Le système d'adaptation primale
Si toutes ces nouvelles données étaient réellement assimilées, elles aboutiraient à une nouvelle vision de la vie en général et du phénomène humain en particulier. Mais le cloisonnement des compétences rend difficiles les synthèses nécessaires. Je connais un livre récent d'immunologie dans lequel on ne peut pas trouver le mot hypothalamus! J'ai constaté aussi que des livres récents et bien connus sur le cerveau et le système nerveux ne faisaient aucune allusion au système immunitaire.
Attaquons-nous donc aux barrières embarrassantes. Montrons qu'elles sont à la fois artificielles et stérilisantes. C'est un premier pas nécessaire pour comprendre le mot «santé» et aussi pour bien définir le «système d'adaptation primale». Je voudrais aussi montrer que les différents éléments du «système d'adaptation primale» atteignent leur maturité très tôt dans la vie, pendant la période de dépendance à la mère. Le «système d'adaptation primale» s'oppose en cela au «cerveau nouveau» qui peut accroître ses potentialités jusqu'à un âge très avancé si l'environnement est suffisamment stimulant.
Rappel
Il peut être utile auparavant de rappeler quelques connaissances de base concernant ce que l'on individualise artificiellement sous le nom de système immunitaire. C'est indispensable pour quiconque s'intéresse à la santé.
L'actualité nous y pousse à une époque où beaucoup s'interrogent sur le mystérieux «Sida», c'est-à-dire le syndrome de déficit acquis du système immunitaire. L'apprentissage de quelques mots clés est une façon miraculeuse d'aider ceux qui ne sont pas familiers des sciences biologiques. Ce rappel est une occasion à la fois d'effondrer une autre barrière, celle du langage, et aussi de renforcer l'idée selon laquelle la vie est une lutte constante, une lutte minute par minute entre nous-mêmes et notre environnement.
D'ailleurs, pour décrire les défenses de l'organisme vis-à-vis de substances étrangères potentiellement dangereuses comme les microbes et les virus, nous allons nous livrer au petit jeu qui consiste à utiliser le vocabulaire militaire. Dès la naissance, nous vivons au milieu de microbes. Nous avons besoin de microbes. Mais dans certaines circonstances certains microbes peuvent devenir dangereux, nous devons lutter contre eux et nous en débarrasser.
Tout d'abord, il y a une barrière superficielle (la peau ou une muqueuse), une sorte de frontière qu'un microbe ne peut pas traverser facilement. S'il y a une porte d'entrée, telle une petite blessure, les gardes-frontières vont organiser une résistance localisée que l'on appelle inflammation. La région est rouge, chaude et douloureuse grâce à un apport supplémentaire de sang qui rend possible le combat local. Certaines substances, telles que le «complément», tuent les microbes. Certains globules blancs mobiles, appelés phagocytes, viennent en renfort, participent au combat local, encerclent les microbes et les détruisent.
Le résultat habituel est une victoire locale, rapide et complète. Ou bien la victoire n'est possible qu'au prix d'une suppuration locale, c'est-à-dire au prix de la destruction d'un grand nombre de globules blancs et phagocytes. Dans certains cas les défenses locales sont submergées et la lutte se poursuit dans les ganglions lymphatiques ou dans des organes tels que le foie, la rate, ou les poumons. S'il y a pénétration répétée des microbes dans le courant sanguin, cela s'appelle septicémie. Une défaite totale est possible.
Cette résistance non spécifique peut être renforcée par une immunité acquise. Le système immunitaire a la capacité d'apprendre. Il a une mémoire. Il lui faut apprendre pour combattre ses ennemis spécifiques grâce à des millards d'anticorps de différentes sortes. Ceux-ci patrouillent dans l'organisme et protègent son identité. Ils sont produits par une variété de globules blancs appelés «lymphocytes B». Utile pour faire face à certaines maladies bactériennes, cette immunité humorale est associée à une autre sorte d'immunité, l'immunité à médiation cellulaire, grâce à d'autres globules blancs appelés «lymphocytes T». Tandis que les anticorps peuvent être comparés à des projectiles, les lymphocites T seraient plutôt l'équivalent des fantassins. Les lymphocytes sont spécialisés. Les «T killers» ont un rôle de reconnaissance et de destruction sélective de cibles spécifiques.
Il y a aussi les, «T helpers» et les «T suppresseurs». Selon la proportion relative de ces différents globules, la production d'anticorps par les cellules B est tantôt stimulée, tantôt supprimée. Cette véritable armée a le pouvoir de constamment se renouveler. En quelques minutes, des millions de nouveaux lymphocytes et des milliards de nouveaux anticorps sont produits. De plus, tous les anticorps ne sont pas identiques. Il y a des millions d'anticorps différents!
Les lymphocytes sont formés à partir de cellules spéciales de la moelle osseuse. Celle-ci joue un peu le rôle de camp d'entraînement primaire. Puis les lymphocytes acquièrent leur compétence particulière dans le Thymus. C'est pourquoi on parle de «lymphocytes T». Le thymus joue plutôt le rôle de «camp d'entraînement spécialisé». Le thymus est une petite glande située immédiatement derrière la partie supérieure du sternum. Pendant longtemps, le thymus a surtout été connu des gastronomes: c'est le ris de veau. Son rôle physiologique était mystérieux. Le thymus est relativement volumineux à la naissance. Son volume s'accroît pendant l'enfance, puis diminue considérablement après la puberté. Il ne ressemble plus qu'à un vestige chez le vieillard. Depuis quelques années seulement, le thymus est considéré comme un organe essentiel pour les fonctions immunitaires. D'autres organes tels que les ganglions lymphatiques jouent un rôle important dans l'immunité spécifique.
Bien qu'il soit très dispersé, le système immunitaire n'en constitue pas moins une unité. Il se comporte comme une armée qui coordonne l'action de plusieurs armes. Nous avons pris l'exemple des microbes, mais, bien entendu, le système immunitaire est en conflit permanent avec des étrangers aussi divers que les virus, les parasites, les champignons microscopiques ou les cellules cancéreuses... Le système immunitaire peut faire des erreurs, se tromper de cibles et envoyer des projectiles dans son propre camp, c'est-à-dire détruire avec des «auto-anticorps» certaines cellules qu'il est chargé de protéger. On parle alors de maladie «autoimmune». Le système immunitaire peut aussi réagir de façon démesurée en présence d'étrangers qui ne sont pas réellement dangereux: c'est l'allergie.
Le système immunitaire n'utilise qu'une faible partie de l'énergie dont dispose l'organisme. En d'autres termes, on peut dire que le budget alloué aux défenses immunitaires est faible, comparé, par exemple, au budget alloué aux muscles moteurs.
J'imagine que tous les immunologistes sont convaincus que la vie est une lutte, et, bien plus, que la lutte est un besoin. Le système immunitaire fait son apprentissage en combattant. Quand, par exemple, le système immunitaire n'a pas eu l'occasion de combattre certains virus qu'il est habituel de rencontrer dans l'enfance, la lutte sera plus difficile et plus épuisante à l'âge adulte. Il est préférable d'avoir lutté contre le virus des oreillons à l'âge de quatre ans!
Les barrières encombrantes
La barrière qu'il est le plus facile aujourd'hui d'effondrer entre les différents constituants du «système d'adaptation primale» est celle que l'on avait interposée entre le «cerveau primal» et le système hormonal. L'hypothalamus fait partie du cerveau. Il est constitué de cellules nerveuses ou «neurones», qui communiquent avec d'autres cellules nerveuses par contact direct de leurs prolongements. Mais l'hypothalamus fait aussi partie du système hormonal. Il sécrète des hormones par lui-même. Ces hormones vont atteindre la partie antérieure de la glande hypophyse par le courant sanguin. Ces hormones de l'hypothalamus peuvent être stimulatrices ou inhibitrices des sécrétions de l'hypophyse antérieure. Les hormones de l'hypophyse sont elles-mêmes stimulatrices des autres glandes endocrines telles que les glandes surrénales, la thyroïde, les ovaires et les testicules. Toutes ces sécrétions d'hormones (telles les sécrétions de «thyroxine», de «cortisol», de «folliculine», de «progestérone», de «testostérone») contrôlent en retour par «rétroaction», par «feedback», l'activité de l'hypothalamus. Il y a une véritable interdépendance entre les glandes endocrines et le cerveau. Bien plus, le cerveau peut être aujourd'hui considéré comme une glande avec une issue nerveuse par l'intermédiaire des neurones moteurs qui donnent des ordres aux muscles et aux viscères, et une issue hormonale par l'intermédiaire de l'hypothalamus.
Le cerveau peut utiliser le modèle hormonal de transport d'information pour son propre usage interne. En d'autres termes, les cellules nerveuses n'ont pas besoin de se toucher, de s'articuler au niveau d'une «synapse» pour communiquer. C'est pourquoi on peut provoquer l'envie de boire en injectant une petite quantité d'«angiotensine» dans une zone précise du cerveau, ou déclencher un comportement maternel en injectant de la même façon un peu d'ocytocine hypophysaire. Ce phénomène permet de comprendre comment de petites greffes de cerveau ont pu combler ce
rtains déficits. J'imagine que les physiologistes ou les médecins bien imprégnés par l'image mentale d'une transmission de cellule à cellule, par l'image mentale d'un système comparable au réseau électronique, ont quelques difficultés à intégrer l'existence de substances qui modifient l'activité du cerveau par un mécanisme de «modulation», de «mise en diapason».
La distinction entre système nerveux et système hormonal apparaît comme encore plus arfificielle lorsqu'on sait que les deux systèmes emploient volontiers les mêmes messagers chimiques. Ainsi la noradrénaline, messager chimique du système nerveux sympathique, est aussi l'hormone sécrétée par la glande surrénale pour stimuler les contractions cardiaques, dilater les muscles bronchiques et renforcer les contractions musculaires.
Il n'est guère plus difficile aujourd'hui de se libérer de la barrière qui séparait traditionnellement le système hormonal et le système immunitaire. Quelques exemples suffisent. Nous avons vu que le cortisol, l'hormone de la surrénale sécrétée en grande quantité dans des situations de «helplessness», d'«inhibition de l'action», déprime le système immumtaire. Elle entraîne l'involution du thymus. Elle réduit le nombre et l'activité des cellules T. Elle empêche la synthèse des protéines en général et des anticorps en particulier. D'ailleurs le thymus lui-même est une glande endocrine qui peut sécréter différentes formes de «thymosine». Ces «thymosines» peuvent participer, par «rétroaction», au contrôle de la sécrétion des différentes hormones de stress. Non seulement le cortisol, mais en fait toutes les «hormones de stress» jouent un rôle dans les réactions immunitaires. Ainsi la «noradrénaline» se lie à des récepteurs situés à la surface des lymphocytes et autres globules blancs et habituellement inhibe leur fonction. Ainsi les endorphines, c'est-à-dire des morphines naturelles, sécrétées par le «cerveau primal», influencent l'activité du système immunitaire. Nous avons pris l'exemple des «hormones de stress», mais en fait toutes les sécrétions hormonales jouent un rôle dans l'immunité. Ainsi l'hormone de croissance est nécessaire pour maintenir ou restaurer l'immunité à «médiation cellulaire». La fusion entre le système hormonal et le système immunitaire est encore plus évidente depuis que l'on sait que les lymphocytes eux-mêmes peuvent produire de l'«ACTH» (l'hormone qui stimule la surrénale) et des endorphines, et que les endorphines seraient des stimulateurs de la migration des macrophages. On sait aussi que les lymphocytes disposent de récepteurs de surface pour les hormones les plus diverses. Bien entendu, de nombreuses questions sont encore sans réponses, mais il n'en reste pas moins que toute distinction entre le système hormonal et le système immunitaire est périmée.
Il est peut-être beaucoup plus difficile pour beaucoup de scienfifiques et de médecins d'intégrer dans leurs images mentales la fusion entre le «cerveau primal» et le système immunitaire. C'est pourquoi il est utile de rappeler certaines données anciennes et nouvelles:
- Il est bien connu depuis de nombreuses années qu'il y a des terminaisons nerveuses dans les différents organes du système immunitaire (thymus, moelle osseuse, rate, ganglions lymphatiques). Il est bien connu également que certaines lésions nerveuses ou certaines stimulations nerveuses ont un important effet sur le nombre et l'activité des cellules de ces organes. De plus, nous savons aujourd'hui que la stimulation du système immunitaire envoie des flux d'informations à l'hypothalamus.
- Certains antigènes peuvent augmenter considérablement l'activité électrique de certaines cellules nerveuses de l'hypothalamus, à tel point que le système immunitaire apparaît aujourd'hui comme un véritable organe des sens qui renseigne le cerveau. La présence d'hormones du thymus dans le cerveau est un autre argument suggérant que le thymus renseigne le cerveau.
Les expériences spectaculaires de conditionnement des réactions immunitaires permettent de prévoir que la fusion du système nerveux et du système immunitaire pourrait devenir un sujet des plus passionnant. Les conséquences pratiques d'une telle avancée théorique pourraient être considérables. Ader avait conditionné des animaux à une réaction de dégoût en associant de l'eau saccharinée avec des injections d'une drogue dépressive de l'immunité qui provoquait des troubles digestifs. Par la suite, il pouvait déprimer le système immunitaire des animaux conditionnés simplement en leur donnant de l'eau saccharinée. Bien que Pavlov ait déjà envisagé l'éventualité d'un conditionnement du système immunitaire, et bien que Metalnikov, à l'Institut Pasteur de Paris, ait montré dans les années 1920 qu'un conditionnement peut modifier la réponse d'un organisme à un agent infectieux, il n'en reste pas moins que personne n'aurait osé parler d'éducation du système immunitaire il y a une quinzaine d'années.
Non seulement la science moderne suggère l'unité du «système d'adaptation primale», mais aussi elle nous enseigne la circulation permanente d'informations à l'intérieur de ce réseau d'une infinie complexité. Dans la mesure où la science moderne considère l'information comme une forme d'énergie, notre façon de concevoir le «système d'adaptation primale» a beaucoup de points communs avec les théories orientales traditionnelles de circulation d'énergie. Alors que la médecine traditionnelle orientale considérait la maladie comme une perturbation des circuits d'énergie, nous pouvons de même l'interpréter comme un dérèglement du «système d'adaptation primale».
Après de nombreux détours, la science occidentale va bientôt découvrir que les traditions orientales transmettaient une connaissance profonde de l'être humain et de la santé. Les traditions orientales connaissaient également l'importance de la vie foetale et de la prime enfance comme les fondements de la vie entière. Ainsi, dans l'ancienne Chine, on pratiquait l'«éducation embryonnaire» (TAI-KYO), qui partait du principe que seule une mère heureuse et en bonne santé peut avoir un bébé également heureux et en bonne santé. Il y a beaucoup de proverbes inspirés par les enseignements du TAI-KYO. Par exemple: «Si vous voulez connaître une personne, voyez sa mère». Dans le «Caraka Samhita» (une tradition indienne), le développement de l'embryon et du foetus sont étudiés durant les troisième et quatrième semaines, puis mois par mois jusqu'au septième mois. Il y a de longs chapitres sur la fécondité, la conception, la grossesse, le nouveau-né. Dans la tradition tibétaine du r Gyudb Shi, le foetus est étudié semaine par semaine.
Maturité précoce du système d'adaptation primale
Non seulement la science de ces toutes dernières années suggère l'unité d'un système que nous appelons «système d'adaptation primale», mais bien plus, elle nous donne les moyens de comprendre que ce système se développe et atteint sa maturité pendant la période d'étroite dépendance à la mère.
Quand la science moderne se réfère au cerveau «ancien», au cerveau «archaïque», aux «structures primitives du cerveau», cela concerne à la fois la partie la plus ancienne du cerveau dans l'histoire de la vie et aussi la partie la plus ancienne du cerveau dans l'histoire de chaque être humain en tant qu'individu. Cela signifie que le «cerveau primal» est à peu près le même chez tous les mammifères, depuis les mammifères les plus primitifs jusqu'aux êtres humains. Cela veut dire aussi que le cerveau primal atteint sa maturité très tôt dans la vie d'un être humain, c'est-à-dire pendant la vie foetale, pendant la période qui entoure la naissance et au cours de la prime enfance. Cela veut dire aussi que les informations qui arrivent au cerveau durant ces périodes interfèrent avec des étapes importantes de son développement. L'hypothalamus reçoit directement d'importantes informations par l'intermédiaire des organes sensoriels, et aussi par l'intermédiaire de récepteurs, sensibles à la température, à la composition du sang, à la concentration en hormones, etc.
La science moderne est en mesure de comprendre ce que savait la tradition orientale sur le rôle des stimulations sensorielles en tant qu'apport d'énergie au cerveau. C'est un peu comme si le cerveau avait en permanence besoin d'être rechargé comme une batterie. Quand le tympan reçoit une vibration sonore, il transforme l'énergie vibratoire en énergie électrique au niveau du nerf auditif, puis en énergie chimique au niveau de l'articulation entre deux cellules nerveuses, et ainsi de suite. Quand on caresse la peau d'un bébé, c'est une façon d'apporter de l'énergie au cerveau à un moment important de son développement. Un déficit en stimulations sensorielles pendant la période primale risque d'avoir des conséquences définitives. Ainsi, pendant la vie foetale, la partie de l'oreille interne qui renseigne sur les mouvements du corps et qui assurera plus tard l'équilibre (le «système vestibulaire») semble atteindre très tôt un grand degré de maturité. Le système vestibulaire du foetus est constamment stimulé lorsque la mère marche, change de position, danse, etc. Il est permis de penser que la prescription d'un repos au lit à une femme enceinte représente pour le bébé un important déficit en stimulations sensorielles, c'est- à-dire un déficit en énergie transmise au cerveau à un stade où le «cerveau primal» n'est pas encore mature. On a mis récemment en évidence dans, la partie latérale de l'hypothalamus des cellules spécialisées dont le rôle est de transformer en sensation de plaisir certaines stimulations sensorielles. La période pendant laquelle le cerveau primal atteint sa maturité pourrait être la période où la capacité d'éprouver du plaisir, où les capacités «hédoniques» se développent. La science moderne a maintenant la possibilité de comprendre que l'environnement joue un rôle dans la façon dont l'hypothalamus s'ajuste, atteint ses niveaux d'équilibre au début de la vie.
La façon dont le cerveau devient masculin ou féminin est également de mieux en mieux connue. Les effets définitifs des hormones sexuelles sur le cerveau dans la période qui entoure la naissance sont aujourd'hui bien admis. La période qui entoure la naissance est une espèce de période critique qui détermine ce que sera le comportement sexuel de l'adulte. Par exemple, des animaux génétiquement mâles soumis à un déficit temporaire en hormones mâles durant cette courte période critique seront sexuellement excités à l'âge adulte par les postures des animaux du même sexe, même si leur taux d'hormones mâles est alors normal.
D'une façon générale, le profil hormonal, dans son ensemble, s'ajuste pendant la «période primale». Les différentes parties du «système d'adaptation primale» atteignent leur maturité de façon synchrone. Le système hormonal est très précocement mature. Très tôt, chez le foetus, la glande hypophysaire -- la glande qui commande toutes les autres glandes endocrines -- est en mesure de sécréter toutes les hormones hypophysaires connues, et ne sécrète aucune hormone qui soit particulière à l'âge foetal. Bien plus, les hormones de l'hypophyse du foetus ont les mêmes cibles que chez l'adulte et déclenchent les mêmes réponses. Ce qui est particulier au système hormonal du foetus, c'est qu'il se développe dans un environnement spécial, riche en hormones placentaires, et, à un moindre degré, en hormones maternelles. Dès que le foetus atteint l'âge de onze semaines et demie, il s'établit une rencontre entre les «vaisseaux de l'éminence médiane» (ce qui deviendra l'hypothalamus) et la glande hypophysaire et déjà l'hypothalamus semble contrôler l'hypophyse. Dans le cas particulier des hormones de stress, les variations diverses des sécrétions d'«ACTH» sont déjà établies à trois mois de vie foetale.
Si l'on applique la règle générale selon laquelle l'histoire de l'individu en gestation (l'ontogenèse) résume, récapitule l'histoire de la vie en général (phylogenèse), on peut dire que le système immunitaire est très ancien à tous les points de vue.
La «phagocytose» est aussi vieille que les êtres unicellulaires, les protozoaires. Les tissus lymphoïdes, le thymus, la rate, les anticorps sont aussi anciens que les plus anciens des vertébrés, et le système immunitaire de tous les mammifères est comparable à celui des humains. Pendant la vie dans l'utérus, l'ordre dans lequel se développent les différents éléments du système immunitaire est à peu près le même. Les cellules lymphoïdes et le thymus apparaissent dès la huitième semaine. Grâce à ces tissus, le foetus peut déjà produire des anticorps «de gros poids moléculaire» («Ig M») si une infection bactérienne est transmise par la mère. Mais, normalement, à la naissance, le bébé n'a que des anticorps de faible poids moléculaire («Ig G») qui ont traversé le placenta. Dès la naissance, le système immunitaire du bébé a besoin d'être stimulé. Il y a alors une période critique, jusqu'à ce que les «Ig M» atteignent leur taux définitif (vers l'âge de neuf mois). Pendant cette période, le bébé est protégé contre les infections que sa mère a eues dans le passé grâce aux anticorps de faible poids moléculaire qui ont traversé le placenta. Il est également protégé grâce à des anticorps spéciaux appelés «Ig A» et grâce à diverses substances anti-infectieuses apportées par le colostrum et le lait. De plus, la composition du lait maternel favorise le développement dans l'intestin du bébé du «lactobacille»; celui-ci s'oppose à la multiplication de microbes dangereux. C'est le bon équilibre microbien dans l'intestin du bébé qui stimule son système lymphoïde intestinal et qui stimule la production d'anticorps locaux («Ig A»).
Ce que l'on doit retenir de tout cela, c'est que les différentes parties du «système d'adaptation primale» se développent simultanément et atteignent leur maturité durant la période de dépendance à la mère. Ce développement simultané est un argument supplémentaire en faveur de l'unité de ce système.
Communications
Bien entendu, ce système a des échanges permanents avec l'environnement. Ce n'est pas un système «fermé». Il communique avec l'extérieur par la nutrition, par la respiration, par les stimulations sensorielles. Et aussi, le «système d'adaptation primale» a à son service cette infiniment complexe banque d'informations, cet extraordinaire superordinateur qu'on appelle le néocortex, le «cerveau associatif». Ce nouveau cerveau atteint sa maturité très tard dans l'histoire de la vie et très tard aussi dans l'histoire de l'individu. Il a la capacité de se développer encore chez l'adulte. Son énorme développement est la caractéristique essentielle de l'être humain. Il reçoit ses informations d'une part de l'extérieur par l'intermédiaire des organes des sens, d'autre part de l'ensemble de l'organisme par l'intermédiaire de récepteurs spécialisés. Il a la possibilité d'agir sur les autres étages du système nerveux et sur la motricité en général.
C'est à ce néocortex que nous devons notre connaissance du monde temporo-spatial et cette forme élaborée de communication qu'est le langage humain. Chez l'homme adulte, le néocortex est si développé qu'il a tendance à réprimer, à hypercontrôler l'activité du cerveau primal à un degré tel que dans certaines circonstances il peut inhiber des fonctions physiologiques particulièrement vulnérables, telles que l'accouchement ou l'acte sexuel. On sait aujourd'hui que les parties droite et gauche du néocortex sont spécialisées et il semble que le cerveau primal entretienne des relations différentes entre les deux côtés. Ainsi, par exemple, l'un des côtés aurait plutôt tendance à stimuler l'immunité à médiation cellulaire, tandis que l'autre côté pourrait avoir une action inverse ou, du moins, une action régulatrice «modulatrice».
Mais, quelle que soit la puissance du contrôle néocortical, tant qu'il y aura des humains, le «cerveau primal» sera le «premier en importance». C'est le cerveau qui pousse à survivre, qui donne le besoin de vivre en tant qu'individu et le besoin de survivre par la procréation. C'est aussi le cerveau qui nous dit notre appartenance à l'universel, qui est le support du sens religieux, de la dimension spirituelle. Alors que le néocortex peut être considéré comme le support de la rationalité, le cerveau primal apporte le besoin d'irrationalité. La lutte pour la vie n'est pas, rationnelle. Le néocortex n'est qu'un instrument au service de la lutte pour la vie, de tous les aspects de la lutte pour la vie, qu'il s'agisse de la survie de l'individu, de la survie du groupe ou de la survie de l'espèce.
Le cerveau primal, le cerveau émotionnel, peut aussi communiquer avec le cerveau émotionnel d'autres humains ou avec celui des animaux. L'empathie, la sympathie, l'antipathie, l'attachement, l'amour, la haine s'appliquent à ce mode de communication. Ces façons subtiles de communiquer gardent encore une part de leur mystère.
Le concept de «système d'adaptation primale» ne pourra s'imposer que lentement, et avec difficulté, surtout parmi les médecins et les scientifiques. Il lui faudra en effet se substituer à des images mentales solidement imprimées. Récemment, à la télévision française, une chanteuse avait prétendu, lors d'une discussion, que le chant a des effets sur le système immunitaire. Cela avait provoqué une réponse ironique dans un journal médical bien connu.
Il est plus difficile pour un médecin que pour une chanteuse de bousculer les images mentales associées au mot «santé».
Visiter le site Primal Health Research pour plus d'informations.