Revue Relations de juin 2017

Hélène Laberge

Dans le numéro de juin de la revue Relations intitulé Amériques : La longue marche des peuples autochtones, dont il faut signaler la remarquable page couverture de l’artiste invitée Euroma Awashish, nous nous sommes arrêtés à deux articles sous la signature du théologien André Beauchamp et du philosophe Jean Bédard.


André Beauchamp nous présente Masques africains et culture québécoise. La collection Ernest Gagnon, (1945-1975) publié chez Fides en 2016.

Le Père Ernest Gagnon avait rassemblée au cours de sa vie une collection unique de masques africains. Pierre Pagé et Renée Legris (décédée en 2016) qui ont été ses élèves et amis ont écrit une véritable somme sur ce professeur d’art et de littérature, et surtout ce grand collectionneur dont « les recherches sur l’art africain se situent dans la ligne des meilleures recherches anthropologiques et ethnographiques du XXe siècle. Ernest Gagnon possédait 500 masques. Avec une équipe de professeurs dont faisaient partie les deux auteurs, il a créé en 1967 le Musée d’art primitif, rebaptisé plus tard Musée des arts africains et océaniens (…) en 1975 la collection sera léguée au Musée des Beaux-Arts de Montréal. »

Les lecteurs apprécieront « la profondeur de l’analyse d’Ernest Gagnon (décédé il y a 40 ans), et l’ouverture qu’il manifeste à l’égard des traditions religieuses différentes de la sienne mais dont il essaie de comprendre le dynamisme et la richesse. Voilà un très beau livre, à lire et à relire, à regarder encore et encore. »

On me permettra un souvenir personnel. Lors d’un stage sur les arts qu’adolescente je fis au Centre d’Art Orford (dont le nom patrimonial vient d’être changé en un banal Orford Musique!), le Père Gagnon avait été invité comme professeur d’art. Dans ce site si beau et au cœur d’un été ensoleillé, quelle poésie enchanteresse se dégageait de ses propos. Par la suite, son livre L’Homme d’ici nous avait permis de retrouver cette profonde joie. Tous les stagiaires de cet été la gardent aussi le souvenir d’un prêtre attentif à chacun d’entre eux avec une bonne grâce inoubliable.

Patrick Imbert dans un compte-rendu sur L’homme d’ici ou Le Sacré, greffé sur la nature nous apprend qu’il fut publié en 1952 et réédité en 1963 enrichi de deux textes : Visage e l’intelligence et l’Infantilisme religieux « empreints d’un solide bon sens et d’une foi adulte rejoignant les mystères les plus profonds. (…) Un ouvrage à la fois personnel et universel, une relecture conclut-il, permet de renouveler la méditation sur notre propre condition. » Lettres québécoises, avril mai 1977.

En tête de son article Ma Patrie sauvage, l’écrivain et philosophe Jean Bédard cite Plotin : « Le propre de la philosophie c’est de nous rendre à notre véritable patrie.» L’homme de nature qu’est aussi l’auteur déplore d’abord la vague de suicides chez les Innus et à Uashat-Maliotenam. En remontant l’histoire (contaminations virales, épuisement des grands arbres centenaires et des espèces animales, sédentarisation forcée et confinement dans les réserves, abus des enfants dans les pensionnats et les grands déracinements, « nous continuons à maintenir un système d’apartheid (…) » Il se demande « comment nous en sommes arrivés là. »

Il raconte comment alors qu’il s’était perdu dans les bois au Nord de Natashquan un jour d’hiver, il fut sauvé par une vieille Innue assise auprès d’un feu en train de faire griller une viande. Et c’est elle qui lui révèle la relation que l’être humain doit entretenir avec la nature : : « Tant que tu ne sauras pas que tu es fait de la même matière, du même esprit et du même art que le bouleau et le lièvre, tu seras un exilé sur Terre. » (…) Je compris que chez nous « nous nous voyons en pèlerinage soit entre deux néants, soir entre deux firmaments- des itinérants éphémères. Nous voyons notre corps comme l’étranger de notre âme. (…) Nous ne semblons pas savoir que nous partageons le destin commun de tous les vivants. » Pour conclure ou plutôt pour ouvrir un même avenir, Jean Bédard écrit « notre remède est dans leur cœur, e c’est en allant le chercher, chez eux, que les Autochtones prendront conscience qu’ils forment le socle de notre patrie commune. Fiers de ce qu’ils sont, ils nous ouvrent les portes d’un avenir qui ne peut être possible qu’avec la nature. »

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