Le provincialisme, ou l'indolence politique
Les grandes républiques naquirent d'événements fondateurs. Les républiques française et américaine, pour en nommer les deux plus connues et les plus universelles par leurs ambitions, partirent de l'élan d'une révolution qui, en France, fit table rase de l'ancien régime, et aux États-Unis, délivra treize colonies de la tutelle de la Couronne anglaise. Ces deux révolutions posaient les assises d'un ordre nouveau et en vinrent à figurer l'origine à partir de laquelle tout commence, tout doit être pensé et comparé. En cela, elles étaient fondatrices. Pour perpétuer la mémoire de la fondation de leur république, les Français et les Américains ont en héritage des oeuvres, dont plusieurs marquées du sceau du génie, qu'ils lisent et relisent, de génération en génération, au collège, au lycée et à l'université, et qui ont servi de matière à un nombre incalculable d'études et de thèses. Les muses de la révolution française sont nombreuses: Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Sieyès, Condorcet, etc. Ses critiques aussi: Constant, Chateaubriand, De Maistre, et l'Anglais Burke. Les Américains ont aussi leurs génies politiques: pensons au triumvirat de Hamilton, Madison et Jefferson, dont les articles publiés sous le pseudonyme de Publius furent colligés dans un recueil devenu fameux, The Federalist. D'autres oeuvres, comme le Bien public de Paine et les Mémoires de Franklin, s'ajoutent au fonds commun national.
Le Québec, qui n'est pas une république et qui se garde bien de le devenir, ne semble pas avoir connu de fondation. Bien sûr, son existence remonte à une fondation coloniale, qui est la paternité d'un navigateur, Samuel de Champlain, envoyé en Amérique [par Henri IV] (**), pour créer quelques établissements dans l'immense territoire dont François 1er avait pris la possession sans vraiment le coloniser. Ce n'était toutefois pas une fondation politique, au sens que lui donnerait le XVIIIe siècle, et que la philosophe Hannah Arendt a magnifiquement mis en lumière dans son Essai sur la révolution (1). La fondation politique moderne est la création d'un ordre politique nouveau, par les représentants légitimes du peuple qui, réunis en assemblée, conviennent sur une base volontaire et raisonnée, des principes et des règles permanents de la collectivité. Jusqu'en 1867, le Québec fut une colonie - cela est vrai quels qu'aient été son statut et sa dénomination: Nouvelle-France, Province of Quebec, Bas-Canada - dont la liberté politique et l'existence dépendaient de l'octroi d'une Couronne étrangère. Le Dominion of Canada que John A. MacDonald et George Étienne Cartier appelèrent de leurs voeux, exaucés par le Parlement de Westminster en 1867, ne fit pas exception à cette règle. En dépit de l'absence d'une véritable fondation politique, le Québec a-t-il connu dans son histoire un Rousseau ou un Jefferson, dont les textes pourraient former nos écoliers et nos intellectuels à la connaissance de la démocratie?
À bien examiner notre fonds commun, aucun homme politique, aucun penseur ne semblent pouvoir soutenir la comparaison avec ces figures illustres. Notre histoire politique ressemble à une grande bibliothèque vide. Seules garnissent notre bibliothèque politique des oeuvres venues d'ailleurs, comme si le Québec, absorbé par la contemplation de ses particularités nationales et de son histoire locale, était incapable de produire une pensée digne d'accéder à l'universalité.
La publication récente d'une quarantaine d'interventions publiques de Louis-Joseph Papineau me permettra de tempérer ce jugement un peu sévère. S'il y a un moment dans notre histoire où une véritable fondation politique aurait pu survenir, c'est bien cette période s'échelonnant de 1833 à 1840, qui vit germer le rêve d'une république du Canada, échouer une révolution et triompher une restauration monarchique qui priva en 1840 le Bas-Canada de sa liberté politique. On connaît l'inspirateur de cette république, quoiqu'il n'en fût pas le seul, en tant que tribun, chef de parti, seigneur et exilé. On acclame en Papineau le héros, ou vilipende le seigneur libéral, cet admirateur des libertés anglaises devenu un républicain, pour ses contradictions et ses parts d'ombre. Est-il possible de voir en lui autre chose qu'un mythe? Les lecteurs des discours de Papineau choisis par Yvan Lamonde et Claude Larin seront surpris (2). Ils découvriront des discours riches et denses, élaborant peu à peu une synthèse entre républicanisme et libéralisme, synthèse d'autant plus originale qu'elle puise à trois grandes traditions politiques, anglaise, américaine et française. Papineau n'est certes pas un penseur ou un philosophe tardif des Lumières. Homme d'action avant tout, l'orateur réagit à la nécessité, à l'urgence des événements, et son éloquence, parfois grandiloquente, multiplie il est vrai les prouesses rhétoriques. Même si les discours de Papineau ne revêtent pas les qualités littéraires d'essais vifs, médités dans un cabinet, ils renferment une ampleur, une richesse d'idées qui ne justifient pas la triple agonie de l'indifférence, de l'oubli, voire du dédain où nos historiens et intellectuels les ont laissés.
Dans la quarantaine de ces discours, il en est un qui mérite quelque attention, car à lui seul, il dévoile l'envergure de l'homme et l'horizon de sa pensée. C'est la conférence que prononça Louis-Joseph Papineau à l'Institut canadien le 17 décembre 1867, d'emblée reconnue comme le testament politique du Patriote. Cette conférence est une énigme dans notre histoire politique (3). Le propos en est étrange et détonne sur les idées de l'époque. On imagine l'homme. À 81 ans, il est au crépuscule de sa vie, fatigué. Il n'a rien publié depuis octobre 1852. Or voilà que l'ancien seigneur accepte de sortir de sa retraite de Montebello, presque six mois après la proclamation par la reine Victoria de la loi créant le Dominion of Canada (4). Que dit le tribun, qui jadis avait galvanisé tout un peuple?
Dans son entrée en matière, Papineau ne souffle mot du nouveau régime venu au monde le 1er juillet. Il se comporte comme si la chose avait été un non-événement. De quoi Papineau entretient-il son auditoire? De liberté politique, de ces "bribes de liberté politique conquises durant un passé glorieux, dans des luttes parlementaires longues, ardues et périlleuses". Ayant rappelé l'objet des luttes de ceux qui comme lui ont défendu le pays contre le gouvernement aristocratique de l'Angleterre et contre une oligarchie locale, faible en nombre, nulle en mérite, Papineau rend hommage aux doctrines et aux hommes qui ont inspiré son combat. Il salue la Déclaration d'indépendance de 1776 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, tire sa révérence à Aristote, maître et fondateur de la science du gouvernement, pour se tourner vers Montesquieu et L'Esprit des lois, qui, à ses yeux, "font le plus d'honneur aux âges modernes et à la philosophie du 18e siècle".
Cependant, Papineau ne voue pas à l'auteur de L'Esprit des lois une admiration sans borne. Il reconnaît en Montesquieu un habile commentateur d'Aristote, non point un génie absolument original. Aristocrate ayant acheté sa charge de juge, et donc approuvé la vénalité des charges publiques, Montesquieu contredisait par sa carrière le républicanisme plus ou moins avoué de son oeuvre. Papineau soupçonne le célèbre Bordelais d'avoir "loué avec exagération la constitution anglaise, sans faire connaître exactement toute sa pensée". Il ajoute: "Évitant de spécifier le motif de son admiration, on l'a crue absolue et on l'a fort exagérée, surtout au Canada." Pour Papineau, la monarchie constitutionnelle anglaise est le gouvernement de l'aristocratie, et ses vertus sont moins nombreuses et moins grandes que ne le laisse croire le tableau idéalisé dépeint par Montesquieu. Ce dernier feignait de voir en Angleterre des perfections qui n'y étaient pas, pour ne pas dire toute l'imperfection de la monarchie absolue française.
Il est étonnant que Papineau sorte de son silence de quinze années pour se mettre à disserter sur Montesquieu, au lieu de commenter l'avènement d'un nouveau régime politique. Pourquoi donc? Mon hypothèse est que Papineau, fin lecteur de Montesquieu, sait que le principal objet de L'Esprit des lois est la liberté politique. Qu'on en relise les pages célèbres (5). En se réclamant de Montesquieu, Papineau rappelle à son auditoire que le combat des Patriotes et de tous ceux qui leur ont succédé en a été un pour la liberté politique, c'est-à-dire la faculté qu'ont tous les citoyens, sans distinction nationale, de participer aux affaires publiques et de se gouverner eux-mêmes. Plus étonnant encore est le ton de ce discours de décembre 1867, dépouillé de tout grief nationaliste. Papineau ne reproche pas au gouvernement anglais d'avoir ignoré la spécificité des Canadiens français et d'avoir tenté de les assimiler. Il accuse plutôt en lui une aristocratie violant les principes de sa propre constitution, qui a installé dans une de ses colonies une oligarchie sans mérite contre les droits du peuple. En somme, Papineau lègue à son auditoire deux grandes pistes de réflexion. Premièrement, le principal objet des constitutions est de garantir la liberté politique conformément au principe de légitimité des temps modernes. Deuxièmement, elles ne doivent pas flatter ou consacrer la différence ou le caractère distinct des nationalités au détriment de la liberté politique.
La référence à Montesquieu arrive comme un écho des débats politiques inaugurés à la fin du XVIIIe dans la Province of Quebec pour la conquête de la liberté politique. Montesquieu était apparu comme l'étalon de mesure du gouvernement légitime, que l'on invoquait tantôt pour dénoncer les travers de la monarchie coloniale, tantôt pour louer en elle la transposition parfaite de la constitution mixte anglaise, qui détache le pouvoir en trois éléments, le roi, les lords héréditaires et les communes représentant le peuple, censés s'équilibrer. En 1774, Fleury de Mesplet distribue dans la colonie l'appel du Congrès américain aux Canadiens voté à Philadelphie. L'appel les exhorte à prendre avec le peuple américain fait et cause pour la liberté et cite "l'immortel Montesquieu" pour les convaincre de l'injustice du gouvernement colonial, qui confond tous les pouvoirs en la personne du gouverneur. En 1791, l'éditeur de la Gazette de Québec, Samuel Neilson, salue la proclamation de l'Acte constitutionnel qui crée le Bas-Canada et incorpore les lumières de L'Esprit des lois (6). Montesquieu accompagne Pierre Bédard, fondateur du parti Canadien, et Étienne Parent, qui revendiquent le "gouvernement responsable". Tel une ombre, il se profile dans les quatre-vingt-douze résolutions de l'Assemblée législative du Bas-Canada, qui, en 1834, détaillent les entorses faites par le régime à la séparation des pouvoirs. Or, les pères dits "fondateurs" du Dominion de 1867 ne soufflent mot de Montesquieu dans leurs débats, lui préférant les lumières anglaises (7). Montesquieu était-il devenu gênant ou inutile? Papineau répondit que non, la république libérale du Canada était encore un rêve sans suite, et le Dominion n'était pas une vraie fondation.
Papineau nous offre également un lecture très perspicace de Montesquieu. Ce dernier n'a guère la réputation d'être un fervent républicain. Dans L'Esprit des lois, il décrit différents types de régimes, la monarchie tempérée, la république, la monarchie à l'anglaise, sans vraiment prendre parti, en postulant que le bien politique n'a pas de régime propre. Une monarchie peut être aussi bonne qu'une république pourvu que ses institutions observent une certaine modération et division des pouvoirs. C'est d'ailleurs cet apparent relativisme de Montesquieu, l'équanimité avec laquelle il accueille chaque régime, qui agaça bon nombre de révolutionnaires français, dont Mirabeau (8). Dans L'Esprit des lois, Montesquieu fait autant l'éloge du gouvernement monarchique à la française que de la vertu républicaine, qu'il définit comme "l'amour des lois et de la patrie". À elle seule, l'œuvre maîtresse du Bordelais ne saurait valider l'opinion de Papineau sur les penchants républicains de ce dernier.
Parallèlement à l'écriture de ses oeuvres, Montesquieu consigna dans des carnets de notes et des mémentos toutes les observations qui pouvaient lui servir pour ses différents ouvrages. Ces cahiers, publiés pour la première fois à Bordeaux en 1899, sous le titre Pensées et fragments inédits de Montesquieu, montrent l'auteur sous un autre jour. Ses opinions politiques y paraissent plus tranchées. Sans aller jusqu'à la condamner, il multiplie dans ses Pensées des phrases peu flatteuses sur la monarchie. En voici quelques exemples (9):
233. Pour prouver que les moeurs conviennent mieux à la bonne république qu'à la bonne monarchie: c'est que, dans les bonnes républiques, on dit: Nous, et, dans les bonnes monarchies, on dit: Moi.
234. Dans les monarchies, les choses qui sont en commun sont regardées comme les choses d'autrui, et dans les républiques, elles sont regardées comme les choses de chacun.
1800. Dans une monarchie bien réglée, les sujets sont comme des poissons dans un grand filet: ils se croient libres, et pourtant ils sont pris.
Il vaut la peine de citer le dernier paragraphe de la pensée no 232:
Il faut, pour former un état monarchique, une noblesse riche, qui ait de l'autorité et des privilèges sur un peuple pauvre: le luxe, la dépense, dans la noblesse; la misère, dans le peuple. Dans une république, où les conditions sont égales, chacun partage ou peut partager les richesses communes; chacun, ayant une honnête subsistance, jouit du fonds des biens de la nation et cherche à le grossir.
Sur la constitution d'Angleterre, dont L'esprit des lois vanta les vertus, Montesquieu prononce cette sentence (no 238): Quelle est donc la constitution d'Angleterre? C'est une monarchie mêlée [...] L'Angleterre, comme on a vu, incline plus vers la monarchie. Rome, où le peuple décidait et discutait les affaires, inclina vers la démocratie. À la pensée no 1883, Montesquieu décrit la corruption qui gouverne la vie électorale des bourgs et comtés d'Angleterre et qui atteint le parlement de Westminster. Bref, dans ses Pensées, Montesquieu semble moins en faveur de la monarchie à l'anglaise que de la république. Mais c'est là une simple inclination, car même dans ses Pensées, Montesquieu se défend bien de louer un régime ou un prince. En parlant de son ouvrage majeur, il dit: "Ce livre n'étant fait pour aucun État, aucun État ne peut s'en plaindre." (no 193). Il ajoute: "De tous les gouvernements que j'ai vus, je ne me préviens pour aucun, pas même pour celui que j'aime le plus, parce que j'ai le bonheur d'y vivre." (no. 201) La république de Montesquieu n'est point celle dont rêvera Rousseau dans le Contrat social, c'est-à-dire le modèle antique de la république spartiate, fruste et égalitaire. C'est une république fondée sur le gouvernement modéré et la vertu politique, une république libérale ouverte au commerce, lequel dissémine les lumières et adoucit les moeurs. Cette république là est celle-là même dont Papineau espérera l'avènement au Bas-Canada.
Il y tout lieu de croire que Papineau ne connaissait pas les Pensées de Montesquieu. Par quels détours et quelles suppositions Papineau put-il soupçonner en ce dernier un républicain déguisé? Il y a là un beau sujet de recherche, qu'il faudra approfondir un jour.
J'ai fait cette digression sur le testament politique de Louis-Joseph Papineau pour finalement arriver à mon propos central: le provincialisme. Qu'un peuple, en particulier ses élites, ait pu reléguer dans l'ombre, et pendant si longtemps, des textes de l'envergure et de la valeur de ceux qu'a laissés Papineau, mérite des explications. Voici ma thèse. Au Canada français, puis au Québec, liberté politique et reconnaissance identitaire ne sont pas toujours allées de concert. Elles se sont souvent opposées, voire ignorées, et les élites politiques québécoises ont souvent préféré la deuxième au détriment de la première. Et cette attitude, ce réflexe qui consiste à transiger sur la liberté politique pour recevoir en échange la reconnaissance de son existence nationale par le Conquérant ou le régime fédéral, doit recevoir un nom: le provincialisme.
Au XVIIIe et XIXe siècles, la liberté politique et la reconnaissance de la différence nationale étaient des revendications mêlées (10). Pour Louis-Joseph Papineau, comme en témoignent ses discours de années 1830 ainsi que les quatre-vingt-douze résolutions votées par l'Assemblée législative du Bas-Canada en 1834, la deuxième viendrait avec l'octroi de la première. Mais, au début de la démocratie québécoise, les deux ne s'accordaient guère: la liberté politique importait peu, pourvu que le sujet, loyal à la Couronne, ait la jouissance de ses biens, de ses coutumes, de ses lois et qu'il puisse payer librement sa dîme. Et si l'on regarde la démocratie québécoise contemporaine, liberté politique et différence nationale semblent connaître une curieuse mésalliance, au profit du provincialisme politique.
Encore aujourd'hui, d'aucuns se font une représentation plutôt édulcorée des débuts de la démocratie au Canada français. Ainsi se sont propagées les idées que la démocratie québécoise doit essentiellement sa naissance à l'Acte constitutionnel de 1791 et que l'Acte de Québec de 1774 marque la première reconnaissance, solennisée par une loi de Westminster, de la différence nationale du Québec - de son caractère distinct, dirait-on aujourd'hui.
Or, l'Acte de Québec de 1774 infligea un recul appréciable à la cause de la liberté politique. La proclamation royale de 1763 engageait le gouverneur à convoquer, dès que les circonstances le permettraient, une assemblée générale des représentants du peuple de la province. Elle contenait donc, du moins en théorie, le principe du gouvernement représentatif. C'est sur la foi de cette promesse royale que l'élite instruite du Canada, aiguillonnée par les Lumières françaises et américaines, se mit à réclamer le gouvernement représentatif. Mais cette revendication ne faisait pas l'unanimité. Le clergé et les seigneurs s'y opposèrent et envoyèrent au gouverneur des pétitions réclamant le rétablissement de leurs privilèges et des lois civiles françaises, à l'exclusion de la démocratie, dont ils n'avaient que faire - et probablement tout à craindre. L'Acte de Québec combla les espérances des aristocrates et du clergé, mais il suspendit l'introduction du système représentatif et révoqua la seule convocation d'élection prise dans le pays en 1764 par le général Murray (11); pour le gouvernement de la colonie, le gouverneur serait flanqué d'un conseil législatif non élu, nommé suivant son bon plaisir. Londres s'assura la fidélité des Canadiens par des accommodements, tandis que, dans ses colonies américaines, ses sujets, jouissant pourtant d'une bien plus grande mesure de liberté politique depuis longtemps déjà, s'engageaient dans une révolution sans retour. Le recul démocratique enregistré par l'Acte de Québec fut considérable. Plutôt que de prendre acte de la formation d'une démocratie locale dans sa colonie, Londres préféra s'arroger de tout le pouvoir constituant sur elle et y établir un gouvernement colonial bien en deçà de ce que promettait la constitution d'Angleterre. L'Acte constitutionnel de 1791 répara partiellement les reculs de 1774; d'où les réclamations politiques des Patriotes, qui finirent à partir des années 1830 par délaisser l'idéal de la constitution mixte anglaise pour adopter celui du républicanisme américain.
Portons-nous maintenant vers 1867. La liberté politique a progressé, indéniablement. Le gouvernement responsable est devenu pratique courante à partir de 1848. Ce progrès se fit au prix d'un conflit constitutionnel entre l'oligarchie coloniale et une assemblée sans prise sur l'exécutif, conflit qui aboutit à des insurrections ratées et à la perte de liberté collective que le Bas-Canada avait acquise en 1791. L'Acte d'Union de 1840 mit fin à ces tensions, mais le Canada français dut payer la note: dépossédé de son assemblée propre, il fut soumis à une égalité de représentation qui le privait de son avantage démographique sur le Haut-Canada. L'année 1867 voit l'avènement d'un nouveau régime, censé corriger les défauts et les injustices des précédents. Il prévoit que le nouveau Dominion sera gouverné suivant les principes du gouvernement représentatif anglais, sans distinction nationale ou sans exceptions apparentes. Or, si l'on étudie les discours de l'époque, la liberté politique n'aurait pas vraiment obtenu gain de cause. Au Canada français, les défenseurs du nouveau régime tinrent un discours provincialiste. Ils célébrèrent le rétablissement de l'autonomie du Canada français, enfin nanti de sa province, de sa couronne et de son parlement. Ils se réjouissent que Londres reconnaisse la situation particulière du Canada français, constitutionnellement légitimé à conserver son droit civil distinct et sa religion catholique. Ils attendent du nouveau régime prospérité, prestige et bonheur privé (12). Les détracteurs du nouveau régime parlent encore le langage de la liberté politique. Ils protestent contre l'établissement d'une monarchie constitutionnelle qui est une caricature de la monarchie victorienne. Le nouveau régime est vicié par le processus qui lui a donné naissance. L'absence de participation populaire à l'acte constituant le prive d'une véritable légitimité démocratique. Il pèche aussi par la réduction des droits démocratiques qu'il consacre: par exemple, les sénateurs seront désormais choisis par l'exécutif fédéral, au lieu d'être élus par le peuple, comme la pratique l'avait établi depuis 1856 au Canada-Uni. Les Rouges d'Antoine-Aimé Dorion iront même jusqu'à dénoncer dans le nouveau régime les droits de nomination étendus octroyés à la Couronne fédérale, qui perpétueraient, selon eux, la corruption et le népotisme.
La Confédération de 1867 divise l'élite du Canada français un peu comme l'Acte de Québec de 1774 l'a divisée. D'un côté, une élite de notables et de bourgeois, anciens patriotes ayant vite fait de changer leur fusil d'épaule, revendique la paternité des accommodements qu'elle prétend avoir soutirés de la majorité anglaise; les droits nationaux du Canada français sont rétablis, clament-ils. De l'autre s'élèvent les protestations des défenseurs de la liberté politique, qui se réclament des whigs, libéraux et républicains de ce siècle et assistent, impuissants, à la fondation d'un Dominion qui diminue les droits démocratiques.
Examinons maintenant les débats contemporains. Depuis 1867, la démocratie politique au Canada s'est perfectionnée: les droits qu'elle accorde se sont étendus, les moeurs électorales se sont assainies et l'État-providence, né au lendemain de la Deuxième Grande Guerre, a mis sous sa garde le marché et le processus électoral. Malgré cette évolution, la question nationale n'a pas cessé de dominer le débat politique au Québec et au Canada. Les gouvernements et les partis québécois ont inlassablement revendiqué un nouveau statut constitutionnel, tel un flambeau que l'on se passe dans une course à relais. Or, la liberté politique demeure quasi absente comme objet et fondement des revendications. La reconnaissance identitaire les domine. En voici l'impératif: le Québec doit être reconnu comme peuple fondateur, comme nation ou comme société distincte. Cette reconnaissance devait se traduire par une reconnaissance constitutionnelle de la spécificité du Québec et par une décentralisation des pouvoirs gouvernementaux. Sauf exception, la reconnaissance de la différence nationale est devenue le vecteur unique de ces revendications, comme si l'accroissement de la liberté politique avait perdu toute signification.
Il y eut des exceptions, bien sûr. Je pense par exemple à la période du gouvernement de Daniel Johnson, qui m'apparaît comme l'un des rares premiers ministres québécois pour qui reconnaissance nationale et liberté politique se combinaient encore, un peu comme chez les patriotes républicains et les libéraux radicaux du XIXe siècle. Daniel Johnson a caressé l'idée d'une union canadienne renouvelée, laissant au Québec la liberté de se constituer en république fédérée et qui reconnaîtrait le peuple comme autorité constituante (13). Il était plutôt sympathique à l'idée de convoquer une constituante qui préparerait une constitution du Québec et dont les États généraux du Canada français de 1967-1969 lui avait peut-être donné le modèle. Il exprima aussi le souhait que le Conseil législatif, aboli en 1968, soit remplacé par une chambre représentant les corps intermédiaires du Québec. Il fallait donc repenser les bases du gouvernement représentatif québécois, joindre à la première chambre une deuxième, également légitime et représentative, où s'exprime la démocratie sociale. Cependant, handicapé par une majorité parlementaire obtenue par distorsion de la carte électorale, Johnson n'avait pas les coudées franches pour matérialiser ses idées. Une mort subite abrégea son gouvernement, qui avait déjà semé de grandes idées.
L'accord constitutionnel du lac Meech, que les premiers ministres du Dominion conclurent en 1987 dans l'espoir de réintégrer le Québec dans le "giron" canadien, est symptomatique du provincialisme dans lequel s'est enfermé le discours politique québécois, représentatif d'un nationalisme soi-disant modéré. Cet accord devait réparer la perte de statut et de compétences subie par le Québec en 1982. Il est étrange que toute la controverse née de la Loi constitutionnelle de 1982 ait porté essentiellement sur la manière dont elle a été accomplie, et non sur sa matière. Or la réforme de 1982 est une réforme conservatrice, qui maintient le statu quo institutionnel: elle conserve la monarchie constitutionnelle, le gouvernement de cabinet et la mainmise de l'administration publique sur le processus législatif; elle laisse en plan la réforme du Sénat et des tribunaux fédéraux; et, par son processus même, elle perpétue l'idée, chère au pays, que la constitution est l'affaire des gouvernants, et non du peuple - ce qu'a confirmé la Cour suprême du Canada dans son avis consultatif sur la souveraineté du Québec. Il est étonnant de constater qu'en signant l'Accord du lac Meech, le Québec consente à ce statu quo politique, auquel se greffe une forme de souveraineté des juges découlant de la suprématie constitutionnelle, en échange de sa reconnaissance comme société distincte et de l'octroi de quelques pouvoirs à l'État québécois. Voilà qui rappelle le bon vieux réflexe provincialiste des notabilités seigneuriales et bourgeoises de jadis. Curieusement, les architectes du Québec moderne, à l'instar de ces anciennes notabilités, semblent s'accommoder du symbolisme de la monarchie canadienne. Encore aujourd'hui, les députés québécois prêtent serment d'allégeance au souverain britannique, les juges de la Cour du Québec et d'autres hauts magistrats du Québec sont nommés avec commission sous le grand sceau - le sceau de sa Majesté apposé par le lieutenant-gouverneur. Et le Québec, en tant qu'entité politique, n'a toujours pas de nom officiel propre. Est-ce un État, une province ou une Couronne? À cet égard, les lois du Québec tolèrent un flou pas très artistique. Bref, les bâtisseurs du Québec moderne ont voulu en faire un État, mais dans les usages et les symboles, il demeure toujours une petite Couronne ronronnant sous l'empire d'une constitution octroyée (14). Révolution ou ... monarchie tranquille?
Voilà pour l'histoire du provincialisme au Québec. Le provincialisme a plus d'une facette sous laquelle on peut considérer l'envisager. Ce peut être une stratégie de pouvoir, utilisée jadis par les puissances coloniales ou impériales pour s'assurer la loyauté des élites périphériques de leur empire. Ou encore, c'est l'attitude même de ces notabilités locales, qui ont à jouer les intermédiaires entre une société dominante et une peuple minoritaire ou privé de ses droits politiques. Enfin, sous un angle philosophique, le provincialisme peut se définir comme un refus du politique, une manière de ramener l'intérêt public à l'intérêt privé, la liberté politique à son avantage personnel ou à des préoccupations purement nationales ou identitaires.
Il est dommage que l'antiquité romaine ne soit plus enseignée dans les écoles et dans les universités. Le provincialisme est une stratégie de pouvoir impérial fort ancienne. Elle apparaît au 1er siècle avant J.-C., époque turbulente où la république romaine avait maille à partir avec ses provinces italiennes, qui avaient commencé à secouer le joug romain et à réclamer le droit de cité. Le conflit entre l'Urbs et les provinces culmina avec la guerre sociale, qui força le Sénat romain à accorder par tranches le droit de cité à ses provinces restées fidèles. Rome s'aperçut qu'elle pouvait se contenter de reconnaître à ces provinces des droits politiques théoriques ou impraticables, pourvu qu'elle garantisse à l'aristocratie municipale la liberté des personnes, la sécurité des biens et les coutumes locales. Dans l'octroi du droit de cité, Rome pratiqua ainsi l'obstruction, dont les Italiens devinrent les plus sûrs alliés (15). Il est intéressant de noter que Adam Smith, dans The Wealth of Nations, étudie longuement les tactiques de la Rome impériale avant de concevoir le mécanisme de la "grande loterie" qui devait, selon lui, assurer la loyauté des élites coloniales américaines à la Couronne britannique.
Stéphane Kelly, par ses travaux qui ont mis en lumière les méthodes par lesquelles la Couronne britannique s'assura la collaboration de l'élite canadienne française après les rébellions ratées de 1837-1838, a montré comment cette politique coloniale trouvait son inspiration dans l'œuvre de Smith (16). Lord Durham comprit qu'en faisant miroiter aux notables du Canada français la promesse de gratifications politiques, charges, rentes, honneurs, la Couronne anglaise canaliserait l'ambition de cette élite en sa faveur et s'attirerait ainsi une loyauté sans faille. Or, ces Sires qui cédèrent aux appâts de la "petite loterie" étaient des parvenus cherchant à ménager la chèvre et le chou. Plusieurs d'entre eux étaient d'anciens républicains et patriotes qui changèrent leur fusil d'épaule après 1840, et firent de cette conversion leur fortune politique, comme Louis-Hippolyte Lafontaine et George Étienne Cartier. La chèvre, c'était la Couronne anglaise; le parvenu aspire à s'en faire reconnaître, en tant que membre d'une société dominante, détentrice du pouvoir et de la richesse. Le chou, c'est le peuple du Canada français, peuple de parias paysans vivant sous la houlette de l'Église, au nom duquel le parvenu prétend parler et en faveur duquel il intercède auprès du Conquérant. Je ne crois pas que l'entreprise de Kelly se réduise à un simple essai de psychologie politique ou à un examen moral des convictions fluctuantes des pères fondateurs de 1867. Kelly décrit quant à moi la collaboration instituée après 1840 entre la Couronne britannique et l'élite canadienne-française comme une véritable stratégie de pouvoir, dont il démonte les mécanismes et en indique les acteurs.
Finalement, le provincialisme peut être vu comme un refus a priori de la liberté politique, soit qu'il ne vaille pas la peine qu'on en jouisse et qu'on se dépense pour elle, soit qu'elle ne revête guère de sens pour l'individu qui, peu solidaire de la Cité, n'envisage pas d'autres satisfactions que celles de la vie privée. Le provincial consent dès lors à ce que l'intérêt public et l'universel deviennent l'affaire de quelques-uns, auxquels il abandonne son droit de regard sur la sphère publique et celui d'y participer. Le provincial ramène toute question publique à son intérêt personnel et à ses préoccupations identitaires. Il sera toujours satisfait de l'état de la chose publique s'il y trouve immédiatement son compte. Au XIXe siècle, les Patriotes et les Rouges étaient conscients d'être en bute au provincialisme de leurs compatriotes, qui exerçait une grande force d'inertie. En 1833, Papineau eut ce mot superbe: "On vit alors, comme on le voit aujourd'hui, de ces hommes indolents qui trouvaient que tout était bien, parce qu'ils y trouvaient leur avantage (17)."
Le débat politique au Québec a conservé de ce provincialisme. Le fait que la liberté politique et la question nationale y soient dissociées, voire indifférentes l'une à l'autre, en est peut-être le signe. De cette dissociation est né un nationalisme bon enfant, qui oscille entre son origine ethnique et ses visées civiques, qui s'accorde sans trop de mal avec l'idée démocratique. Cependant, ce nationalisme se présente comme une passion anthropologique un peu abstraite, qui reporte sine die les questions relatives au perfectionnement de la démocratie et qui se concentre sur la gestion technocratique des traits distinctifs de la nation. Il y a peut-être plusieurs raisons à ce phénomène. On pourra arguer que le combat pour la liberté politique est un programme réalisé. Nanti de toutes les protections garanties par les chartes et les lois sociales, le citoyen d'aujourd'hui est un citoyen comblé de droits. On se passionnerait d'autant mieux d'identité qu'il ne resterait plus rien à faire du côté de la liberté politique. C'est là une explication séduisante, qui convainc toutefois peu, sauf à penser que nous vivons dans le meilleur des mondes politiques possibles. On peut avancer une autre explication. La liberté politique a encore un objet aujourd'hui, mais elle a toutefois perdu son sens. Sous l'effet de la dépolitisation de la société à l'ère du post-modernisme, l'individu s'en remet à l'État-providence pour la chose publique et les questions sociales, se repliant dans la sphère privée. La classe politique à son tour refléterait cette évolution des mentalités; elle ne parlerait plus le langage de la liberté politique mais tiendrait celui de l'administration des choses. Enfin, les passions identitaires changent. Au XIXe siècle, les avocats de la liberté politique se battaient pour la patrie, comme le rappelait Papineau dans son testament de 1867. Aujourd'hui, l'individu se reconnaît des allégeances multiples, autres que nationales, et s'investit dans des communautés électives (18). Le post-modernisme, dont le philosophe Charles Taylor a su décrire les quêtes identitaires, fait de l'individu un citoyen indolent. Repu des gratifications de la consommation et de l'image, ce citoyen ne se sent pas concerné par la chose publique, sauf si elle l'affecte dans ses intérêts, son identité et ses aspirations privées. L'idéologie soft colportée par les médias présente l'individu comme un éternel adolescent en révolte contre toute forme d'autorité, qui s'émancipe par la recherche du seul plaisir. Pour toutes ces raisons, l'indolence politique des Québécois semble promise à une longue carrière. Au vieil individualisme paysan légué par leurs ancêtres, auquel se heurtèrent Papineau et Dorion, se greffent aujourd'hui le repli sur soi et la molle indifférence à la res publica d'individus qui acquièrent la "citoyenneté" par la consommation et le travail bien plus qu'en prenant part au gouvernement de la Cité. Nous sommes peut-être entrés dans une ère où l'on ne lira guère plus Montesquieu, mais Charles Taylor d'autant plus.
Notes
(*) Il s'agit d'une version remaniée et augmentée d'une communication présentée sous le titre de "Liberté politique ou reconnaissance identitaire: le provincialisme comme posture politique au Québec", dans le cadre du colloque "L'identité québécoise en question", 66e congrès de l'ACFAS, 13 mai 1998, Université Laval, Québec.
(**) Dans la version imprimée de l'article, j'ai écrit par inadvertance que Champlain fut envoyé en Amérique sous la régence de Marie de Médicis, ce qui est inexact puisque Henri IV fut assassiné en 1610. Mes excuses donc à ce bon roi, dont j'ai involontairement abrégé les jours.
Notes
(1) Paris, Gallimard, 1967.
(2) Louis-Joseph Papineau, Louis-Joseph Papineau. Un demi-siècle de combats, choix de texte et présentation par Yvan Lamonde et Claude Larin, Montréal, Fides, 1998, 662 pages.
(3) Voir "Un testament politique", ibid., p. 574-611.
(4) On oublie souvent que cette loi, nommée depuis 1982 la Loi constitutionnelle de 1867, ne possède toujours pas de traduction officielle française, et qu'aux termes de cette loi, le Canada demeure un Dominion de Sa Majesté.
(5) On pense bien sûr à tout le chapitre XI de L'Esprit des lois.
(6) Pierre Tousignant, "L'acte de naissance de la démocratie au Canada", Forces, no 96, hiver 1991-1992, p. 4-10.
(7) Philip Resnick, "Montesquieu Revisited, or the Mixed Constitution and the Separation of Powers in Canada", Revue canadienne de science politique, volume XX, no 1, mars 1997, p. 97-115.
(8) Bernard Manin, "Montesquieu", dans François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la révolution française. Idées, Paris, Flammarion, 1992, p. 315-338.
(9) Mes citations sont tirées de Montesquieu, Oeuvres complètes, Seuil, Paris, 1964.
(10) Voir Yvan Lamonde, "Conscience coloniale et conscience internationale dans le écrits publics de Louis-Joseph Papineau (1815-1839)", Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 51, 1991, p. 3-37.
(11) Voir sur cette question le discours de Papineau sur l'électivité des institutions gouvernementales, prononcé à la Chambre d'Assemblée, le 10 janvier 1833. Texte reproduit dans l'ouvrage de Lamonde et Larin, p. 211-238.
(12) Voir le discours prononcé par George Étienne Cartier à Montréal, le 29 octobre 1864, reproduit dans Guy Frégault et Marcel Trudel, Histoire du Canada par les textes, tome II, Montréal, Fides, 1963, p. 16-18.
(13) Des extraits de cette proposition, déposée à l'été 1968 au Secrétariat à la conférence constitutionnelle, sont publiés dans Les positions traditionnelles du Québec en matière constitutionnelle 1936-1990, Secrétariat aux Affaires intergouvernementales canadiennes, ministère du Conseil exécutif, novembre 1991, p. 20 et p. 27.
(14) Voir les propos de M. André Patry sur le symbolisme et le rite monarchiques de l'État québécois, dans Jean-Pierre Bonhomme, "La république manquée", L'Action nationale, vol. 88, no 5, p. 61-65.
(15) Léon Homo, Nouvelle histoire romaine, Fayard, 1941, p. 208. Voir sur cette période, Jean-Michel David, La Romanisation de l'Italie, Paris, Flammarion, 1997, 260 pages.
(16) Stéphane Kelly, Comment la Couronne a obtenu la collaboration du Canada français après 1837, Montréal, Boréal, 1997, 283 pages.
(17) Discours de Papineau sur l'électivité des institutions gouvernementales, op. cit.
(18) Voir mon article.