La question catalane

Marc Chevrier

 

Depuis quelques mois, un bras de fer s’est engagé entre Madrid et Barcelone sur l’avenir de la Catalogue au sein de l’Espagne. Frappée de plein fouet par la crise financière de 2008, puis par une cure d’austérité imposée par Madrid sous perfusion européenne, la Catalogne connaît un regain du sentiment national qu’ont avivé de multiples manifestations massives; on pense à celle du 11 septembre 2012, jour de fête nationale, qui aurait rassemblé à Barcelone entre 1,5 et 2 millions de personnes sous le thème, « Catalunya, nou Estat d’Europa » (La Catalogne, nouvel État d’Europe), et à cette chaîne humaine de 400 km reliant 86 villes et villages formée un an plus tard pour réclamer l’indépendance de la Catalogne. Des mouvements civiques débordant largement les partis traditionnels ont porté ces manifestations. La capitale madrilène, dont le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy défend mordicus une nation espagnole une et indivisible, s’est toujours opposée aux velléités d’émancipation de la Catalogne, et notamment à la tenue d’un référendum d’autodétermination sous les auspices de gouvernement régional de Catalogne, actuellement dirigé par Artur Mas, du parti Convergencia i Unió (CiU), un parti de centre-droit nationaliste, en coalition avec la gauche républicaine indépendantiste, la Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), dirigée par Oriol Junqueras. Cette coalition est à l’origine de la déclaration de souveraineté que le parlement catalan a adoptée le 23 janvier 2013 (que l’on peut lire en version française), dont le Tribunal constitutionnel espagnol a toutefois suspendu l’effet en mai de la même année.

 Finalement, en décembre 2013, après avoir joué au chat et à la souris avec Madrid, Artur Mas a annoncé sur le seuil du palais de la Generalitat le libellé de la question du référendum que son gouvernement aimerait tenir le 9 novembre de 2014, en dépit des protestations de Madrid qui estime illégale cette consultation populaire projetée. Cette question, que Mas aurait écrite lui-même et dont l’inspiration lui serait venue le jour de la Constitution (le 6 décembre), serait la suivante : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un État? En cas de réponse affirmative, voulez-vous que cet État soit indépendant »[1]. Aux dires du président de la Generalitat, il s’agit d’une question simple, claire et inclusive. On pourrait ajouter qu’elle est aussi très astucieuse et révèle les talents de stratège de Mas. Car cette question à double volet permet au gouvernement catalan de devenir le maître des options qui s’offrent à la Catalogne, par une démarche graduée, sans risquer de perdre la face à la suite d’un référendum négatif, comme c’est arrivé à deux reprises au Québec en 1980 et 1995, dont les deux « non » consécutifs au projet souverainiste du Parti Québécois ont considérablement affaibli le Québec vis-à-vis du reste du Canada. Il y a fort à parier que le premier volet de la question recueillerait un net appui majoritaire, ce qui permettrait à Mas de traiter d’égal à égal avec Madrid, d’État à État; quant au deuxième volet, même si Mas a indiqué qu’il voterait oui à celui-ci également, il est moins assuré que l’appui populaire serait aussi massif. Le parti de Mas, qui a incarné depuis le retour de la démocratie en Espagne en 1978 un autonomisme modéré, notamment sous la gouverne de Jordi Pujol entre 1980 et 2003, s’est radicalisé depuis la crise financière. Il n’est pas dit qu’une partie de ses électeurs ne soit pas attachée encore à une forme de compromis, une solution mitoyenne entre le statut actuel de communauté autonome dans une quasi-fédération marquée encore par son passé unitaire et franquiste, et l’accession à l’indépendance. Que la question référendaire décroche en bout de ligne un double oui majoritaire ou un oui partiel, au premier volet seulement, c’est, dans un cas comme dans l’autre, une victoire pour le catalanisme et la liberté politique de la Catalogne. Sous la pression des États européens, un deuxième oui moins éclatant que le premier pourrait aussi ouvrir la voie à des négociations intenses pour conserver la Catalogne à l’intérieur de l’Espagne, quitte à lui accorder une plus grande autonomie. Outre la Catalogne, les pays basques pourraient être tentés par la voie de l’indépendance, si bien que l’État espagnol, privé de ses nations historiques les plus riches, peinerait à survivre.

 La question de Mas est redoutable par sa simplicité et ses non-dits. Celui-ci a précisé que « État », « Estat » en catalan, s’écrirait avec une majuscule. Or, comme l’a souligné la philologue et hispaniste Silvia Senz, tant l’espagnol que le catalan marquent une différence entre « État », en majuscule, qui désigne généralement un État souverain au sens du droit international, alors que « état » se rapporte aux entités territoriales subalternes d’un État, comme Oaxaca, au Mexique, est un « état » de l’État mexicain[2]. Mais cette subtilité stylistique suffit-elle à exclure tous les scénarios que la notion d’État pour la Catalogue recoupe? En fait, le terme État peut ouvrir la voie aussi bien à un statut d’État fédéré qu’à celui d’État confédéré, comme le pensent plusieurs constitutionnalistes espagnols. L’apparente simplicité de la question a l’avantage de n’exclure aucun scénario.

 Avec la Belgique et l’Italie, l’Espagne compte parmi les États européens unitaires qui se sont fédéralisés, en partie du moins, au cours des dernières décennies. L’État unitaire s’y est construit en gommant un pluralisme culturel et national irréductible. Dans le cas de l’Espagne, qui s’est édifiée depuis le mariage d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon par la conquête et l’incorporation dynastique des divers royaumes indépendants de la péninsule ibérique, l’État unitaire a connu son apogée sous le franquisme en supprimant et la démocratie et l’expression des nationalités minoritaires du royaume, Catalans, Basques, Galiciens, Andalous, etc. Avant de perdre son indépendance lors de la conquête de 1714, la Catalogne avait été assurément un État depuis plusieurs siècles, quoique malmené par les ambitions des couronnes française et espagnole. On doit à la Catalogne, ainsi qu’à d’autres petits États de la péninsule ibérique, tels que León, Aragon et Valence, la naissance des premières assemblées démocratiques en Europe, appelées cortes en espagnol or corts en Catalan, où le souverain convoquait les états du royaume pour décider d’un impôt ou d’une guerre. Ainsi, comme l’a raconté dans une fascinante histoire John Keane, les Britanniques ne furent ni les premiers ni les seuls à inventer le parlementarisme[3].  

 La guerre de succession d’Espagne (1701-1713) se conclut par la perte de la liberté nationale et démocratique catalane. En 1700 s’éteint le dernier des Habsbourg au trône espagnol, sans laisser de dauphin. Les deux grandes maisons régnantes de l’époque, les Bourbons de France et les Habsbourg d’Autriche, prétendent au trône. S’ensuivra une guerre à l’échelle européenne, qui oppose d’un côté la France de Louis XIV qui installe son petit-fils sur le trône espagnol, aux puissances maritimes anglaise et hollandaise, alliées de l’Autriche. En Espagne, les petits royaumes prennent parti tantôt pour le prétendant bourbon, Philippe V, tantôt pour celui des Habsbourg, comme le fit la Catalogne. Après la conclusion du traité d’Utrecht en 1713, qui voit la France renoncer à l’Acadie et confirme l’autorité de Philippe V sur son royaume, celui-ci s’engage dans une reconquête sans merci. Barcelone est assiégée puis soumise, malgré une résistance républicaine héroïque[4]. Philippe V exerça son droit de conquête en abolissant en 1716 les institutions et les lois catalanes et en imposant le castillan comme langue administrative. Les royaumes ainsi conquis seront redivisés en simples provinces, sur le modèle français absolutiste. L’Espagne devient dès lors un État centralisé et le restera jusqu’à la fin du franquisme. Pendant l’éphémère Seconde République (1931-1936) qui précéda la terrible guerre civile, la Catalogne politique réussit à renaître quelque peu de ses cendres sous la forme d’un gouvernement régional autonome, établi par un statut d’autonomie approuvé par les Cortes madrilènes. Sur le modèle de cette régionalisation partielle expérimentée sous la Seconde République, la nouvelle constitution espagnole de 1978, qui consacra le retour à la démocratie dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle, mit en place un processus de régionalisation du royaume, accessible à toutes ses régions et nations historiques, tant et si bien qu’il se subdivisa en 17 communautés autonomes, dont celle de Catalogne, disposant de compétences et de ressources propres ainsi que d’un exécutif responsable devant une assemblée élue. Cependant, bien que la constitution espagnole prévoie un partage des pouvoirs entre l’État et les communautés autonomes, celles-ci ne forment pas à proprement parler des États fédérés. Le pouvoir constituant appartient encore aux Cortes madrilènes, ou au peuple espagnol dans son ensemble s’il est consulté par référendum. Les communautés autonomes n’ont pas voix directement au chapitre. De plus, les statuts d’autonomie sont des lois de l’État espagnol, et non des constitutions internes que les communautés peuvent librement adopter. Toute réforme des statuts d’autonomie doit passer par Madrid. De plus, le sénat espagnol, supposé chambre territoriale, représente davantage les anciennes provinces de l’État unitaire que les communautés, qui disposent d’un nombre limité de sénateurs, soit 58 sur 266, désignés par les assemblées des communautés. Enfin, excepté le cas des pays basques qui en vertu d’anciens privilèges fiscaux féodaux – les fueros – prélèvent tous les impôts et taxes sur leur territoire et en redistribuent une petite portion à Madrid, les communautés autonomes disposent de ressources financières restreintes et vivent donc sous la coupe de transferts versés par Madrid qui en période d’austérité les a réduits au grand dam de la Catalogne, criblée de dettes. Comme le disait Artur Mas en entrevue au journal italien La Repubblica : « Nous vivons la condition de locataires d’un propriétaire hostile[5]. »

 En réalité, même si l’autonomie d’une communauté en Espagne repose sur une loi approuvée par les Cortes, c’est une base fragile qui peut vite s’effriter. La Catalogne a fait l’expérience de cette fragilité en juin 2010, après que le tribunal constitutionnel espagnol, la plus haute juridiction en la matière, eut rendu publique sa « sentence » sur la validité du nouveau statut d’autonomie que la Catalogne avait obtenu des Cortes et fait approuver par référendum en 2006. Ce statut affirmait dans le préambule l’existence de la nation catalane, lui attribuait des « symboles nationaux » et renforçait la protection du catalan et l’ordre judiciaire de la Communauté.  Avec toutes ces nouveautés, ce statut formait, et de loin, le meilleur « cadre d’autonomie » « que la Catalogne ait obtenu depuis le décret de Nueva Planta en 1716 »[6]. Le tribunal dépouilla ce statut rénové des éléments susceptibles d’irriter le pouvoir central, entre autres en neutralisant ou invalidant la référence à la nation catalane et la préférence donnée au catalan dans l’administration. Il insista notamment sur le fait que les statuts d’autonomie sont, en droit espagnol, subordonnés à la constitution du pays et ne peuvent être en aucun cas l’expression d’un pouvoir souverain[7]. Le divulgation du contenu de la sentence du tribunal dans le journal El Pais deux mois avant sa remise officielle a jeté un certain discrédit sur l’institution et fait planer des doutes sur le secret des délibérations[8]. La sentence de 881 pages du tribunal fut très mal reçue en Catalogne, contre laquelle protesta plus d’un million de personnes à Barcelone sous le slogan : « Nous sommes une nation, nous décidons de nous-mêmes »[9]. Ces indiscrétions rappellent celles que l’historien Frédéric Bastien a révélées au sujet de l’ancien juge en chef de la Cour suprême canadienne, Bora Laskin, lors du renvoi sur le rapatriement unilatéral de la constitution de 1981[10], ce qui accréditerait l’idée qu’un tribunal suprême dans une quasi-fédération, devant la contestation d’une minorité nationale dont il doit juger les droits, n’hésitera pas à sacrifier l’impartialité judiciaire au maintien du cadre constitutionnel établi et à se comporter ainsi comme un relais du pouvoir central. Ce qui a fait dire à Daniel Turp, qui compara le Québec à la Catalogne, que celle-ci s’est fait « imposer, en dépit d'un Statut d'autonomie qui a été approuvé par son peuple à l'occasion d'un référendum, un ordre constitutionnel par dix juges qui récusent ainsi la souveraineté populaire[11]. » On peut pousser plus loin la comparaison en disant que le Québec et le Catalogne font partie, avec les Kurdes, de ces nations minoritaires conquises, réduites en provinces ou vassalisées, et chez qui, du moins pour les deux premières, la perte de la liberté nationale s’est doublée d’une régression démocratique. Après la conquête de 1714, la Catalogne perdit ses institutions et ses libertés parlementaires pour connaître, sous toutes les variantes d’absolutisme et d’autoritarisme qui ont marqué l’histoire espagnole depuis l’arrivée des Bourbons, les rigueurs du centralisme castillan. Après la Conquête de 1763, la Nouvelle-France découvrit l’absolutisme à l’anglaise imposé par la proclamation royale de George III et les généraux anglais[12] avant d’hériter d’un parlementarisme bancal en 1791, digne des Stuart, celui-là même que les Britanniques avait rejeté lors de leur Glorieuse Révolution de 1688 et qu’ils n’avaient pas osé introduire dans les colonies américaines. Parlementarisme monarchiste et impérialiste, habillé de libéralisme whig, qui a façonné durablement la culture politique au Québec comme au Canada.

 
On comprend dès lors que la simple acquisition d’un statut d’État fédéré pour la Catalogne constituerait une avancée significative, d’autant plus que l’État espagnol, malgré tous les efforts qu’il a déployés sur deux siècles pour unifier le pays, est demeuré en quelque sorte un « État sans nation », un « Estat sense naciò », comme le souligne l’historien Jordi Cassasas i Ymbert, c’est-à-dire sans nation espagnole correspondant à son désir d’unité[13]. Le conflit entre Madrid et Barcelone mettrait en scène un État en quête de sa nation et une nation à la recherche de son État. Que la communauté catalane devienne un véritable État fédéré supposerait une révision en profondeur de la constitution espagnole, afin notamment de remplacer le système actuel des autonomies négociées à la pièce sous le magistère de Madrid par un système de répartition des pouvoirs qui ferait des communautés, non des créatures du pouvoir central, mais des entités dont l’existence et les compétences sont reçues directement de la Constitution. Cependant, si l’on se fie à l’humeur populaire et aux sondages, les appuis en faveur de l’indépendance semblent avoir dépassé ceux qui sont favorables à l’option fédérale ou au statu quo. Un sondage fait en décembre 2013 sur la base des deux questions posées par Mas montre que si la première question remporte une nette majorité chez les répondants, la deuxième remporterait une plus courte majorité pour l’indépendance[14]. Pour l’heure, il n’est pas acquis que la Catalogne pourra, à l’instar de l’Écosse, organiser son référendum d’autodétermination en novembre 2014, tant aussi longtemps que Madrid s’y refusera. Le 16 janvier 2014, le parlement catalan a adopté une résolution demandant aux Cortes madrilènes de déléguer au gouvernement catalan la compétence d’organiser un référendum consultatif sur l’avenir de la Catalogne, conformément à l’article 150.2 de la constitution espagnole qui autorise la délégation de compétences de l’État espagnol en faveur des communautés.

 
Une question « catalane » pour le Québec?

Si on regarde maintenant la situation du Québec au prisme de la démarche d’autodétermination, encore incertaine, de la Catalogne, on peut déjà tirer quelques enseignements. À la différence de la Catalogne, le Québec a la liberté d’organiser quelque référendum d’autodétermination que ce soit. Il a paradoxalement acquis ce droit après avoir tenu trois référendums entre 1980 et 1995 sur son avenir politique, qui se sont tous trois soldés par un rejet de l’option mise sur la table, la souveraineté en 1980 et 1995, et un nouveau statut d’État fédéré dans un Canada réformé en 1992. Dans le renvoi sur la sécession de 1998, la Cour suprême a reconnu au Québec la légitimité et la légalité du recours au référendum pour décider de son statut politique, à l’intérieur ou hors du Canada. Le défi pour le Québec réside moins tant dans l’obtention du droit de décider de son avenir que dans la formulation d’une option politique susceptible de remporter une adhésion majoritaire lui donnant le levier nécessaire pour renégocier avec le reste du Canada un nouveau statut, quel qu’il soit. Or, les deux partis de la réforme, l’option fédéraliste et l’option indépendantiste, sont sortis affaiblis de ces trois référendums, au profit d’une adhésion sans conditions au Canada actuel, improprement décrit par une bonne partie des élites politiques et médiatiques comme une « fédération » achevée, sinon exemplaire.

 
Il est significatif que le référendum de 1995 sur la souveraineté ait davantage attiré l’attention que celui de 1992 sur l’accord de Charlottetown, comme si seul le premier avait constitué un exercice déterminant d’autodétermination politique. Pourtant, le référendum de 1992 a été le fruit d’une démarche d’autodétermination placée sous le signe de la capacité du Québec de décider de son avenir et d’organiser, pour ce faire, un référendum sur toute option que ce soit. On se rappellera qu’après l’échec de l’accord du lac Meech en juin 1990, le gouvernement de Robert Bourassa entreprit une démarche inusitée. À la suite du dépôt du rapport de la commission Bélanger-Campeau en mars 1991, qui dégagea pour le Québec deux options politiques, le renouvellement en profondeur du fédéralisme canadien ou la souveraineté, le gouvernement Bourassa fit adopter en juin 1991 une Loi sur le processus de détermination de l’avenir politique et constitutionnel du Québec. Rappelant dans son préambule la liberté du Québec d’assumer son propre destin et de déterminer son statut politique, la loi prévoyait la tenue obligatoire d’un référendum sur la souveraineté d’ici le 26 octobre 1992, en invitant cependant le reste du Canada à formuler une offre de nouveau partenariat constitutionnel avec le Québec. Ce que ce dernier fit en août 1992, à la suite de la conclusion de l’accord de Charlottetown, auquel le Québec a souscrit in fine, après avoir laissé le Canada anglais redéfinir seul le régime constitutionnel canadien. À la suite de quoi le gouvernement Bourassa modifia la loi de juin 1991 pour prévoir la tenue d’ici le 26 octobre 1992 d’un référendum non sur la souveraineté mais sur l’accord signé à Charlottetown, qui fut finalement rejeté par 57% des électeurs québécois.

 
Deux éléments fondamentaux méritent d’être soulignés sur ce référendum oublié. Tout d’abord, la démarche entreprise par le gouvernement Bourassa en 1991-1992 rompait avec celle qu’il avait suivie pour la négociation de l’accord du Lac Meech en 1987.  Pour ce premier accord, qui devait satisfaire les conditions que le Québec avait posées pour accepter la loi constitutionnelle qui lui avait été imposée en 1982, le gouvernement Bourassa a adopté une démarche légitimiste, qui épouse l’esprit et les règles de la nouvelle procédure d’amendement constitutionnel introduite en 1982. L’accord du lac Meech était le fruit d’une entente multilatérale entre tous les premiers ministres, fédéral et provinciaux, et devait emprunter la procédure de ratification constitutionnelle, qui partage le pouvoir d’amendement entre l’État fédéral canadien et ses dix États provinciaux, ces derniers ayant tous voix au chapitre, du plus petit au plus grand. Cette procédure est à la fois multilatérale et fédéraliste. En 1991 toutefois, le gouvernement Bourassa opta pour une démarche bilatérale et confédéraliste. Dorénavant, il n’acceptera d’offre de nouveau partenariat fédéral qu’à la condition qu’elle engage formellement tous ensemble l’État fédéral et les neuf autres États provinciaux, comme s’ils formaient implicitement une entité canadienne distincte du Québec, avec lequel celui-ci transige d’égal à égal, de peuple à peuple. Ensuite, tournant le dos au multilatéralisme de la formule d’amendement, il soumet l’offre de partenariat reçue fin août 1992 directement au peuple, dans un processus qui convoquera en octobre deux souverains de facto, la population canadienne hors Québec et le peuple du Québec, consultés par des référendums distincts.

 
Outre la démarche, l’accord de Charlottetown se signale aussi par son contenu. L’accord du lac Meech avait deux ambitions : la première, connue, réintégrer le Québec dans le giron constitutionnel. La deuxième, passé inaperçue, fédéraliser le Canada. Cet accord devait éliminer ou atténuer certains pouvoirs unilatéraux que le gouvernement fédéral exerçait depuis 1867 à l’égard du Sénat et depuis 1875 à l’égard de la Cour suprême; on fédéralisait le processus de nomination des sénateurs et des juges, en y associant les gouvernements des États provinciaux. L’accord de Charlottetown allait beaucoup plus loin dans cette direction, il était unique en ce qu’il synthétisa trois ambitions fédéralistes, celle du Canada anglais, celle du Québec et celle des nations autochtones, du jamais vu dans toute l’histoire contemporaine du pays. Il ne s’agissait plus de simplement satisfaire aux demandes de réparation posées par le Québec, il fallait moderniser l’ensemble du régime constitutionnel, pour l’accorder à une certaine idée du fédéralisme, plus achevée, qui pénètre dans toutes les institutions. Ainsi, on prévoyait consacrer le fédéralisme comme l’une des caractéristiques fondamentales du pays, faire du sénat une chambre fédérale aux pouvoirs réels, représentant la population ou les gouvernements des États provinciaux, encadrer le pouvoir fédéral de dépenser et clarifier le partage des compétences, abolir le pouvoir de désaveu et de réserve, enlever au pouvoir déclaratoire son caractère unilatéral[15], mettre sur pied un mécanisme permanent de coopération fédérale-provinciale, et finalement étendre la logique du fédéralisme aux peuples autochtones, intégrés dans un troisième ordre de gouvernement. Ces changements, considérables, qui ont fait craindre un État ingouvernable, illustraient comment aux yeux des rédacteurs de l’accord de Charlottetown, le Canada n’était pas encore tout à fait une fédération véritable, qu’il fallait donc encore fédéraliser[16]. Cet accord reprenait en substance plusieurs des recommandations élaborées par le comité spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur le renouvellement du Canada co-présidé par le sénateur et constitutionnaliste Gérald Beaudoin[17]. Et pour le Québec, l’accord de Charlottetown signifiait l’accession au statut d’État fédéré dégagé de certaines des astreintes impériales léguées par Londres en 1867 et doté de protections particulières – la reconnaissance comme société distincte, la garantie d’un plancher de 25% des députés fédéraux, etc. – au sein d’un Canada fédéralisé.

 
Or, les deux « non » consécutifs enregistrés en 1992 et en 1995, d’une part contre l’accord de Charlottetown, jugé timoré aux yeux des souverainistes québécois et scandaleux aux yeux des canadianistes, et d’autre part contre la souveraineté-partenariat préconisée par le gouvernement de Jacques Parizeau, ont mis en déroute et le parti fédéraliste, et le parti indépendantiste au Québec. Et surtout, que peut-on bien offrir à un peuple, s’il ne veut ni d’un État fédéré, ni d’un État souverain? A-t-il eu jamais l’ambition d’avoir un État, quel qu’en soit la nature?

 
La déroute du parti fédéraliste au Québec s’est vite manifestée avec le retour des libéraux au pouvoir sous Jean Charest en 2003. Non que le parti libéral du Québec ait cessé de louer l’appartenance du Québec au Canada, bien au contraire, mais il a mis de côté la revendication fédéraliste des gouvernements libéraux précédents depuis Jean Lesage au profit d’une vision pragmatique et gestionnaire qui se dispense de toute réforme de la constitution, comme si le Canada, de la quasi-fédération qu’il était, devenait une fédération dont le Québec s’accommode sans état d’âme, en y cherchant sa part du butin canadien. Ainsi, le bilatéralisme confédéraliste avec lequel le gouvernement Bourassa avait flirté en 1991-1992 était remisé au profit d’un multilatéralisme provincialiste, dont le Québec lui-même se voulait la locomotive. Pour le gouvernement Charest, le fédéralisme est devenu moins tant une doctrine comportant certaines exigences auxquelles soumettre le fonctionnement de l’État canadien qu’une célébration des bienfaits de l’appartenance à l’ensemble canadien, sans égard à la forme même de l’État. En un mot, le fédéralisme est devenu un canadianisme[18], l’expression de la loyauté au Canada, à son projet éthique, à ses valeurs sociétales, à son utopie morale[19].

 
Cette mutation s’est tôt signalée, notamment dans la nouvelle plate-forme constitutionnelle du parti libéral, élaborée en 2001 sous la direction du constitutionnaliste Benoit Pelletier[20], avant que son parti ne prenne le pouvoir. Après avoir distingué sommairement l’État unitaire, la fédération et la confédération, le rapport présente d’emblée le Canada comme une fédération, qui « répond indéniablement aux  caractéristiques essentielles du fédéralisme » bien que le rapport reconnaisse, sans trop insister, l’existence de petits accrocs « à la formule fédérale sur le plan constitutionnel[21]. » Le rapport a une vision strictement « souverainiste » de la fédération, en ce qu’elle se définit essentiellement par le fait qu’elle y partage la souveraineté entre deux ordres de gouvernement, l’État fédéral et les États fédérés[22]. On ne souffle mot du principe de participation, autre critère de définition retenu par la littérature pour caractériser la fédération, en vertu duquel les entités fédérées doivent pouvoir peser sur les décisions de l’État fédéral par un mécanisme institutionnel attitré, généralement une seconde chambre fédérale où elles sont représentées. Le rapport met particulièrement l’accent sur la « valorisation de l’appartenance au Canada » lequel, sans « sombrer dans le narcissisme des petites différences »[23], peut « concilier les appartenances multiples »[24] et tend au Québec un irrésistible projet moral. Citant en note Charles Taylor, Martin Lipset et John Saul, le rapport porte aux nues les grandes valeurs morales portées par le projet canadien, « l’égalité des chances », « la compassion », « la solidarité et l’entraide collectives », les droits fondamentaux et la sécurité de la personne, etc., « et une façon bien particulière  d’accueillir toutes les cultures. »[25] Il ne s’abstient certes pas de proposer ça et là des modifications constitutionnelles, en reprenant certaines des demandes formulées sous le gouvernement Bourassa, comme la reconnaissance de la spécificité du Québec. Mais ces modifications ne feraient, aux dires du rapport, que « changer l’équilibre des relations intergouvernementales au Canada »[26]. Mais le régime de l’État canadien, lui, demeure imperturbablement le même. Défini par sa perfection morale, le Canada peut bien souffrir de petites imperfections institutionnelles qui n’altèrent en rien sa qualité fédérale. Mais aussi, curieusement, ce rapport enterre toute réflexion sur l’édification d’un État québécois dans le cadre canadien, fédéralisé ou pas. Bien que Benoit Pelletier se soit montré personnellement favorable à l’idée d’une constitution interne de l’État du Québec, ni son parti, ni le gouvernement Charest dont il a été ministre n’ont osé s’en réclamer.

 
L’éclipse de l’idée fédérale n’est pas propre au Québec. Elle est devenue très visible au Canada anglais après la déconfiture de l’accord de Charlottetown, qui a renvoyé aux calendes grecques les grandes ambitions fédéralistes dont cet accord avait tenté une synthèse. La seule réforme qui ait importé a été celle du Sénat, mais que les conservateurs de Stephen Harper ont tenté d’implanter par à-coups législatifs, en prenant garde de ne point entreprendre de réforme constitutionnelle, en faisant justement fi de la dimension fédérale de l’institution. Les récents scandales sur les dépenses douteuses de sénateurs conservateurs ont même mis au goût du jour l’abolition pure et simple de l’institution, qu’ont défendue en chœur le chef de l’opposition néo-démocrate aux Communes, Thomas Mulcair, et le premier ministre de Saskatchewan[27]. Il est frappant de voir comment cette idée est défendue sans ambages, sans que personne s’aperçoive qu’une telle abolition revient à laisser tomber la principale institution par laquelle la dimension fédérale du pays est intégrée dans le fonctionnement de l’État fédéral canadien. On notera cependant que le chef du parti libéral fédéral Justin Trudeau a repris une des propositions de l’accord du lac Meech, soit d’associer les gouvernements des États provinciaux à la nomination des sénateurs[28].

 
En Belgique, en Italie et même en Espagne, on se persuade que l’État deviendra pleinement fédéral une fois seulement que la deuxième chambre du parlement central, créée à l’origine pour un État unitaire, représentera véritablement les collectivités fédérées, les régions et les communautés en Belgique, les communautés autonomes en Espagne et les régions en Italie[29]. Au Canada, un mouvement inverse se ferait, faire du parlement fédéral d’Ottawa un parlement monocaméral, comme on en trouve dans plusieurs États unitaires ou dans certaines fédérations ou pseudo-fédérations avec lesquelles le Canada se rangerait, tels les Émirats arabes unis ou les très illustres fédérations de Micronésie ou de Saint-Christophe-et-Nevis dans les Caraïbes. Au fond, abolir le sénat au Canada et soutenir que le pays demeurerait une fédération est aussi absurde que de soutenir que les États-Unis ou l’Allemagne demeureraient des fédérations même une fois enlevés le Sénat américain ou le Bundesrat berlinois.

 
 Au fond, cet oubli de la dimension fédérale du pays dans la discussion publique est révélateur du peu de souci qu’on a de l’État, au Canada dans son ensemble. C’est pourquoi la question catalane : « voulez-vous d’un État? » est intéressante à plus d’un titre. Si jamais un autre référendum sur l’avenir du Québec devait se tenir, la question référendaire aurait avantage à être double, pour éviter l’écueil des consultations de 1980, de 1995 et même de 1992, à savoir qu’un refus de l’option sur la table, la souveraineté ou un Québec distinct dans un Canada fédéralisé, n’en vienne à être interprété comme un oui au statu quo intégral. Ainsi, invités encore une fois à se prononcer sur l’indépendance de leur nation dans les prochaines années, les électeurs pourraient dans un premier temps répondre à une question préalable, dont dépend tout le reste : « Voulez-vous que le Québec devienne un État? » Cette question serait suivie d’une autre : « Voulez-vous que cet État devienne indépendant? » La première question aurait le mérite de clarifier les enjeux et aussi de susciter un débat plus rationnel que ceux auxquels on a assisté en 1980 ou 1995, où les deux camps protestaient de leur amour pour les Rocheuses ou les Laurentides. Car si les Québécois ne veulent pas d’un État pour eux-mêmes, à quoi bon alors parler d’indépendance ou même de fédéralisme renouvelé? Ce serait dire que le seul État qui vaille, c’est l’État canadien héritier du Dominion fondé impérialement en 1867. Par contre, s’ils disent oui à l’État, dans ce cas, plusieurs options sont ouvertes, qui chacune entraînent un changement fondamental au statut politique actuel du Québec. Autre façon de formuler cette question catalane : « Voulez-vous que le Québec devienne une République? » « Voulez-vous que cette République devienne indépendante? ». Dire oui à la République, c’est dire oui à l’État, sous un régime précis en rupture avec le régime canadien.

 
Les dessous confédéraux de la fédération

 
La plateforme constitutionnelle du parti libéral du Québec énoncée en 2001 prend pour acquis que le Canada est une espèce de fédération parfaite, placée à équidistance de l’État unitaire et de la confédération, deux régimes d’État dont le Canada se distinguerait radicalement. Or, à bien des égards, le Canada a conservé plusieurs traits d’un État unitaire, juxtaposés à la division fédérale des compétences législatives[30]. Par contre, paradoxalement, le Canada n’est pas si éloigné que le rapport le laisse croire de la confédération, quand on y observe la pratique intergouvernementale ou les discours sur le fédéralisme. Pour saisir cette dimension confédéraliste cachée, faisons un détour par l’histoire de la pensée fédéraliste.

 
Outre Montesquieu, un auteur moins connu mais non moins fécond a théorisé la fédération moderne, différente des anciennes confédérations dont l’histoire est riche, soit Samuel Pufendorf. Dans son traité Le droit de la nature et des gens, d’abord publié en latin en 1672, traduit en français par Jean Barbeyrac en 1706, le baron allemand examine notamment les différentes formes d’États et d’alliances que ceux-ci peuvent conclure entre eux. Il distingue l’État simple, où il n’y a qu’un seul souverain, de l’État composé, formé de plusieurs États. Parmi les États composés, Pufendorf reconnaît la Confédération perpétuelle, par laquelle plusieurs États « s’engagent les uns envers les autres à n’exercer que d’un commun accord quelque partie de la souveraineté[31]. » Pour Pufendorf, la confédération perpétuelle se distingue des simples alliances ponctuelles que les États concluent entre eux pour un temps limité en ce qu’elle « réunit plusieurs peuples en un seul corps » et partage l’exercice du pouvoir souverain. En effet, dans la Confédération perpétuelle, « plusieurs peuples, sans cesser d’être autant d’États distincts, s’unissent pour toujours en vue de leur conservation et de leur défense mutuelle, faisant pour cet effet dépendre de leur commun consentement l’exercice de certaines parties de la souveraineté[32]. » Dans ce régime, les parties de la souveraineté mises en commun sont exercées au moyen d’une assemblée permanente où chaque État délègue ses députés et auprès de laquelle les ministres communs fort rapport de leurs activités; les affaires réservées aux États sont exercées par chacun librement, sans devoir consulter les autres ou obtenir leur approbation. Cet État composé qu’esquisse Pufendorf n’est sans doute pas tout à fait la fédération moderne, telle qu’elle adviendra avec la constitution américaine de 1787. Mais il en annonce plusieurs des traits : un partage de la souveraineté, la création d’un nouveau corps durable qui n’abolit pas l’identité des États membres. Cependant, Pufendorf ajoute d’autres considérations très intéressantes. Il se pose la question : quelle règle de délibération la Confédération doit-elle adopter pour les affaires communes, la majorité ou l’unanimité? Pufendorf tranche clairement en faveur de l’unanimité, la seule règle qui puisse préserver la liberté des États membres. « En effet, écrit-il, la liberté d’un État n’étant autre chose que le pouvoir de décider en dernier ressort des affaires qui concernent sa propre conservation; on ne saurait concevoir qu’un État soit libre, lors qu’un autre peut le contraindre avec autorité à faire certaines choses[33]. » La règle de la majorité, observe Pufendorf, peut certes être suivie, dans un État composé irrégulier, « qui tient un peu de la nature d’un État simple. » La règle de majorité crée une logique de dépendance qui entraîne que les intérêts de quelques-uns sont subordonnés à ceux d’une pluralité et conduit souvent à « une grande injustice » quand les États confédérés sont inégaux en puissance; le juriste admet que la règle de la majorité peut être introduite dans des « assemblées déjà établies » mais c’est là une simple convention, un expédient, qui ne découle en rien du droit naturel dont Pufendorf fut, avec Grotius, l’un des grands théoriciens.

 
Au fond, ce que fera la fédération moderne, c’est de généraliser cette règle que Pufendorf considérait comme injuste, irrégulière, réductrice de la liberté des États et propre à l’État simple, c’est-à-dire unitaire, à un très grand nombre de domaines relevant d’un nouvel État qui renferme les États membres sans les abolir. Cette généralisation s’est faite par trois moyens : 1- la création d’un deuxième palier d’État, supérieur, autonome et juxtaposé, qui gouverne pour l’ensemble de la fédération sur la base de décisions majoritaires, prises au parlement fédéral représentant une population électoralement unifiée; 2- l’introduction de la règle de la majorité, simple ou qualifiée, dans la deuxième chambre fédérale où les États sont représentés, sans toujours pouvoir bloquer les volontés de la première chambre; 3- enfin, par la procédure de modification constitutionnelle, qui donne aux États fédérés voix au chapitre certes, mais sans accorder de veto à aucun d’eux, puisque d’ordinaire, les changements constitutionnels en fédération doivent requérir l’approbation d’une majorité simple ou qualifiée des États membres. Pufendorf avait assurément vu très juste en disant que la règle de la majorité « tient un peu de la nature d’un État simple ». Elle induit une puissante logique d’unification et de réduction de la liberté des États membres, si bien que c’est l’État fédéral qui est le plus libre, alors que les États fédérés sont placés dans une dépendance constitutionnalisée. De plus, l’État fédéral dispose d’une panoplie de compétences et de ressources qui lui permettent, par les infrastructures, les programmes, les lois et les projets communs qu’il met en œuvre, d’accélérer l’unification de la vie sociale, culturelle et économique de la fédération. En ce sens, la fédération n’est pas un régime qui offre des garanties absolues d’autonomie et de liberté aux États membres; elle met seulement des contraintes à l’action unificatrice de l’État fédéral.

 
Dans une fédération culturellement homogène, l’application systématique de la règle de la majorité finit par être acceptée par tous les États membres sans trop de peine. Que quelques-uns d’entre eux ne se range pas derrière l’avis général n’est pas vu comme un signe d’exclusion ou de domination insoutenable. Les choses se compliquent dans une fédération multinationale, où une ou plusieurs minorités nationales encourent le risque de subir le rouleur compresseur majoritaire. C’est ce qui explique pourquoi les ténors du fédéralisme au Québec ont depuis longtemps eu une lecture confédéraliste de ses rapports avec le reste du Canada. Sous la forme soit bilatérale, cristallisée par l’idée que le Canada est issu d’un pacte entre deux peuples fondateurs et égaux; soit multilatérale, comme l’ont fait les accords du lac Meech et de Charlottetown, qui ont tenté d’accorder à tous les États provinciaux ce que le Québec avait d’abord demandé pour lui-même : un droit de veto constitutionnel, un droit de retrait compensé des programmes cofinancés, des pouvoirs accrus en immigration, etc. La revendication par le Québec d’un statut distinct couplé d’un droit de veto constitutionnel a toujours indisposé le reste du Canada, qui a préféré généraliser à tous une dévolution de pouvoir que de laisser seul le Québec en profiter. La revendication québécoise revenait au fond, d’une certaine manière, à introduire du confédéralisme dans les rapports entre le Québec et le reste du Canada, en réservant pour ce dernier la dure loi majoritaire fédérale. La Loi constitutionnelle de 1982 a certes consacré cette dernière règle dans la procédure d’amendement, mais non sans y ajouter une exception d’unanimité pour certaines matières. Quand on y pense, la quête de liberté du Québec a consisté en une persistante aspiration confédéraliste : les fédéralistes ont rêvé à un nouvel arrangement fédéral assorti des avantages du confédéralisme; les souverainistes ont voulu l’indépendance d’une confédération avec le Canada, mais complétée de plusieurs avantages du fédéralisme : monnaie et politiques communes. Plusieurs soutiennent que les Québécois ont mal compris les exigences du fédéralisme; ils n’en auraient que pour l’autonomie, sans saisir celles qui découlent de l’interdépendance[34]. Seulement, il en est peut-être ainsi parce qu’ils inclinent à considérer leurs rapports avec le reste du Canada à l’aune d’une idée, sans doute floue et mais tenace, de confédération dualiste. En somme, pour emprunter au langage d’Althusius, les Québécois seraient moins intéressés par une « fédération totale » avec le Canada que par une « fédération partielle » avec lui, soit l’équivalent d’une confédération. Si jamais les Québécois se résolvent à avoir un État, il se situera sans doute dans cet entre-deux fuyant et indéfinissable d’un hybride de la fédération et de la confédération[35]. Mais le Canada lui-même ne s’est jamais clairement défini comme entièrement fédéral. Il est lui-même un curieux mélange des deux et d’État « simple ».

 
Une question « catalane » pour  l’Europe?

 
À bien y penser, la question catalane, posée dans le cadre ibérique ou canadien, n’intéresse pas que le sort de petites nations. Elle peut s’avérer aussi fort utile pour comprendre la nature des relations entre les États membres de l’Union européenne et ce centre de pouvoir émergent et aux têtes multiples qui se promène entre Bruxelles, Strasbourg, Luxembourg et toute autre capitale où se rencontrent les hautes instances de l’Union. Celle-ci, depuis la création d’un marché commun entre six pays membres en 1957, s’est élargie progressivement à 27 membres, par un mélange toujours plus complexe de confédéralisme intergouvernemental et de fédéralisme supranational basé sur des traités. En 2005, les électeurs en France et dans les Pays-Bas se sont prononcés sur un projet de constitution européenne qui devait donner au pouvoir européen les contours d’un État fédéral naissant. Au fond, la question posée aux électeurs était implicitement la suivante : « Voulez-vous que se juxtapose aux États membres de l’Union européenne une amorce d’État fédéral? »  L’idée d’adopter une constitution, au lieu de simplement ajouter un traité aux traités conclus depuis 1957, procédait de la volonté, en prenant pour exemple la constitution américaine de 1787, de donner à la construction européenne une base résolument fédéraliste. D’ordinaire, les fédérations se forment à partir d’une constitution, alors que les confédérations naissent de traités conclus entre États indépendants. Le projet de constitution européenne, à l’instar des constitutions fédérales, prévoyait un partage des compétences, mais à la différence de celles-là, accordait à tout État membre un droit de retrait de l’Union sans condition. Et ce projet de constitution, comme un traité cependant, devait recevoir l’approbation de tous les États membres pour entrer en vigueur, donc rendre hommage au principe d’unanimité confédéraliste. Les électeurs français et hollandais ont opposé un non sans équivoque au projet. Il n’empêche que les dirigeants nationaux et européens, fort embarrassés par ces désaveux populaires, ont décidé d’y passer outre en faisant adopter un traité, signé à Lisbonne, qui reprenait l’essentiel du contenu du projet de constitution, en laissant toutefois tomber ceux des éléments du projet qui auraient le plus visiblement conféré à l’Union européenne l’aspect d’une fédération : une devise, un drapeau et une hymne. C’est dire l’importance que ces dirigeants ont accordée au principe démocratique, pourtant loué et mis en exergue dans le projet de constitution qui reprenait cette phrase de Thucydide citant Périclès : « Notre constitution…est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d’une minorité, mais du plus grand nombre. »  Le traité de Lisbonne fut finalement ratifié par les 27 États membres, non sans avoir dû faire voter deux fois l’Irlande, le seul pays à soumettre le traité au peuple, qui rejeta d’abord le texte avant de s’y ranger sous la pression internationale. L’expérience européenne montre que plus on monte dans l’échelle du pouvoir, plus il est facile de contourner les prononcés de la démocratie directe. Périclès aurait eu beaucoup plus de peine à faire fi des volontés du peuple athénien rassemblé sur la Pnyx que les conclaves européens n’en ont eu à se jouer du suffrage de leurs peuples.

 
Cela dit, le traité de Lisbonne approfondit la dynamique fédéraliste à l’œuvre dans la construction européenne en particulier en étendant dans le fonctionnement de l’Union la portée de la règle majoritaire. Dans un premier temps, le traité de Lisbonne applique cette règle à un plus grand nombre de domaines de décision, à l’instar des traités de précédents d’Amsterdam et de Nice, qui chacun avait successivement réduit la sphère des décisions relevant de l’unanimité. L’accélération de la construction européenne depuis 1957 a reposé pour une bonne part sur l’extension sans cesse plus grande, accentuée de traité en traité, du nombre de matières décidées à la majorité au Conseil des ministres (ou Conseil de l’Union européenne), l’instance intergouvernementale qui représente les États membres au sein des institutions européennes et qui statue, avec le Parlement européen, sur les directives et les règlements communs. Dans un deuxième temps, le traité de Lisbonne accentue la dynamique majoritaire déjà à l’œuvre au sein du Conseil des ministres en changeant la manière dont la majorité est calculée. Pendant longtemps au sein du Conseil, chaque État disposait d’un certain nombre de voix, pondéré en fonction de son poids démographique, si bien que les grands États, comme la France et l’Allemagne, pesaient d’un poids plus lourd alors que les plus petits États jouissaient d’un poids certes moindre mais quelque peu supérieur à leur importance démographique. Depuis 2007, une décision était prise quand un certain seuil était atteint, soit 255 voix sur 355, réparties entre au moins 14 États membres. Le traité de Lisbonne prévoit qu’à partir du 1er novembre 2014 ce système de votation sera remplacé par un autre, en vertu duquel une décision prise à la majorité devra dorénavant obtenir l’aval d’au moins 55% des États représentant au moins 65% de la population totale de l’Union européenne. Cependant, pour amortir sans doute l’impact d’une telle réforme, tout État pourra jusqu’au 31 mars 2017 demander, dans une décision en particulier, l’application du système de votation en vigueur avant novembre 2014. Le nouveau système abaisse en quelque sorte le seuil de la majorité requis, qui n’est plus fixée à près de 72% des voix pondérées des États mais à 55% d’entre eux, mis sur un pied d’égalité, et à 60% de leurs populations réunies. Cette nouvelle règle de votation évoque par sa forme la formule générale d’amendement de la constitution canadienne, suivant laquelle un amendement doit obtenir l’assentiment d’au moins 7 États provinciaux (sur 10) représentant au moins 50% de la population de l’ensemble de ces derniers.

 
Le traité de Lisbonne a prévu un autre mécanisme d’accentuation majoritaire de la dynamique européenne, soit réduire le nombre de commissaires composant la commission européenne. Il était acquis avant la signature du traité que chaque État ait son représentant; la commission reflétait donc une espèce d’égalité confédéraliste entre États dans sa composition. Portée à 27 membres, la commission a paru encombrée, et le traité a voulu réduire le nombre de ses membres, soit aux 2/3 d’entre eux seulement. On envisageait de mettre en place un système de représentation rotative, qui impliquait qu’une majorité qualifiée d’États serait toujours représentée au sein de la commission et habilitée à parler pour l’ensemble, alors qu’un tiers restant attendrait son tour. Cette réforme était tellement radicale que le Conseil européen, l’instance suprême de l’Union, a décidé en 2008 de prolonger le principe d’un État, un commissaire par-delà l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne[36].

 
Dans les nouvelles institutions financières européennes créées depuis la crise de 2008 c’est aussi la règle de la majorité qualifiée qui s’est imposée, comme par exemple au sein du mécanisme européen de stabilité (MES), créé en 2012 sur le modèle du Fonds monétaire international. Cette agence intergouvernementale européenne est dirigée par un conseil des gouverneurs constitué des ministres de finances des États membres; les décisions s’y prennent à la majorité qualifiée, soit en général 80% des voix; cependant, ce n’est pas l’égalité entre États qui y préside, les voix sont pondérées en fonction de l’apport en capital de chacun, ce qui donne à la France et à l’Allemagne, qui ont apporté chacune plus de 20% du capital, un droit de veto. De plus, les États pris en défaut de paiement de leurs obligations financières contractées auprès du MES verront leur droit de vote suspendu[37]. Ici, la règle majoritaire, qui répercute l’inégalité de richesse entre les États, se double d’un volet punitif.

 
Un aspect cependant du fonctionnement de l’Union européenne résiste encore à la dynamique fédéralisatrice de la règle majoritaire, soit la révision des traités constitutifs de l’Union, qui ne peuvent en théorie être modifiés qu’à l’unanimité de ses membres signataires. Une conférence intergouvernementale des pays membres, elle-même souvent précédée d’une convention élargie à des représentants des parlements nationaux et européen, devait d’ordinaire préparer les projets d’amendement ou de nouveaux traités. Le traité de Lisbonne, sans abolir l’unanimité, a quelque peu relâché la rigueur du principe et mis fin à l’exclusivité des États sur la procédure de révision. Ainsi le Parlement européen peut-il depuis Lisbonne proposer formellement un projet de révision. Par ailleurs, le traité introduit des procédures de contournement de la procédure ordinaire de révision, encore d’esprit confédéraliste et intergouvernementale. Ainsi une procédure de révision dite « simplifiée » permet, lorsqu’il ne s’agit pas d’accroître les compétences de l’Union, de passer outre à la convention et à la conférence intergouvernementale[38]. De plus, des clauses dite « passerelle » donnent au Conseil européen le pouvoir, en statuant cependant à l’unanimité, de modifier les modalités d’adoption de décisions prévues dans les traités. Par exemple, si une question doit être tranchée à l’unanimité selon les traités, le Conseil peut à l’unanimité, si aucun parlement national ne s’y oppose, décider que cette question sera plutôt tranchée à la majorité qualifiée. Ainsi on peut « moduler » l’application des traités sans passer par leur révision formelle.

 
Malgré ces assouplissements apportés par le traité de Lisbonne à la procédure de révision, il en est en Europe qui réclament l’abandon pur et simple de l’unanimité pour la révision des traités, ainsi que l’a fait la commission des affaires constitutionnelles du parlement européen dans un rapport remis le 15 novembre 2013. Les rédacteurs de ce rapport, promoteurs d’une « gouvernance à multiples niveaux » au sein de l’Union, ont envisagé l’adoption d’une nouvelle règle de révision des traités, soit le 4/5 des États membres au lieu de l’unanimité, dans un esprit clairement fédéraliste, puisque la révision ainsi ratifiée à la majorité qualifiée s’appliquerait à l’ensemble des États membres sitôt celle-ci atteinte. Toutefois, si le parlement européen a accepté dans son ensemble le rapport, il a refusé dans un vote distinct de cautionner l’abandon de l’unanimité pour la révision des traités. Il en est aussi qui, devant la difficulté de faire avancer de concert 27 pays aux avis divergents sur la marche de l’Union, voudraient d’une Union plus approfondie entre un cercle plus restreint d’États, laissant les autres dans un cercle d’intégration moins poussé, soit le scénario d’une Europe à plusieurs vitesses[39].

 
Cependant, la volonté d’en finir avec le confédéralisme des traités européens protégée par l’unanimité risque de se buter sur les obstacles que les cours constitutionnelles des États membres, gardiennes de leur constitution et de leur souveraineté, ont érigés au fil de leurs décisions. Une des plus spectaculaires rendues en la matière fut celle que la Cour constitutionnelle allemande a rendue le 30 juin 2009 sur la compatibilité du traité de Lisbonne avec la Loi fondamentale allemande de 1949. Bien que la cour ait confirmé pour l’essentiel la conformité du traité, elle a posé des balises strictes qui laissent penser que l’Allemagne ne pourra facilement se dessaisir de sa souveraineté, notamment du pouvoir constituant dont le peuple est le détenteur ultime. La cour de Karlsruhe voit l’Union européenne comme une association d’États souverains, une union d’États (Herrschaftsverband[40]) régie par le droit international et fondée sur leur égalité. Les institutions européennes ne formant pas encore aux yeux de la Cour ni un État fédéral, ni un État représentant un peuple démocratique souverain, aucun transfert de compétence en faveur de l’Europe ne pourra se faire au détriment de l’identité constitutionnelle et nationale de l’État allemand, qui conserve la compétence des compétences (Kompetenz-Kompetenz) et demeure le siège de la démocratie pour les Allemands. En effet, de même que pour la Cour le peuple allemand demeure l’unique sujet de légitimation du pouvoir démocratique, de même le parlement de Strasbourg n’est-il encore qu’une assemblée supranationale représentant les peuples des États membres, et non un peuple européen unifié. Ainsi, il échappe aux autorités allemandes, même en recourant à la procédure d’amendement ordinaire de la Loi fondamentale d’Allemagne, de fondre le pays dans une fédération européenne, à moins que le peuple, saisi par référendum, ne s‘y résolve, un scénario qu’entrevoit à demi-mots la cour de Karlsruhe[41]. Comme l’observait un rapport du Sénat français sur la décision de la Cour allemande : « Pour que l'Allemagne perde sa qualité d'État souverain, il faudrait que le peuple allemand lui-même renonce librement et explicitement aux bases mêmes de la loi fondamentale, décide de sortir du cadre de celle-ci[42]. » Or aucun référendum national ne s’est tenu en Allemagne depuis la république de Weimar[43].

 
Il est utile de rappeler ici comment la fédération américaine s’est formée en 1787-1790. Les États américains réunis dans une confédération formée en 1777 s’interrogèrent sur l’avenir de leur union, après avoir gagné leur indépendance contre la métropole britannique. Le pacte qui régissait leur union n’était modifiable qu’à l’unanimité, comme un traité conclu entre États souverains. Les pères fondateurs trouvèrent un moyen ingénieux d’éluder cette règle pour eux trop contraignante. Ils en appelèrent d’abord au peuple, puisque la ratification de la constitution devait appartenir à des conventions spécialement élues dans chacun des États, au lieu de laisser la chose à leur législature. « [I]l était devenu évident, écrit l’historien Gordon Wood, pour la plupart des Américains en 1787 que les assemblées n’étaient plus compétentes pour changer les constitutions[44]. » Ensuite, les pères fondateurs envisagèrent une portée restreinte de la constitution, qui entrerait en vigueur sitôt que neuf États l’auraient ratifiée mais ne serait applicable qu’à eux seuls, si bien que les États non-signataires devaient ou bien se rallier ou s’exclure du mouvement. Les neuf ratifications furent acquises dès 1788, et tous les autres États finirent par donner leur approbation en 1790, le Rhodes Island étant le dernier. Pour justifier le contournement de l’unanimité inscrite dans les Articles de la confédération de 1777, Madison invoqua « le grand principe de la préservation de soi », « la loi transcendante de la nature » et « la nature de Dieu » en vertu desquels les institutions ont pour objets « la sécurité et le bonheur de la société »,  auxquels « toutes ces institutions doivent être sacrifiées. »[45] Tel un esquif se brisant un écueil imparable, les obligations contractées par traité en 1777 durent céder à de si puissants arguments.

 
Nul ne sait si les pays de l’Union européenne pourront indéfiniment à la fois maintenir une union d’États préservant leur souveraineté et leur identité constitutionnelle et tendre à l’unification de leurs politiques, voire de leurs cultures, par l’extension de la logique majoritaire à tous les échelons de l’Union. Mais il n’est pas incongru de penser qu’un jour une forme de question catalane soit posée aux peuples de l’Union : « Allemands, Français, Italiens, Espagnols, tenez-vous à garder votre État souverain? » Le basculement se fera peut-être quand à tout prendre ces peuples préféreront à la grandeur épuisée de leur nation la moindre démocratie d’un Empire paraissant un meilleur gage de prospérité, de sécurité et de bonheur auquel leurs institutions politiques devront être sacrifiées.

 
Marc Chevrier

 

 

 

 


[2] Voir Silvia Senz, voir “Estat/estat en la consulta de autodeterminación de Cataluña. La mayúscula importancia de una mayúscula”, 18 décembre 2013, du blogue Addenda & Corrigenda.

 

[3] John Keane, The Life and death of democracy, New York, W.W. Norton & Company, 2009, p. 169.

 

 

 

[4] Franceso Serra i Serrallès, Catalogne, 1714 : voyage sur les lieux de la guerre de Succession et à l’époque baroque, Agència catalana de turisme, Barcelone, 2010.

 

 

 

[5] Concita de Gregorio, « Divorzio alla catalana », La Repubblica, 27 décembre 2013, p. 31-32.

 

 

 

[6] Artur Mas, Per une Casa Grand del Catalanisme, Barcelone, Editorial Base, 2008, p. 104.

 

 

 

[7] Marc Carillo, «La sentencia del tribunal constitucional español sobre el estatuto de autonomía de Cataluña », Estudios constitucionales, 2011 9(1), p. 4.

 

 

 

[8][8] Xavier Arbos Marin, « Le tribunal constitutionnel espagnol et le statut d’autonomie espagnol », Justice en ligne, 15 août 2010.

 

 

 

[9] Adrien Chauvin, « Les Catalans se mobilisent pour la Catalogne », Le Courrier International, 13 juillet 2013.

 

 

 

[10] Frédéric Bastien, La Bataille de Londres, Montréal, Boréal, 2013.

 

 

 

 

[12] Absolutisme dont Pierre de Calvet a fait un réquisitoire saisissant dans son  Appel à la justice de l’État ou recueil de lettres au roi, au prince de Galles et aux ministres, Londres, 1784, réédité par Jean-Pierre Boyer aux éditions du Septentrion.

 

 

 

[13] Jordi Casassa i Ymbert, El temps de la nació, Barcelone, Proa, 2005,   voir 4, p. 119-144.

 

 

 

[14] Voir Angel Pont, “La consulta e las enquestas”, El Periodico, 18 décembre 2013.

 

 

 

[15] Sur ce pouvoir, voir l’analyse qui en est faite dans Marc Chevrier, « La constitution ferroviaire », Encyclopédie de l’Agora, 13 août 2013.

 

 

 

[16] Voir aussi Marc Chevrier, « Federalism in Canada : A World of Competing Definitions and Views », dans Stephen Tierney, Multiculturalism and the Canadian Constitution, Vancouver, The University of British Columbia, 2007, p. 108-126.

 

 

 

[17] Un Canada renouvelé, rapport du comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada, coprésidé par Gérald Beaudoin, sénateur et Dorothy Dobbie, députée, 26 février 1992, 203 p.

 

 

 

[18] Sur le canadianisme, voir aussi le texte que j’ai publié dans Argument, « De l’extrême Byzance », Argument, vol. 7, no1, automne 2004, hiver 2005, et vol. 7, no2, printemps-été 2005.

 

 

 

[19] Voir sur l’idéal moral incarné par le Canada post-1982 l’excellent texte de François Charbonneau, « Le meilleur pays au monde : Le Canada comme idéal moral », Argument, vol. 7, no 1, automne 2004, hiver 2005.

 

 

 

[20] Voir Un projet pour le Québec. Affirmation, autonomie et leadership. Rapport final, Comité spécial du Parti libéral du Québec sur l’avenir politique et constitutionnel de la société québécoise, octobre 2001, 165 p.

 

 

 

[21] Ibid., p. 47.

 

 

 

[22] Ibid., p. 45.

 

 

 

[23] Ibid., p. 48.

 

 

 

[24] Ibid., p. 51.

 

 

 

[25] Ibid., p. 48.

 

 

 

[26] Ibid., p. 63.

 

 

 

[27] Voir Jennifer Graham, « Saskatchewan passes motion calling for Senate abolition, repeals law for electing nominees », The Globe and Mail, 6 novembre 2013.

 

 

 

[28] Joël-Denis Bellavance, « Nominations au Sénat : Trudeau veut consulter les provinces », La Presse, 1er février 2014.

 

 

 

[29] Sur le débat entourant la création d’un sénat fédéral en Italie, voir Beniamino Caravita, Lineamenti di diritto constituzionale federale e regionale, 2e édition, Turin, G. Giappichelli editore, 2009, p. 54-55.

 

 

 

[30] Voir les éléments soulignés par Benoit Pelletier, « L’expérience fédérale canadienne », dans Serge Jaumain (dir.), La réforme de l’État…et après?, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 1997, p. 55-74.

 

 

 

[31] Samuel Pufendorf, Le droit de la guerre et des gens, traduction de Jean Barbeyrac, édition de Bâle, 1732, réimpression Caen, Presses universitaires de Caen, 2009, tome II, Livre VII, chapitre V, p. 285.

 

 

 

[32] Ibid., p. 285-286.

 

 

 

[33] Ibid., p. 287.

 

 

 

[34] Voir notamment François Rocher, « La dynamique Québec-Canada, ou le refus de l’idéal fédéral », dans Alain Gagnon (dir.), Le fédéralisme canadien contemporain, Montréal, Les presses de l’université de Montréal, 2006, p. 93-146. Également, voir Guy Laforest, « The meaning of canadian federalism in Quebec : critical reflections », Revista d’Estudis Autonomìcs i Federals, No 11, octobre 2010, p. 10-55.

 

 

 

[35] Althusius, l’un des premiers théoriciens du fédéralisme, distinguait la fédération partielle (non-plena confederatio) de la fédération totale (plena consociatio et confederatio), cette dernière expression anticipant ce qui deviendra plus tard la fédération moderne. Voir Bernard Voyenne, Histoire de l’idée fédéraliste, Les sources, Paris, Presses d’Europe, 1976, p. 107-108.

 

 

 

[36] Conseil européen du 11 et 12 décembre 2008, Bruxelles, voir : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/104669.pdf .

 

 

 

[37] Article 4(8), Traité instituant le mécanisme européen de stabilité, http://www.european-council.europa.eu/media/582863/06-tesm2.fr12.pdf .

 

 

 

[38] Voir article 48(6), Traité sur l’union européenne.

 

 

 

[39] Voir sur ce sujet Thierry Chopin, « L’Europe à deux vitesses : une voie pour l’intégration? », Le Monde, 4 novembre 2011; voir aussi Jean-Claude Piris, The Future of Europe. Towards a Two-Speed Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, 176 p.  De même, « Merkel für ein Europa der zwei Geschwindigkeiten », Die Welt, 7 juin 2012.

 

 

 

[40] Terme également utilisé pour qualifier l’empire carolingien, voir Johannes Fried,  « Der Karolingische Herrschaftsverband im 9. Jh. Zwischen "Kirche" und "Königshaus" », Historische Zeitschrift, Bd. 235, H. 1,1982, p. 1-43; voir aussi Maurizio Back, Europa Ohne Gesellschaft, Wiesbaden, VS Verlag fûr Sozialwissenchaften, 2008, p. 93-127, qui présente l’Union européenne comme une union d’États bureaucratisée.

 

 

 

 

 

[41] Voir la traduction française de la décision, Décision de la Cour constitutionnelle allemande sur le traité de Lisbonne (30 juin 2009), disponible dans le site du Centre virtuel de connaissance sur l’Europe, paragraphe 236, p. 45.

 

 

 

 

[43] Sur les référendums faits sous la République de Weimar, voir cet article de la digithèque MJP.

 

 

 

[44] Gordon Wood, La création de la République américaine, 1776-1787, Paris, Belin, 1991, p. 613.

 

 

 

[45] Traduction libre, Alexander Hamilton, John Jay et James Madison, The Federalist, New York, The Modern Library, No 43 (Madison), p. 287.

 

 

 

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