L'invention du téléphone

Josette Lanteigne
Introduction à l'histoire du téléphone.
À l'instar du télégraphe, le téléphone a de multiples origines. Mais toutes convergent vers Alexander Graham Bell, humaniste d'origine écossaise, et Thomas A. Watson, qui partage avec le premier l'honneur de l'invention.

Quand Bell et Watson effectuent leurs expériences décisives, l'état des recherches sur le téléphone est beaucoup moins avancé que celui sur le télégraphe quand Samuel Morse apporta la simplicité de sa solution. Aussi, le processus de l'invention sera-t-il nettement plus élaboré.

C'est à Boston, en avril 1871 que Bell entreprit de réaliser les expériences décrites par Helmholtz. L'expérience initiale consistera à mettre un diapason en contact avec un bain de mercure: à chaque vibration, un circuit électrique est bouclé; par induction, un autre diapason se met à vibrer à l'autre bout du circuit. Ce dispositif ingénieux reste encore éloigné du téléphone, mais est assez proche de ce qu'on appelait alors la "télégraphie harmonique" ou multiplexage.

En 1874, Thomas Sanders et Gardiner Greene Hubbard, les parents de deux élèves de Bell, décident de lui avancer les fonds nécessaires à la poursuite de ses recherches, de plus en plus coûteuses. Grâce à cette aide modeste, Bell put louer un atelier chez un fabricant d'équipement électrique nommé Charles William. Celui-ci céda à Bell les services d'un mécanicien de 21 ans, Thomas A. Watson.

En 1875, Bell et Edison ont tous deux 28 ans. Tous deux vont se lancer sur la piste du téléphone. Contre toute attente, Bell l'emportera malgré son retard scientifique. Dans une lettre à son agent de Montréal, Edison expliqua ainsi son échec: "Toutefois, Bell arriva avant moi car il découvrit un principe de simplicité alors que je peinais sur le principe correct, mais dont l'application était plus difficile". Il put au moins améliorer l'invention de Bell et son apport jouera un rôle essentiel dans la bataille de la commercialisation.

Avec l'aide de Watson, les appareils de Bell vont acquérir la précision technique qui leur manquait jusque là. En juin 1875, une vérification de routine de l'une des languettes du système permet de transmettre les premiers sons musicaux. En juillet 1875, les premiers sons humains seront transmis d'une pièce à l'autre du grenier de l'usine Williams. Bell et Watson se lancent alors dans une course à la qualité, et doivent faire face à la concurrence d'un autre inventeur, Elisha Gray. Celui-ci déposa son brevet deux heures seulement après celui de Bell et Watson, le 14 février 1876. Quelque jours après la confirmation de l'Office des brevets, Bell et Watson mirent au point la combinaison gagnante. Ils remplacèrent la languette de métal par un fil plongeant dans un bain d'eau et d'acide. Les variations de la résistance du mélange dans le bocal permettaient de moduler l'intensité du courant dans le fil de la même manière que les ondes sonores dans l'atmosphère.

Bell lancera officiellement le téléphone au mois de juin 1876, à l'occasion de l'Exposition du centenaire de la fondation des États-Unis à Philadelphie. Au retour de Philadelphie, Bell se rend à Brantford (Ontario), afin de passer l'été chez son père. Il en profite pour louer la ligne télégraphique entre Brantford et Paris, un village situé à 13 km de là. C'est ainsi qu'en août 1876, Bell procède à un test interurbain entre Brantford et Paris (Ontario). Il s'agit d'une transmission téléphonique unidirectionnelle, le retour étant assuré par télégraphe.

Le magazine Scientific American publie au mois de septembre 1876 un article consacré au téléphone, expliquant comment construire un appareil. Le succès est foudroyant. Un peu partout, des amateurs fabriquent des téléphones. Au Québec, Carlos Skinner, un bijoutier de Waterloo, fut un des premiers à tester la nouvelle invention. Aidé de son ami William Farber, il construisit plusieurs téléphones dans la région. Avec l'aval de la Montreal Telegraph Company, Skinner fit des arrangements pour tester le téléphone à partir de la ligne reliant Waterloo et Montreal. Cette conversation, qui eut lieu en octobre 1877, serait le premier interurbain fait au Canada, trois ans avant la fondation de la Bell Telephone Company of Canada, en 1880.

Avant de poursuivre, réglons le problème de la nationalité du téléphone. Dès le début, le Canada et les États-Unis ont essayé de s'approprier l'invention du téléphone. En pratique, Bell a vécu quelques mois seulement au Canada entre août 1870 et avril 1871, avant d'y revenir tous les étés jusqu'en 1876. Bell lui- même, appelé à départager les deux pays, a tranché à la manière de Salomon: "Le téléphone a été conçu à Brantford et il est né à Boston". Mais dès que l'on quitte le domaine anecdotique pour se pencher sur les conditions de l'invention et, surtout, sur son expansion commerciale, il est indéniable que la téléphonie est une invention américaine. Cet acte de naissance pèsera d'ailleurs de tout son poids sur les débuts de la téléphonie canadienne en y imprimant avec force l'axe nord-sud.

Quand le téléphone Bell passera dans d'autres mains que celles de ses inventeurs, Graham Bell partagera son temps entre Washington, où il deviendra président du magazine National Geographic fondé par son bailleur de fonds Hubbard, et la Nouvelle-écosse, où il se fera construire une maison d'été à Baddeck. Il utilisera sa fortune pour améliorer le sort des malentendants et travailler à des inventions diverses dont aucune n'atteindra le stade commercial. Quand Graham Bell mourra en 1922, toutes les communications téléphoniques aux états-Unis, au Canada et au Mexique seront interrompues pendant une minute. à ce moment là, il y avait 13 millions de téléphones dans le monde.

Source principale: Jean-Guy Rens, Histoire des télécommunications au Canada

Autres articles associés à ce dossier

À lire également du même auteur

La question du jugement
TABLE DES MATIÈRES Introduction Chapitre I: La théorie kantienne des jugements analy

Voir le concept de l'art
Sur l'aspect didactique de l'art contemporain. Mais sommes-nous prêts à écouter ses leçons?

Tableau de l'agriculture biologique dans les cinq continents
Tiré du magazine L'Agora, La planète agricole, vol 8, no 3, juin-juil. 2001.

Répertoire de sites sur les municipalités
Paradoxalement, les défenseurs et les opposants aux fusions forcées utilisent le même argument, c

Répertoire de sites sur les partis politiques européens et français
Comme complément, voir les liens du site Consicence Politique, «le journal à contre pied de la pe

Répertoire de sites sur le changement
Répertoire de sites sur le changement organisationnel et le changement de société auquel il invit

Répertoire de sites sur le Québec agroalimentaire
Paru dans «Le Québec agricole», magazine L'Agora, vol 8, no 4 (sept.-oct. 2001).




Articles récents