Radiation : Des dépistages aux accidents nucléaires
Introduction
Le sujet fut d’actualité sur la scène mondiale de l’environnement et de l’énergie au printemps 2011 marqué par la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima au Japon. Mais c’est aussi l’occasion de jeter un regard sur nos propres habitudes de consommation de tests radiologiques et du risque des radiations qu’ils comportent. Dans les sociétés industrialisées la majorité des irradiations subies par les habitants sont d’origine médicale même dans les pays dotés de centrales nucléaires.
L’unité
L’unité d’exposition à une radiation ionisante est le sievert, abréviée Sv. Un millième est un milli sievert, abrévié mSv. Un millionième est un micro sievert, abrévié µSv. Cette unité fut proposée par le physicien médical suédois Rolf Sievert et adoptée par le Système international. Les Américains utilisent souvent le rem équivalent à 10 mSv soit un centième de Sv. Un millirem équivaut donc à 10 µSv.
Commençons par les risques faibles exprimés en micro sievert
0 µSv en utilisant un téléphone cellulaire
0,09 µSv en demeurant une année dans un rayon de 50 milles / 80 km d’une (bonne) centrale nucléaire
0,25 µSv est la limite supérieure permissible des scanners corporels imposés aux passagers dans certains aéroports
1 µSv suite à une radiographie du bras. Ou encore suite à l’utilisation d’un moniteur à écran cathodique pendant une année
2 µSv dans le voisinage d’une (bonne) centrale nucléaire. Ce fut aussi le cas chez les Français en 2000 après les pluies contenant de la radioactivité transportée par les vents en provenance de la région de Tchernobyl, risque nié au début par les autorités françaises.
5 µSv par une radiographie dentaire ou de la main – On a noté une légère augmentation de l’incidence des tumeurs du cerveau chez ceux qui ont été fréquemment exposés à des radiographies dentaires, notamment celles dites panoramiques et notamment chez les enfants
20-40 µSv par une radiographie des poumons (plaque simple du thorax en jargon médical)
30-40 µSv durant une envolée New-York Los-Angeles ou Paris New York
83 µSv par une radiographie du bassin. Ou encore chez un américain vivant dans un rayon de 16 km (10 miles) de la centrale Three Mile Island lors de son accident en 1979
Passons aux risques exprimés en milli sievert
1 mSv est la limite annuelle recommandée par l’Environmental Protection Agency pour chaque citoyen américain
2,5 mSv est la dosse moyenne annuelle en France
3 mSv par mammographie; c’est une des raisons pour lesquelles ce test de dépistage chez des femmes saines est maintenant déconseillé car un usage répété peut paradoxalement se transformer en facteur de risque de cancer que cette technique vise à détecter; il faut limiter les expositions car le tissu mammaire est particulièrement sensible aux radiations ionisantes. La mammographie pour compléter un examen révélant une bosse suspecte est toutefois justifiée ainsi que chez une femme à haut risque, malgré l’irradiation, selon des épidémiologistes impartiaux; on parle alors de mammographie à visée diagnostique.
3,65 mSv est la moyenne américaine de radiation d’origine médicale
5,8 mSv par un scan du thorax; il est clair que le scan est beaucoup plus irradiant que la radiographie conventionnelle.
6 mSv en passant une heure sur le terrain de la défunte centrale de Chernobyl (Russie) en 2010 comme touriste à la recherche du macabre
9 mSv d’exposition annuelle pour le personnel de l’air d’un vol comme New York-Tokyo
Passons aux risques élevés
10-25 mSv lors d’un scan corporel entier. Des centaines de fois plus dangereux qu’une radio des poumons. L’usage de ce test chez une personne saine est à déconseiller dans le cadre d’un simple programme de dépistage, de bilan médical annuel, comme en offrent des cliniques de radiologie privatisées. D’autant plus qu’environ 4/5 des anomalies éventuellement décelées peuvent constituer des faux positifs. Il a cependant sa place chez un patient chez qui on cherche des métastases à distance; il n’est plus alors question de dépistage mais de diagnostic.
20 à 50 mSv est la dose annuelle maximum permise chez les employés exposés à des radiations. 50 mSv fut aussi la dose reçue en 10 minutes par les employés proches du réacteur de Chernobyl après son explosion et sa fusion.
100 mSv est la plus petite dose annuelle clairement associée à une augmentation du risque de cancer dans une population
250 mSv est le plafond annuel, révisé à la hausse, qu’il fut décidé d’utiliser chez les employés de la centrale de Fukushima au début de la crise japonaise. Ses techniciens, volontaires sont des héros.
250 mSv à 1 Sv reçus la même journée sera symptomatique: nausée, inappétence, lésions sanguines, ganglionnaires, spléniques. Souvent réversibles.
400 mSv durant 4 heures sera symptomatique et pourra causer des lésions
1 Sv causera pathologies ou cancers dans plus de 5% des exposés
1-3 Sv causera de graves pathologies, i.e. un sévère syndrome de radiation et quelques cas sont fatals. Nausée, inappétence; lésions des cellules sanguines, des ganglions, de la rate, pas souvent réversibles
3-6 Sv vont causer un très sévère syndrome, dont on survit occasionnellement après un traitement immédiat. Nausée et inappétence sévères, hémorragies, infections, diarrhée, stérilité, décollement de la peau, mort. 5 Sv est mortel chez 50% des exposés dans les 30 jours
6-9 Sv constituent une exposition habituellement fatale même avec traitement, le cerveau est atteint. Quand l’on a rapporté un taux d’irradiation de 8,217 Sv par heure par le réacteur 2 de la centrale de Fukushima, cela équivalait à 25 000 fois l’exposition horaire naturelle des Américains qui est de 0,34 µSv.
10 Sv est une dose incapacitante et rapidement fatale chez 100% en quelques jours
Conclusion
Si le Japon a des problèmes incontrôlables depuis le tremblement de terre avec tsunami à la centrale nucléaire de Fukoshima au printemps 2011, les citoyens du monde développé devraient y penser deux fois avant d’inclure un scan corporel entier dans le cadre d’un bilan médical offert par des cliniques privées.
Les femmes devraient y penser deux fois avant de se fidéliser à des mammographies périodiques de dépistage, surtout si elles ont moins de 50 ans ou plus de 69 ans et sont sans histoire familiale ou personnelle, car il y a des faux positifs, des faux négatifs, des erreurs et des difficultés d’interprétation, en plus des radiations. Elles doivent s’enquérir des conséquences indésirables et prendre en compte l’absence de preuves d’une prolongation de l’espérance de vie chez les bien portantes dépistées. Ce dépistage est déconseillé par les experts indépendants même si des institutions en conflits d’intérêt le recommendent encore.
Pierre Biron
Mars 2017