Grande découverte: boire quand on a soif

 Autonomie, comme dans perte d’autonomie. Si l’on en croit le discours public en effet, on ne s’intéresse aujourd’hui à l’autonomie qu'au moment de la perdre, ou plutôt au moment où l’on achève de la perdre. Car la perte de cette précieuse qualité commence très tôt et, comme elle est indolore, nous sommes les derniers à en avoir conscience. Elle commence, par exemple, quand on boit selon la consigne médicale plutôt que quand on a soif. Voici à ce propos l’histoire d’une grande découverte médicale récente.


Deux chercheurs de l’université de Pennsylvanie, Dan Negoianu et Stanley Goldfarb, ont conclu qu'aucun des bienfaits attribués à l’eau bue en grande quantité, amélioration de la silhouette, amaigrissement, désintoxication n’a été démontré. Quant à la norme, 8 verres de 8 onces par jour ou un litre et demi, personne ne semble savoir d’où elle provient. Les auteurs en concluent qu’« il faut boire quand on a soif ». Leur étude date de 2008. On a constaté récemment en France que 20% des femmes souffrent d’incontinence urinaire à cause notamment d’une surconsommation d’eau. Là encore la conclusion est qu’il faut boire quand on a soif. S’il faut attacher de l’importance à cette découverte c’est parce qu'elle va à l’encontre d’une tendance de plus en plus forte : la méfiance à l’égard du corps, dont les effets peuvent être catastrophiques aussi bien pour la santé des individus que pour celle des systèmes de santé publics. Une telle méfiance est toujours le signe d’une érosion de l’autonomie.

 

« En tant que peuple, nous sommes obsédés par la santé. Il y a là quelque chose de fondamentalement, radicalement malsain. Tout se passe comme si au lieu de nous abandonner à l’exubérance de la vie, nous ne songions qu’à conjurer les troubles et à éviter la mort; nous avons perdu toute confiance dans le corps humain. »  C’est en ces termes que Lewis Thomas déplorait l’érosion chez les Américains de ce qu'on pourrait aussi appeler le pouvoir guérisseur de la nature. Ce diagnostic, formulé il y a plus de trente ans, est encore plus fondé aujourd’hui. La soif est l’une des indications les plus claires que notre corps nous donne sur l’état de ses besoins. Si l’on cesse de s’y fier, il ne reste plus qu'à réserver sa confiance, en toutes choses, du matin au soir, à des instruments de mesure et des normes extérieures. C’est la voie qu'ont choisie les créateurs du site Automesure, très tendance selon France 2.

 

 

Lewis Thomas




L'Agora - Textes récents

  • Vient de paraître

    Lever le rideau, de Nicolas Bourdon, chez Liber

    Notre collaborateur, Nicolas Bourdon, vient de publier Lever de rideau, son premier recueil de nouvelles. Douze nouvelles qui sont enracinées, pour la plupart, dans la réalité montréalaise. On y retrouve un sens de la beauté et un humour subtil, souvent pince-sans-rire, qui permettent à l’auteur de nous faire réfléchir en douceur sur les multiples obstacles au bonheur qui parsèment toute vie normale.

  • La nouvelle Charte des valeurs de Monsieur Drainville

    Marc Chevrier
    Le gouvernement pourrait décider de ressusciter l'étude du projet de loi 94 déposé par le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville. Le projet de loi 94 essaie d’endiguer, dans l’organisation scolaire publique québécoise, toute manifestation du religieux ou de tout comportement ou opinion qui semblerait mû par la conviction ou la croyance religieuse.

  • Billets de Jacques Dufresne

    J'ai peur – Jour de la Terre, le pape François, Pâques, les abeilles – «This is ours»: un Texan à propos de l'eau du Canada – Journée des femmes : Hypatie – Tarifs etc: économistes, éclairez-moi ! – Musk : danger d'être plus riche que le roi – Zelensky ou l'humiliation-spectacle – Le christianisme a-t-il un avenir?

  • Majorité silencieuse

    Daniel Laguitton
    2024 est une année record pour le nombre de personnes appelées à voter, mais c'est malheureusement aussi l’année où l'abstentionnisme aura mis la démocratie sur la liste des espèces menacées.

  • De Pierre Teilhard de Chardin à Thomas Berry : un post-teilhardisme nécessaire

    Daniel Laguitton
    Un post-teilhardisme s'impose devant l'évidence des ravages physiques et spirituels de l'ère industrielle. L'écologie intégrale exposée dans les ouvrages de l'écothéologien Thomas Berry donne un cadre à ce post-teilhardisme.

  • Réflexions critiques sur J.D. Vance du point de vue du néothomisme québécois

    Georges-Rémy Fortin
    Les propos de J.D. Vance sur l'ordo amoris chrétien ne sont somme toute qu'une trop brève référence à une théorie complexe. Ce mince verni intellectuel ne peut cacher un mépris égal pour l'humanité et pour la philosophie classique.

  • François, pape de l’Occident lointain

    Marc Chevrier
    Selon plusieurs, François a été un pape non occidental parce qu'il venait d'Amérique latine. Ah bon ? Cette Amérique se tiendrait hors de l'Occident ?

  • L'athéisme, religion des puissants

    Yan Barcelo
    L’athéisme peut-il être moral? Certainement. Peut-il fonder une morale? Moins certain, car l’athéisme porte en lui-même les semences de la négation de toute moralité.

  • Entre le bien et le mal

    Nicolas Bourdon
    Une journée d’octobre splendide, alors que je revenais de la pêche, Jermyn me fit signe d’arrêter. « Attends ! J&

  • Le racisme imaginaire

    Marc Chevrier
    À propos des ouvrages de Yannick Lacroix, Erreur de diagnostic et de François Charbonneau, L'affaire Cannon

  • Le capitalisme de la finitude selon Arnaud Orain

    Georges-Rémy Fortin
    Nous sommes entrés dans l'ère du capitalisme de la finitude. C'est du moins la thèse que Arnaud Orain dans son récent ouvrage, Le monde confisqué