La migration sensorielle du monde réel au monde numérique

Chantal Lapointe

Nos enfants passent le tiers de leur temps devant un écran. Cela soulève une question est à la fois d’une importance terrifiante et d’une simplicité désarmante. Elle se ramène en effet à ceci : vaut-il mieux pour un enfant courir sur une vraie plage plutôt que de regarder un robot courir dans un jeu vidéo ? Voici une réponse fondée sur une étude de la perception. Le réel n’est-il pas devenu par rapport au virtuel ce qu’était le transcendant par rapport au réel ?

Conférence reprise et mise en forme par Chantal Lapointe avec l'accord de l’auteur,

Le 27 octobre dernier, j’ai eu le bonheur d’assister à une conférence en deux parties de Philippe Perennès[1], sur ce qu’il appelle judicieusement la « Migration sensorielle du monde réel au monde numérique ». La première partie portait sur les conséquences de cette migration sur le développement de l’enfant et la seconde sur ce que nous devons faire pour réagir à cette situation.

De quoi s’agit-il? Quand on observe les données concernant le rapport actuel avec le monde numérique, on constate qu’il y a aujourd’hui davantage d’abonnements au téléphone mobile qu’il y a d’humains sur la planète[2] ; on peut aussi réaliser que les jeunes passent une très grande partie de leur journée sur les écrans, que ce soit pour communiquer ou recevoir des messages, pour regarder la télévision ou des vidéos ou pour jouer à des jeux. Si bien que si on concentrait toutes les heures consacrées à la consommation informatique, on pourrait dire qu’en moyenne, les jeunes d’aujourd’hui sont à temps plein devant un écran du premier janvier jusqu’au début du mois de mai, soit le tiers de leur vie.

Par conséquent, les perceptions sensorielles, qui autrefois étaient tournées vers le monde réel, sont aujourd’hui rivées sur monde virtuel, c’est pourquoi Philippe Perennès parle de « migration sensorielle ».

La perception pour rencontrer le monde

Face à cette situation, le conférencier s’interroge sur la possibilité que cette migration n’ait aucun effet sur l’être humain. Et si, au contraire, elle a des conséquences, quelles sont-elles? Pour y répondre, il nous invite à nous tourner vers notre vécu perceptuel :

Chacun peut convenir, à partir de son expérience quotidienne qu’il y a une différence entre regarder le monde réel autour de soi et regarder une image du monde, qu’elle soit reflétée par un miroir ou par un écran. Dans ce cas, c’est notre rapport au monde, ce que nous pouvons en retirer, qui diffère.

Par ailleurs, nous pouvons nous demander si le fait de percevoir quelque chose peut avoir un impact sur ce qui est perçu. En effet, ne cherchons-nous pas, chacun de nous, à être perçu par les autres? Et le drame le plus terrible pour un être humain n’est-il pas, justement, de ne pas être perçu pour ce qu’il est, dans ce qu’il fait, dans son travail, dans ses réalisations? Cela, dès l’enfance et, souligne Perrènes, nous avons le pouvoir, comme adulte, de modifier le comportement d’un enfant simplement en le percevant et en nous intéressant à lui, en affinant notre regard face à lui. Quand l’adulte perçoit l’enfant, et quand l’enfant perçoit l’adulte, il y a quelque chose qui se passe chez le percevant et chez le perçu, quelque chose qui ne peut se passer sans la perception. La perception apparaît ainsi comme un phénomène particulier et comme une tâche incontournable pour les éducateurs.

Cependant, la perception, quoi qu’on puisse en penser, n’est pas naturelle, il faut la développer, la travailler et pour cela deux éléments s’avèrent essentiels : des organes en bon état et la curiosité. La première condition paraît évidente, mais sans la dernière, nous pouvons passer à côté des plus belles merveilles du monde sans les percevoir. Ce que le conférencier illustre en nous racontant l’expérience réalisée par le Washington Post, le matin du 12 janvier 2007, en invitant Joshua Bell, un des plus grands violonistes du monde, à jouer dans le métro de Washington six des plus belles pièces du répertoire classique sur un Stradivarius de très grande valeur. Or, sur les 1097 personnes qui ont pu être témoin de l’événement durant les trois quarts d’heure où le musicien a joué, seules 7 se sont arrêtées quelques instants ; il n’y a jamais eu d’attroupement et le musicien n’a récolté que 32,17 $, dont 20 $ laissés par la seule personne qui l’a reconnu. « Si nous sommes capables de passer devant un des plus grands musiciens du monde, qui joue sur un des meilleurs instruments les plus belles pièces du répertoire classique, à côté de quoi pouvons-nous passer sans le voir? » nous demande Perennès.

Cependant, tous les enfants qui sont passés par cette station de métro là, le 12 janvier 2007, ont voulu s’arrêter pour écouter le musicien, alors que leurs parents les pressaient de continuer leur chemin[3]. Voilà, les enfants naissent avec la curiosité et la capacité de s’émerveiller devant le monde, mais la plupart des adultes les ont perdues.

Pour que les enfants puissent se lier au monde, il faut nourrir leur curiosité et non l’éteindre, et il faut les amener à développer leurs sens, car la rencontre avec le monde passe nécessairement par des perceptions sensorielles. Par conséquent, tout ce qui peut affecter négativement les organes de perception doit être considéré comme contre-productif du point de vue éducatif. Or, nous assistons depuis près de 20 ans à travers le monde à une augmentation importante des cas de myopie, ceux-ci apparaissant de plus en plus tôt dans la vie. La lumière bleue des écrans et le manque d’activités extérieures sont pointés comme étant les causes de cette transformation[4]. Comment s’étonner quand on sait que de plus en plus d’enfants apprennent à se servir d’une tablette électronique avant même de savoir marcher ? Qu’en est-il des autres sens ?[5]

L’effet de la migration des perceptions

La perception est notre porte ouverte sur le monde, ce qui nous donne les moyens de le penser, de le connaître, d’y réagir et de trouver les moyens d’intervenir. Dès lors, comment la migration des perceptions vers le virtuel peut-elle affecter notre penser, notre ressentir et notre vouloir? Perennès nous invite à considérer certaines expériences menées depuis les années 1990, qui visaient à saisir la possibilité pour les jeunes enfants d’apprendre quelque chose à travers la télévision. Expériences qui ont permis de mettre en lumière le « déficit vidéo ». Une d’entre elles consistait à montrer aux enfants un jouet qui allait être caché dans une pièce voisine et de leur demander d’aller retrouver le jouet. Dans l’expérience typique, telle que rapportée par Daniel R. Anderson et Tiffany A. Pempek[6], un groupe d’enfants observe à travers une vitre l’adulte en train de cacher le jouet, alors qu’un autre groupe regarde la même chose transmise par un écran de télévision. Dans la première situation, les enfants de 2 ans trouvent facilement l’objet sans avoir à chercher à plusieurs endroits alors que les enfants qui ont vu l’adulte cacher l’objet à travers la télévision ont une piètre performance.

Anderson et Pempek soulignent qu’on ne sait pas pourquoi il en est ainsi et soutiennent que la difficulté ne vient pas de la nature tridimensionnelle de la tâche de rechercher le jouet, car le déficit vidéo a aussi été observé dans un contexte ou la recherche s’inscrivait dans un espace bidimensionnel. Le problème n’est pas relié, non plus, à l’aspect visuel de l’expérience, car les résultats ont été similaires dans une expérience où un adulte s’adresse verbalement aux enfants, soit en personne ou à travers un circuit fermé télévisuel, pour leur dire où il a caché le jouet. Les enfants auxquels une personne réelle est venue parler trouvent facilement l’objet alors que ceux auxquels la même personne s’adresse à travers un circuit fermé télévisuel ne trouvent pas le jouet. Cela ne signifie pas, selon Anderson et Pempek, que les enfants ne retiennent rien de la télévision, mais plutôt que l’information qui leur provient à travers ce média, comparé à celle reçue dans l’expérience réelle, leur paraît trop peu convaincante pour guider leur comportement[7].

Pour Philippe Perennès, il y a, dans ce déficit vidéo, un « déficit volontaire », c’est-à-dire un problème lié au fait que l’enfant n’est pas stimulé par ce qu’il perçoit, parce que cela ne lui est pas transmis directement par un être humain, mais à travers un obstacle qui empêche une véritable relation, qui établit une barrière entre le percevant et ce qui est perçu. Alors que souvent les expérimentateurs s’intéressent à la mémoire et à l’apprentissage, Perennès attire notre attention sur l’action de l’enfant, sur l’enthousiasme éveillé en lui par le contact et la relation avec l’expérimentateur.

Ainsi, il met le doigt sur une caractéristique fondamentale de notre rapport aux médias, à savoir le « déficit d’action » qu’il entraine. Cette passivité est facilement observable chez les adultes aussi bien que chez les enfants. Elle résulte d’effets physiologiques que les recherches sur la télévision ont pu mettre en lumière et qui se manifestent par la diminution importante de l’activité oculaire[8], par la transformation de l’activité du cerveau[9] qui passe à un état semblable à l’hypnose, par la « baisse du métabolisme de base de 12 à 16 % »[10] et par la diminution de 10 % de la fréquence cardiaque[11]. Tous ces facteurs, soutien Reiner Patzlaff, nous indiquent « un ralentissement forcé de l’activité propre qui devrait au fond amener très rapidement la conscience à un état d’hébétude proche de l’endormissement. Et cela serait certainement le cas si les programmes n’agissaient pas en sens inverse »[12]. Car effectivement la télévision, et maintenant les médias numériques ainsi que les jeux vidéo mettent tout en œuvre pour stimuler l’attention du spectateur, mais, quels que soient les moyens utilisés et l’illusion qu’ils peuvent donner d’une réelle participation, les écrans annihilent toute possibilité d’une contribution propre et volontaire. L’expression de ce déficit d’action trouve son paroxysme chez les Hikikomori, ces jeunes qui vivent reclus, refusant tout contact avec le monde qui soit autre que celui des écrans.

Les perceptions, nous rappelle Perennès, sont « édificatrice de l’humain ». Ce sont elles qui nous construisent, qui nous permettent de nous forger une image du monde et qui nous offrent la possibilité d’agir sur lui. Car c’est non seulement par ce qu’il pense et ce qu’il ressent, mais surtout par ce qu’il réalise, par ses actions que l’être humain se distingue et inscrit son histoire dans le temps et dans l’espace. Or, pour pouvoir agir, il faut d’abord qu’il apprenne à se situer lui-même dans l’espace et dans le temps. À cet égard, le cerveau humain est un organe extraordinaire, qui fait circuler les informations transmises par les sens d’une région à l’autre et permet cet éveil. Et plus il y a d’aires du cerveau qui sont concernées, plus il y a de conscience.

Or, c’est grâce aux sens, aux perceptions sensorielles que le cerveau se développe en premier lieu : « Les réseaux de neurones se développent à partir de notre expérience sensorielle, qui est unique, formant des structures intriquées, qui gouvernent, à un niveau supérieur, le développement du cerveau. L’expérience détermine la forme et l’intrication de ces structures, selon les activités qui sont les nôtres et l’ensemble des circonstances environnementales. Plus notre environnement sensoriel est riche, plus nous sommes libres de l’explorer, et plus complètes seront les structures qui nous permettront d’apprendre, de penser et d’être créatifs »[13].

Par ailleurs, la transmission des informations d’une ère cérébrale à l’autre dépend de la myélinisation, qui se fait progressivement et prend jusqu’à 20 ans pour être complétée. Myélinisation qui est favorisée par l’activité concrète, dans le mouvement, par la pratique et la répétition que n’importe quel enfant fait naturellement quand il n’est pas passif devant un écran[14].

 Considérons maintenant deux situations proposées par Perennès :

-          Dans la première, nous sommes au bord de la mer, l’eau est à 26 °C, nous regardons le lever du soleil. Là, nos sens sont grandement sollicités : par le sable sous nos pieds, par la chaleur de l’eau, par la brise fraîche du matin et la douce chaleur du soleil, par l’odeur de la mer, le bruit des vagues et des mouettes, par la vue du paysage qui se transforme sous nos yeux, etc.

-          Dans la seconde, nous marchons dans la rue d’une grande ville et au travers de la vitre d’un restaurant nous apparaît, sur un grand écran posté au mur, un feu de bois.

Si nous avions à comparer l’activité cérébrale issue de ces deux situations, souligne Perennès, nous pourrions voir que dans la première, les sens discutent ensemble, sollicitent de nombreuses aires du cerveau et font naître une véritable symphonie cérébrale. Concernant la seconde situation, que peut bien solliciter en nous ce feu de bois, quelle aire de notre cerveau peut bien être éveillée? Point de sensation de chaleur, point d’odeur, notre sens de la vue est insatisfait parce qu’il manque le bout des flammes, nous n’entendons pas le crépitement du feu, nous ne percevons pas le danger potentiel, etc. Il n’y a pas de cohérence entre ce qui est perçu par les yeux sur l’écran et le vécu sensoriel global, qui continue d’être sollicité par l’environnement réel autour de nous.

C’est par la perception sensorielle que les réseaux neuronaux se forment, ainsi que les synapses, situées à la terminaison des neurones et qui assurent la communication entre les neurones par la libération de neurotransmetteurs. Par conséquent, un enfant qui a la chance d’être mis dans des situations où ses sens sont sollicités, où il peut percevoir le monde dans sa cohérence, développe beaucoup mieux son cerveau qu’un enfant qui ne peut mettre l’ensemble de ses sens à contribution dans ses perceptions[15]. Après un cours ou après une expérience sensorielle, l’enfant n’est plus le même qu’auparavant. Un chemin synaptique s’est créé en lui. Ce qui n’est pas le cas si on laisse les enfants sans soins et sans possibilité de vivre des expériences sensorielles. L’expérience des orphelinats roumains en témoigne, car les enfants qui y vivaient une carence de soin et de perceptions sensorielles présentaient des retards de développement physique et cognitif importants (taille, poids, périmètre crânien, quotient de développement cognitif)[16]. L’expérience, souligne Perennès, est formatrice, elle modèle le cerveau, et les enfants qui avaient été privés de nourriture sensorielle ont pris des années pour rétablir leur périmètre crânien et retrouver une santé synaptique. On peut dès lors s’interroger sur ce qu’il se passe lorsque les enfants sont privés de la présence humaine autour d’eux, lorsque les interactions humaines sont remplacées par des robots, comme le iPal, gardien d’enfants en Chine[17] ou encore Kaspar, Nao ou Leka, des robots mis au service des enfants autistes dans des hôpitaux en Europe et en Amérique du Nord[18].

Selon Philippe Perennès, le problème de la sensorialité doit être conçu comme une question d’hygiène alimentaire. De même que nous savons qu’il nous faut faire attention à ce que nous mangeons, nous devons porter attention à la nourriture sensorielle, à trois égards :

-          celui de la qualité, car nous l’avons vu, toutes les perceptions ne se valent pas

-          celui de la quantité, car il nous faut aussi reposer nos sens, comme nous reposons notre estomac entre les repas

-          celui de la rythmicité, car il ne suffit pas de bien se nourrir. Le rythme est un facteur de vie et il est aussi important d’avoir faim, de s’ennuyer, que de manger.

Cette préoccupation quant à la perception est fondamentale si nous voulons permettre à l’enfant de s’insérer dans le monde, mais aussi d’entrer en contact avec lui-même. Car, en nourrissant l’enfant de perceptions de qualité, nous lui permettons de développer des synapses et ces synapses sont précisément ce qui permet au système nerveux de demeurer un système ouvert et non pas fermé sur lui-même et, comme le soutient Hans-Ulrich Albonico, « elles fournissent la base non seulement pour le lien entre penser et perception, mais avant tout pour le pouvoir créateur, l’imagination »[19]. Dans le même esprit, Rudolf Steiner soutenait que là où un nerf est interrompu, comme c’est le cas à l’endroit de la synapse, la part sensible de l’être humain entre en lien avec l’être suprasensible, c’est-à-dire avec notre intelligence supérieure, celle grâce à laquelle nous pouvons recevoir de nouvelles forces de création. « Voulons-nous, demande Perennès, que ces nouvelles forces naissent en nos enfants, que l’enfant soit en lien avec son être supérieur? »

Que pouvons-nous faire pour réagir à la migration sensorielle ?

D’abord, pour saisir les possibilités, il nous faut considérer que l’enfant est beaucoup plus à l’extérieur de lui-même qu’à l’intérieur. C’est-à-dire qu’il n’est pas encore très présent à lui-même, pas très conscient de lui-même. L’extrait suivant sur la croissance psychique de l’enfant nous permettra de saisir ce qu’il en est :

L’émergence de la pensée et de l’enveloppe psychique nécessite un étayage premier sur l’enveloppe corporelle. L’intégration du Moi dans l’espace et dans le temps va nécessiter que l’enfant soit tenu (holding) par son parent.

L’enfant a besoin du holding parental, mais également de disposer de temps pour aller à la rencontre de son environnement au travers de ses sens. La croissance physique et le développement de la coordination motrice dominent la vie du jeune enfant. C’est par le mouvement qu’il traduit sa vie psychique tout entière ou du moins jusqu’à l’âge de la parole. Les manifestations motrices de l’enfant sont certes des réponses à des besoins organiques, mais également les premiers moyens de communication avec son entourage. Elles participent grandement à la prise de conscience du moi comme sujet et à la construction progressive d’un espace de pensée. Les explorations et tâtonnements de l’enfant font petit à petit passer l’intelligence du plan moteur au plan représentatif.

Ainsi, l’importance du double ancrage corporel et relationnel des processus de subjectivation que nous venons de souligner, permet de soutenir l’hypothèse que la surconsommation des écrans chez l’enfant, en perturbant ce double ancrage, altère l’émergence des processus de pensée. [20]

C’est-à-dire que pour que l’enfant soit présent, comme « Je » ou comme « Moi », il lui faut vivre des expériences sensorielles et des relations humaines. Il s’agit donc d’abord de prendre en considération cette réalité.

Les enfants sont l’avenir de l’humanité et Perennès partage l’idée de Saint-Exupéry selon laquelle : « Pour ce qui concerne l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ». Il faut rendre possible l’enfant en devenir. Rendre possible quelque chose, ou plutôt quelqu’un qu’on ne connaît pas. Il faut donc s’engager à « laisser ouvert ». Mais comment y arriver? Comment rendre possible l’émergence de ce que l’enfant est vraiment? Il faut d’abord ne pas chercher à mettre, à la place de ce qui veut émerger, quelque chose d’autre, une idée préconçue de ce qu’on voudrait qu’il devienne ou de ce qu’on croit qu’il devrait devenir. Mais comment faire pour laisser l’enfant devenir lui-même? En pédagogie Waldorf nous dit Perennès, il existe trois piliers qui permettent de dégager des indications pour répondre à la question :

-          1. La culture d’une intentionnalité claire

-          2. Le développement des savoirs faire

-          3. Le développement et l’éducation de tous les sens.

1. La culture d’une intentionnalité claire :

Il y a une différence entre l’intentionnalité du petit enfant et celle qu’on attend de l’adulte. C’est-à-dire que l’intentionnalité du petit enfant se rapproche davantage de l’instinct. Elle est grandement liée aux forces de vie : la faim, la soif, le besoin de sécurité, etc. Cependant, si cette intentionnalité primitive de l’enfant, tournée exclusivement sur lui-même, persiste à l’âge adulte, il y a un problème. Cette intentionnalité doit évoluer au cours de la vie, mais vers quoi, comment?

Dans la formation donnée aux enseignants avant l’ouverture de la première école Waldorf, à Stuttgart en 1919, Rudolf Steiner développe l’idée d’une évolution de l’être humain dans laquelle on perçoit une certaine intériorisation de la volonté, couplée à un mouvement du sentiment vers la pensée. Dans la mesure où on peut considérer le sentiment comme « mobile » de la volonté, on peut voir dans cette évolution une introduction progressive de la pensée dans ce qui impulse la volonté. Ainsi, l’instinct apparaît comme la forme de volonté qu’on pourrait dire « inférieure », et dont on peut voir clairement l’expression chez les animaux jusque dans leur forme physique. La capacité des animaux à construire leurs habitats particuliers, chez les oiseaux, les abeilles, les castors, par exemple est liée à l’instinct et se révèle dans les formes animales[21]. À un degré supérieur, la volonté ne se manifeste plus sous forme d’instinct, mais plutôt comme pulsion. Alors que l’instinct est « imposé de l’extérieur », la pulsion exprime une forme « plus intériorisée » de volonté, qu’on peut voir chez l’animal, et de façon atténuée chez l’Homme[22]. Sous une forme encore plus intérieure, la volonté devient désir. Cependant, si la pulsion se manifeste « de manière uniforme » tout au long de la vie, le désir n’est pas toujours présent, « il surgit, puis il passe »[23]. Les instincts, pulsions et désirs font partie des manifestations de la volonté animale, ce qui n’est pas le cas dès qu’on explore la volonté telle qu’elle s’exprime quand elle est suffisamment intériorisée pour être saisie par le Je. En général, nous dit Steiner, on appelle « motif » la volonté saisie par le Je, et si les animaux peuvent avoir des désirs, on ne pourrait soutenir qu’ils ont des motifs[24]. Les formes supérieures de la volonté sont le « souhait » de faire mieux la prochaine fois, s’éveillant en nous après une action; le « projet » résulte du souhait quand il prend une « forme plus précise » et s’exprime dans une visée plus concrète; projet qui, après être demeuré longtemps en germe, deviendra « décision »[25].

Or, pour que cette évolution de la volonté se réalise, pour qu’on puisse en arriver à une volonté plus humaine, une volonté qui répond à des motifs moins égoïstes, des motifs tournés vers la communauté, il faut d’abord que cette évolution de la volonté soit portée et vécue par les adultes avec lesquels l’enfant est en contact, par les adultes que les enfants vont imiter et prendre pour modèles. Les adultes autour de l’enfant, les éducateurs, doivent être porteur d’une intentionnalité non pas animale, mais la plus humaine possible, ce qui implique aussi de ne pas être déterminé par l’argent, mais par des motifs plus nobles. Ceci, jusqu’à ce que l’intentionnalité germe au cœur de l’enfant.

Or, les intentions profondes peuvent très bien vivre sous le niveau de la conscience. Nous ne savons pas toujours consciemment pourquoi nous faisons telle ou telle chose, pourquoi nos pas nous ont menés là où nous nous trouvons? Mais dans le « faire », dans les gestes posés, apparaît l’intentionnalité. Il nous faut donc, en tant qu’adultes, soigner le regard rétrospectif. Prendre conscience de notre intentionnalité en regardant rétrospectivement nos actions et nos gestes, pour saisir nos intentions profondes. Être nous-mêmes le plus conscients possible de nos propres intentions.

2e pilier : le développement des savoirs faire

C’est par ce qu’on fait qu’on se définit. Or, ce n’est pas sur son passé que l’enfant peut se retourner et voir qui il est. En attendant, de pouvoir se définir par ce qu’il fait, il se définit par ce que ses parents font : « Mon papa il est… il sait faire… Ma maman, elle est… ». Pour écrire sa biographie, il faut s’investir dans son temps et son espace. Et pour cela, l’enfant doit éprouver sa capacité à faire bouger le monde autour de lui, concrètement, réellement. Les enfants qui ne savent rien faire sont fragiles : soit ils s’excusent d’être ou ils foutent le bazar. Le travail des mains, le travail artistique constituent à cet égard des outils précieux.

3e pilier le développement et l’éducation de tous les sens

D’abord, il faut connaître les sens[26], puis il faut connaître les organes et objets de perception de chacun de ces sens. Il faut ensuite une culture sensorielle, un souci de développer les sens. C’est pourquoi de plus en plus de jardins d’enfants ou de garderies déménagent dans la nature[27].

Une des caractéristiques de la perception réelle, du monde réel, est sa cohérence. Si l’enfant prend un morceau de bois, il peut sentir son poids, sa forme, il peut le goûter, sentir son odeur, examiner les nuances de ses couleurs, faire du bruit avec, tester sa solidité, etc. Si, dans les écoles et jardins d’enfants Waldorf, on rejette les jouets en plastique, c’est parce que l’enfant a besoin d’une concordance, d’une cohérence entre les perceptions que le plastique ne permet pas. Tout ce qui est en plastique a relativement le même poids, goûte la même chose, est froid, a une texture uniforme. Or, s’il faut rechercher la cohérence extérieure c’est aussi parce qu’elle favorise la cohérence intérieure.

Pour réagir à la migration sensorielle, Perennès propose donc trois piliers qu’il trouve dans la pédagogie Waldorf :

1-      Une intentionnalité claire pour laisser émerger l’intentionnalité propre de l’enfant

2-      Développer des savoirs faire manuels

3-      Développer les sens.

La contrepartie

Ces trois piliers s’avèrent d’autant plus importants aujourd’hui, bien qu’à contre-courant quand on prend en considération les conceptions qui imprègnent la société actuelle et sur lesquelles Perennès attire notre attention. Il y a d’abord le rôle déterminant que jouent aujourd’hui les « relations publiques » inspirées des travaux de Edward Bernays, qui a développé une méthode dont les fondements reposent sur l’idée que pour qu’une société démocratique fonctionne bien, il faut qu’il y ait une forme de gouvernement invisible qui décide pour les autres tout en laissant l’impression aux gens d’être libre[28]. « La minorité, écrit-il dans son livre Propaganda, a découvert qu’elle pouvait influencer la majorité dans le sens de ses intérêts. Il est désormais possible de modeler l’opinion des masses pour les convaincre d’engager leur force nouvellement acquise dans la direction voulue. Étant donné la structure actuelle de la société, cette pratique est inévitable. De nos jours la propagande intervient nécessairement dans tout ce qui a un peu d’importance sur le plan social, que ce soit dans le domaine de la politique ou de la finance, de l’industrie, de l’agriculture, de la charité ou de l’enseignement. La propagande est l’organe exécutif du gouvernement invisible »[29]. Bernays a donc été le premier à mettre la psychologie, la psychanalyse, les sciences sociales et leurs méthodes au service de la manipulation des masses.

Perennès attire notre attention sur un autre personnage, B.J. Fogg, dont l’apport, plus récent et actuel, n’est pas non plus à négliger. Docteur en psychologie, il est le fondateur du Stanford Persuasive Technology Lab où il travaille sur les techniques de séduction et de persuasion et où il a développé la Captology et le Designing for Behavior change[30]. La Captologie est « l’étude des ordinateurs en tant que technologies persuasives. Cela inclut la conception, la recherche, l’éthique et l’analyse de produits informatiques interactifs (ordinateurs, téléphones portables, sites Web, technologies sans fil, applications mobiles, jeux vidéo, etc.) créés dans le but de changer les attitudes ou les comportements des personnes »[31].

L’approche de Fogg repose sur une équation : B = MAT ou, en français, C = MAD. C pour le comportement, M pour la motivation, A pour l’Aptitude et D pour le déclencheur. « Pour automatiser la persuasion, écrit Fogg, il faut réfléchir clairement à ce qui conduit au changement de comportement » et les trois éléments précités, la motivation, l’aptitude et le déclencheur « doivent converger au même moment pour qu’un comportement se produise »[32].

La motivation, pour Fogg, se présente sous trois dimensions : la sensation, l’anticipation et l’appartenance. Deux voix peuvent mener à améliorer l’aptitude : « vous pouvez entrainer les gens former les gens à avoir plus de compétences. C’est la voie la plus difficile : persuader les gens d’apprendre de nouvelles choses. La meilleure solution consiste à simplifier le comportement visé ». Quant au déclencheur, il peut être : « un rappel, une date limite, entre autres. Essentiellement, un déclencheur dit à quelqu’un de “le faire maintenant” »[33].

Pour faire en sorte que la motivation du vendeur se rende chez le client, résume Perennès, il s’agit d’interpeller en premier lieu le cerveau reptilien, celui de la survie, en plaidant la nécessité et l’urgence. Ensuite, on s’adresse au cerveau limbique, celui des émotions, puis on termine avec un argument massue en s’adressant au néocortex, qui permet la réflexion. Concernant l’aptitude, en faisant en sorte que les choses soient le plus simples possible, on n’exige pas, on ne développe pas un savoir-faire, tout en donnant l’impression d’en avoir un. Un véritable savoir-faire, souligne Perennès, est un acte biographique qui exige une maîtrise corporelle. Et le déclencheur est un élément extérieur, un logo, une perception sensorielle qui fait déclic.

Avec cette approche, on fait en sorte que ce ne soit jamais l’intention de l’individu qui soit mise de l’avant ou qui soit interpellée. On s’en prend d’abord à ses impulsions et ses émotions. D’ailleurs, quand Fogg parle d’intentionnalité, il s’agit de l’intention des programmateurs[34]. Dans un article de Science et Vie sur les médias sociaux et les neurosciences, James Williams, chercheur en éthique de l’attention à Oxford, mais anciennement au service de publicité de Google témoigne : « À court terme, ces outils nous détournent des choses que nous avons à faire. À long terme, cela peut nous détourner de la vie que nous voulons mener… Ces technologies privilégient nos impulsions et pas nos intentions »[35]. Dans les jeux vidéo également, objet de recherche de Perennès[36], il n’y a aucune liberté. L’intention est toujours celle du programmateur. On ne peut faire, dans le jeu, que ce qui est programmé, et la notice l’indique clairement : « Si tu veux gagner, il te faudra… »

Dans un tel contexte, que faut-il faire?

Il faut, nous dit Perennès, être conscient que chaque fois qu’un enfant est mis dans une situation réelle de perception, chaque fois qu’il est mit dans un contexte où les perceptions sont issues du monde réel et non du monde virtuel, cela constitue pour lui un vecteur d’incarnation et les expériences qu’il vit restent en lui. Il faut donc créer le plus possible de ce qu’il appelle des « îlots » d’activités significatives. C’est-à-dire créer le plus possible de situations au cours desquelles les enfants sont conduits vers la réalité, sont amenés à percevoir de vraies choses. « Parce que quand on perçoit les choses, on se met en route vers le monde ».

Philippe Perennès reprend ici des paroles de Robin Schmidt : « Jusqu’à maintenant, pour les humains, la transcendance était toujours le ciel. Il fallait transcender la terre et ses conditions pour parvenir au ciel. Le monde numérique est un monde dans lequel nous vivons sans le corps. [] La terre devient un lieu que l’on vit comme lointain, autre, étranger. Elle devient quelque chose où l’on entre en franchissant une frontière, en s’exerçant, et en le décidant. C’est ainsi que la terre devient la transcendance »[37]. Il s’agit donc d’amener les enfants à vivre le plus souvent possible des expériences sur la terre, qu’il s’agisse de randonnées en montagne, de sorties en nature, ou simplement de jouer dehors.

Il s’agit donc de créer des îlots où le vécu est réel, se rapporte au réel, des vécus qui permettent de rendre l’avenir possible. Et pour cela, nous dit Perennès, il faut avoir une vision claire de ce qu’est un saumon. Un saumon qui nage à contre-courant. Et il nous faut développer une mentalité de saumon.[38]



[1] Philippe Perennès enseigne à l’école Waldorf de Colmar, en France, depuis plus de 36 ans. Il est également chercheur, auteur et conférencier. Il a publié plusieurs livres sur les sens, dont : Rencontre avec les quatre sens corporels, Rencontre avec les douze sens, Les sens de la rencontre, et son dernier livre paraitra bientôt sous le titre : La migration des perceptions sensorielles, du monde réel au monde virtuel.

[2] Dans le monde, ce sont près de 7,7 milliards d'abonnements mobiles qui étaient souscrits fin 2017, soit plus de la totalité de la population mondiale, selon les estimations de l'International Telecommunication Union. Cela correspond ainsi à un un taux de pénétration de 103,5%. 6,1 milliards de ces abonnements ont été souscrits dans des pays en développement. Source : https://www.journaldunet.com/ebusiness/internet-mobile/1009553-monde-le-nombre-d-abonnes-au-telephone-mobile/

  [3] Il est intéressant de noter que dans l’article à ce sujet, on rapporte l’effet sur Joshua Bell d’être ignoré des gens, alors qu’il est habitué à jouer dans les plus grandes salles et à se sentir dérangé par les gens qui toussent ou qui oublient d’éteindre leurs téléphones. Dans le métro, ses attentes ont rapidement diminuées, il se mit à apprécier le moindre égard, fût-il un simple coup d’œil et à ressentir une curieuse reconnaissance quand quelqu’un jetait un dollar au lieu de la petite monnaie, alors que les places pour le voir en concert se vendent à plus de 100$. Il vit difficilement la fin de chaque pièce alors que personne n’applaudit, personne n’a remarqué qu’il jouait ni que la pièce était terminée. Enfin, il est rapporté par Joshua Bell que dans ce concert où il s’est appliqué aussi bien que lorsqu’il joue dans de grandes salles, il a réussit sa plus belle performance dans les 5 dernières minutes, durant cet espace temps où il y eut enfin plus d’une personne à la fois qui l’écoutaient. Ce qui nous ramène à l’idée émise précédemment de l’effet de la perception sur ce qui est perçu. https://www.washingtonpost.com/lifestyle/magazine/pearls-before-breakfast-can-one-of-the-nations-great-musicians-cut-through-the-fog-of-a-dc-rush-hour-lets-find-out/2014/09/23/8a6d46da-4331-11e4-b47c-f5889e061e5f_story.html?utm_term=.9f0e89909010

 

[5] En 1998, il y a 20 ans, Joseph Clinton Pearce rapportait les résultats d’une étude menée en Allemagne à l’Université de Tunbingen, sur plus de 20 ans, auprès de 4 milles personnes, qui montrait des résultats significatifs dûs à une mauvaise stimulation sensorielle. Le premier constat était une réduction moyenne d’un pour cent par an de la sensibilité sensorielle et de la capacité à importer des informations du monde extérieur. Comparés aux enfants de 20 ans, les enfants examinés à la fin de l’enquête comprenaient ou enregistraient des informations provenant de leur environnement à 80 %, ce qui signifie qu’ils étaient 20 % moins conscients de leur situation et de ce qui se passe autour d’eux. En second lieu, le type de stimulus qui réussissait à traverser le système d’activation réticulaire de l’ancien cerveau reptilien, le tronc cérébral, devait être extrêmement concentré, des hyperstimulations. Autrement dit, les rafales de stimulus très chargées étaient les seuls signaux que les enfants pouvaient retenir de leur environnement. Le son devait être fort ; le toucher devait être un impact ; dans le domaine visuel, ça devait être intense. Les subtilités ne pouvaient pas attirer leur attention. En comparaison, vingt ans plus tôt, un enfant ou un jeune était capable de différencier 360 nuances de rouge alors qu’il pouvait maintenant en saisir environ 130 nuances. Les subtilités ne pouvaient être perçues, seul un impact puissant de rouge pouvait pénétrer désormais le système réticulaire. Ce qui a des implications profondes pour l’ensemble du développement. La troisième conclusion était que les cerveaux de ces jeunes ne faisaient pas d’indexation croisée des systèmes sensoriels, il n’y avait donc pas de synthèse dans le cerveau. La vue était simplement une série d’impressions brillantes qui ne se croisent pas avec le toucher, le son, l’odorat, etc. Il n’y avait pas de contexte créé pour la saisie sensorielle, chacun étant un événement indépendant et isolé. En entendant un certain son, cela ne faisait pas apparaître toutes sortes de schémas de mémoire en résonnance avec d’autres sens. Ces phénomènes étant issus de l’absence de stimulation appropriée et de la surexposition massive ou inappropriée à des stimulus artificiels. C. Walker, (1998) « Waking Up to the Holographic Heart, Starting over with education, Joseph Chilton Pearce 1998 interview » in Wild Duck Review, Vol. IV, no.2, disponible en ligne : http://www.ratical.org/many_worlds/jcp98.html

[6] Daniel R. Anderson and Tiffany A. Pempek, « Television and Very Young Children, AMERICAN BEHAVIORAL SCIENTIST, Vol. 48 No. 5, January 2005 505-522, p. 512 DOI: 10.1177/0002764204271506

[7] Ibid, p. 513

[8] Des recherches ont pu établir une diminution de près de 90 % du nombre de saccades par seconde devant la télévision, comparativement au nombre de saccade en regardant un magazine. On peut également observer une réduction de 97% du champ visuel. Voir Peter Crown, Gregg Geatherman et coll, Electroencephalographic Correlates of Television Viewing, Final Technical Report, National Science Foundation, Student-Originated Studies, Grant No. SPI 78-03-698 Hampshire College, Amherst (Mass), mars 1979, cité par Reiner Patzlaff, L’enfant face aux écrans, Aethera, 2014, p.27-28.

[9] En accord avec Robert Kubay et Mihaly Csikszentmihalyi, R. Patzlaff estime qu’« on peut considérer la télévision comme un cas particulier de rêve éveillé (day dreaming), qui présente à l’électroencéphalogramme des transformations tout à fait semblables ». R. Kubey/M. Csikszentmihalyi, Television and the Quality of Life : How Viewing Shapes Everydau Experience, Hillsdale (New Jersey), 1990. Patzlaff, op. cit., p. 224

[10] Robert C. Klesges, Mary L. Shelron, Lisa M. Klesges, Effects of Televisison on Metabolie Rate : Potenteal Implictions For Childhood Obesity, dans Pediatrics Vol. 91, No.2, 1993, p.281-286, cité dans Patzlaff, op., cit., p. 32

[11] David Bodanis, The Secret Family. Twenty-four Hours Inside the Mysterious World of your Minds and Bodies, New York, 1997, cité dans Patzlaff, op., cit., p. 32.

[12] Patzlaff, op. cit, p. 33

[13] Dr Carla Hannaford, La gymnastique des neurones, Jacques Grancher Éd, Paris 1997, p. 40-41

[14] « Au fur et à mesure de leur utilisation, les neurones déposent sur l’axone en plusieurs couches une gaine blanche, phospholipidique et segmentée : la myéline. La myéline augmente la vitesse de transmission de l’influx nerveux, tout en isolant, protégeant et favorisant la régénération de l’axone si le nerf est endommagé. Lorsque nous apprenons quelque chose pour la première fois, c’est comme si nous tracions une piste dans un terrain vierge. Mais si les neurones sont activés de façon répétée, le dépôt de myéline augmente. Plu sil y a de myéline, plus la transmission est rapide. Dans les neurones très myélinisés, les impulsions voyagent à la vitesse de 100 mètres à la seconde. Plus il y a de pratique, plus il y a de myéline, et plus le traitement est rapide. » Dr Carla Hannaford, La gymnastique des neurones, Jacques Grancher Éd, Paris 1997, p. 27

[15] Hannaford rapporte qu’«une étude longitudinale new-yorkaise a permis de suivre 133 sujets, de l’enfance à l’âge adulte. On a découvert que la compétence à l’âge adulte provenait de trois facteurs majeurs dans le premier environnement d’apprentissage : 1) un environnement sensoriel riche, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, 2) la liberté d’explorer cet environnement avec peu de restrictions, et 3) des parents disponibles qui se comportaient comme des conseillers que l’enfant pouvait consulter lorsqu’il avait des questions à poser » Op. Cit. p. 65. 

[16] Selon une étude de Michael Rutter citée par marie Anaut dans Psychologie de la résilience, 3e édition, Paris, Armand Colin, 2015.

[17] https://www.huffingtonpost.fr/2018/06/15/ipal-un-robot-professeur-pour-garder-les-tout-petits-chinois_a_23459759/

[19]Hans-Ulrich Albonico, Psychotropes pour enfants et adolescents. Hyperactivité, déficit de l’attention et ritaline : un défi, Arlesheim, Anthrosana, 2010, p. 20

[20] Adeline Dubreu-Béclin, « Exposition aux écrans et croissance psychique », L’évolution psychiatrique 83 (2018) p. 399-414, p. 403-404.

[21] Rudolf Steiner, La nature humaine, fondement de la pédagogie, Paris, Triades, 2004, p. 77-78

[22] Ibid. p. 78

[23] Ibid. p. 79

[24] Ibid. p. 80

[25] Ibid. p. 82-84

[26] Il n’existe pas de consensus, aujourd’hui, sur le nombre de sens dont dispose l’être humain. Cela dépend de la façon dont on aborde la question. Le nombre de sens varie selon le critère adopté : organes visibles, fonction des récepteurs, processus biologiques. Rudolf Steiner, quant à lui, identifie douze sens, qu’il distingue en vertu de « leur champ d’expérience ». Ce point de vue, explique Wolfgang Auer, a été utilisé dans un premier temps par Charles Scherrington « en 1906 lorsqu’il a considéré la perception du corps (proprioception) comme un domaine perceptif à part entière » (W. Auer, Mondes sensibles, Triades, 2009, p. 12). Maurice Merleau-Ponty a suivi la même approche. R. Steiner considère, quant à lui, comme un sens humain « tout ce qui permet à l’homme de reconnaître l’existence d’un objet, d’un être ou d’un processus de telle façon qu’il puisse légitimement placer cette existence dans le monde physique » (R. Steiner, Anthroposophie, un fragment, Triades, 2008, p. 29). Les douze sens identifiés par R. Steiner se partagent en trois groupes. Le premier inclus les sens par lesquels l’être humain prend conscience de l’existence de son corps, le champ donc de la proprioception. Ce sont le sens du toucher, le sens du mouvement, le sens de la vie et le sens de l’équilibre. Le second groupe réunit les sens qui permettent de prendre connaissance du monde extérieur, à savoir : la vue, l’odorat, le goût et le sens de la chaleur. Le troisième groupe rassemble les sens tournés vers l’intérieur, qui « révèlent ce qui est caché » : l’ouïe, le sens du langage, le sens de la pensée, et le sens du Moi d’autrui (A. Soesman, Les douze sens, 1998, Triades, p. 274). Ces derniers sens sont ceux qui permettent une rencontre avec le psychospirituel, une rencontre avec l’autre, ils sont propres à l’Homme.

[27] Voir : https://centdegres.ca/magazine/sante-et-societe/garderies-en-plein-air-de-multiples-effets-benefiques/; http://www.communityplaythings.com/resources/articles/2018/long-term-effects-of-nature-based-education

[28] « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. » Edward Bernays, Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie, Zones, Paris, 2007, p.31.

[29] Ibid. p. 39

[30] Au sujet du Designing for Behavior Change, on peut lire : Our goal is to explain human nature clearly and map those insights onto the emerging opportunities in technology. http://captology.stanford.edu

[31] BJ Fogg a dérivé le terme captologie en 1996 d'un acronyme: Computers As Persuasive Technologies = CAPT. http://captology.stanford.edu/about/what-is-captology.html

[32] J.B. Fogg, The new rules of persuasion : http://captology.stanford.edu/wp-content/uploads/2015/02/RSA-The-new-rules-of-persuasion.pdf

[33] Ibid.

[34] « Intentionality is what distinguishes between a planned effect and a side effect of a technology », in B.J. Fogg, Persuasive Technology, Using Computers to Change What We Think an Do, Morgan Kufmann Publishers, 2003, p.16

[35] « Netflix, Facebook, Google…Notre cerveau adore ! Science & Vie, No. 1208, Mai 2018, p. 77

[36] Voir par exemple dans Philippe Perennès, Rencontre avec les quatre sens corporels. La désincarnation par les jeux vidéo, FESWF, 2006.

[37] Robin Schmidt, Prendre le risque de l’Autre. L’émergence de l’hospitalité, Laboissière en Thelle, Triades 2017, p. 53-54

 

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