weakness), d’aliénation au sens premier du mot, lorsqu’il s’est fait imposer de force la voix des autres. Le grand menteur, ce n’est pas lui, c’est Justin Trudeau : ce dernier devient le bouc émissaire (Sündenbock) sur lequel il projette publiquement ses propres faiblesses, celle notamment d’avoir cédé aux autres : oui, il a été « docile et doux » (meek and mild) et « malhonnête et faible » (dishonest and weak) au regard de sa propre nature narcissique. Pour disculper publiquement leur patron des incohérences qu’on lui reproche, les conseillers vont jusqu’à réactiver la Dolchstosslegende (légende du coup de poignard dans le dos) qui avait fait merveille du temps de Hitler : « Trudeau stabbed us in the back », Larry Kudlow, son conseiller économique dixit. Ce dernier a d’ailleurs été frappé, après avoir proféré ces mots, par une attaque cardiaque ! Et avec le regard tourné vers la droite fondamentaliste, Peter Navarro, autre conseiller, surenchérit : « There’s a special place in hell for any foreign leader that engages in bad faith diplomacy. ! Voilà Trudeau relégué aux Enfers, sans espoir d’un Purgatoire !

Il ne fallait surtout pas oublier que le G7 n’était pour Donald Trump qu’un tremplin vers Singapour, où a eu lieu la rencontre avec le dictateur d’un des pires États totalitaires, des plus sanguinaires du globe, Kim Jong-un, que Trump a déjà qualifié d’« honnête » et, après leur rencontre, comblé de superlatifs tels « très talentueux », « très intelligent » et « très bon négociateur », qualificatifs d’habitude conférés aux amis. D’ailleurs, Donald Trump avait fait déjà des yeux doux à d’autres dictateurs, comme Vladimir Poutin qu’il  aurait voulu voir invité au G7. Trump adore les « hommes forts », « décisionnistes » (Carl Schmitt), dont les ordres sont illico exécutés, qui n’ont pas à se tracasser des fake news, de la « critique négative » cherchant la petite bête parce que leur Journal officiel s’appelle justement Pravda (« Vérité ») ; ces autocrates qui n’ont pas à s’embarrasser de tous les palabres des parlements (parlement vient de parler). En se référant à la réunion du G7, Poutin ne parlait-il pas de « babillage inventif » ?

Narcisse alors parmi les dictateurs ? Il veut, il doit paraître aussi fort qu’eux. Selon le conseiller Kudlow, Trump, « trahi par le premier ministre canadien, était obligé de réagir pour empêcher d’être vu comme faible avant sa rencontre avec Kim Jong-un ». Paraître « homme fort » parce qu’il a osé humilier le plus « gentil » (meek and mild) des participants… une fois seul en vol, une fois tourné le dos aux personnes en chair et en os. Décidément, Narcisse politicien préfère le Paraître à l’Être.

Renversement d’un paradigme politique occidental fondamental

On assiste donc à travers ce psychodrame narcissique à un renversement fondamental des valeurs politiques qui ont eu cours en Occident depuis l’Antiquité grecque. En effet, depuis Platon en passant par Dante et Bodin, la véritable  place des tyrans et des dictateurs a toujours été l’Enfer. Écoutons la comparaison que Bodin établit entre le bon souverain (« monarchie royale ») et le tyran/dictateur (« monarchie tyrannique ») : « L’un (le bon roi) attend la vie heureuse ; l’autre (le tyran) ne peut éviter le supplice éternel. L’un est honoré en sa vie et désiré après sa mort ; l’autre est diffamé en sa vie et déchiré après sa mort. » (Les six livres… ; L. II, chap. IV) Dans le « New Deal » narcissique de Donald Trump, à l’inverse, on voue aux gémonies les bons souverains qui respectent scrupuleusement les droits des citoyens et les droits humains, alors que le dictateur qui laisse croupir près de 200 000 hommes et femmes, des familles entières, dans ses goulags, devient un ami respectable auquel on serre, devant les caméras du monde entier, chaleureusement la main, « ami » qu’on élève au Ciel d’une reconnaissance politique internationale, avec la devise « In Kim we trust ! » Triste spectacle vu ainsi dans une perspective longue de plus de deux mille ans !

Revenons à Narcisse. Pour ce dernier, menteur ontologique, le mensonge n’existe pas puisqu’il ne connaît qu’une Vérité (Pravda), qui est lui-même, sa vérité, mais qui est au fond tromperie, duperie volontaire/involontaire sur sa vraie nature : le cercle vicieux est total. Il sait fort bien, c’est seulement dans un régime autoritaire qu’il pourrait imposer cette « vérité » par un claquement des doigts. Heureusement pour lui, dans nos démocraties occidentales, il y a depuis quinze ans les médias sociaux – dont il est d’ailleurs la créature –, médias qui captent et amplifient ses désirs, ses pulsions, faisant de ces échos multipliés des quasi réalités : 40 millions d’échos, c’est un quasi plébiscite : imaginez, la population du Canada ! Mais puisque nos démocraties occidentales reposent de plus en plus sur les contrats, à savoir des paroles données réciproquement, échangées, le mensonge élevé en règle de gouvernance les tuerait carrément dans l’œuf. Le point d’arrimage que Platon a cherché jadis pour sa politeia au Ciel, nos démocraties l’ont trouvé dans la parole fiduciaire du souverain, garante dernière des paroles données, fondement de notre vie politique. Depuis Bodin, tous les grands philosophes politiques modernes, de Grotius, Hobbes, Locke en passant par Kant, ont souligné l’importance vitale de la « véracité », condition de possibilité de nos États de droit. Le vieux Kant est sorti de ses gonds lorsqu’il a vu Benjamin Constant défendre le mensonge dans un État, fût-ce par « humanité » : « La véracité (Wahrhaftigkeit) est un devoir, on doit le considérer comme le fondement de tous nos devoirs qui doivent se fonder sur un contrat, et sa loi chancelle et devient inutile si on lui concède la moindre exception[4]. »

C’est sur cette citation que se termine notre État-nation, tyrannie et droits humains, assorti du commentaire suivant, écrit en mars 2017 (p. 384, citation légèrement modifiée) :

Alors que nos systèmes démocratiques sont minés par les médias dits « sociaux », règne des rumeurs et de l’alternative truth, et que des ennemis des États se servent de ces systèmes pour déstabiliser ces États, on voit les risques graves et imminents pour nos démocraties. Il est à craindre que l’ère de la post-vérité inaugurée n’annonce une ère post-politique où Big Brother tweetera dans toutes les chaumières ces post-vérités que chacun boira comme parole d’Évangile.

Heinz Weinmann

Heinz Weinmann

L’auteur vient de publier  l’essai État-nation, tyrannie et droits humains. Archéologie de l’ordre politique (Montréal, Liber, 2017).

 

 


[1] Brandy X. Lee et Robert Jay Lifton (dir.), The Dangerous Case of Donald Trump, Thomas Dunne Books, 2017.

[2] Platon, La République, VI, 492 b-c ; trad. Émile Chambry, Les Belles Lettres, 1996.

[3] Voir également le même constat dans Euthydème, 303 b : « Alors, si je puis dire, les colonnes mêmes du Lycée applaudirent les deux hommes [Ctésippe et Dionysodore, les deux dialoguistes]  témoignent leur joie ».

[4]  Kant, D’un prétendu droit de mentir par humanité, 1797.

[5]

 

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